La prison dorée

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Adila fut emmenée au Grand Palais et ce fut seulement à ce moment là qu’elle réalisa pleinement qu’elle était prisonnière. Certes dans une prison dorée, mais elle n’était dorénavant plus libre de ses mouvements. On lui avait assigné une servante, Falda, qui suivait ses moindres faits et gestes. Même si cette dernière se montrait particulièrement patiente et aimable, elle ne pouvait pas penser à cette jeune fille autrement que comme espionne à la solde de son geôlier et tentait de garder ses distances. Adila donnait le change en se montrant toutefois affable et partageant avec elle quelques détails insignifiants de son enfance.

La plupart du temps, elle refusait de quitter sa chambre et même si le jeune Prince considérait cela comme un caprice, il voulait lui laisser le temps de s’adapter à son nouvel environnement en douceur. Adila était une jeune femme imprévisible et s’il la brusquait, il savait qu’il risquait fort d’obtenir le contraire de ce qu’il voulait. Falda lui faisait régulièrement des comptes rendus sur l’évolution des rapports entre elle et sa maîtresse. Adila s’était montrée réticente au début mais elle avait fini par accepter sa présence et même se rapprocher d’elle au point de devenir une sorte de confidente. Adila était encore bien trop jeune pour s’isoler complètement pendant de si longues journées et la compagnie de la jeune femme l’aidait à supporter sa solitude.

Ce matin là, penchée sur le rebord de la fenêtre de sa chambre, Adila pouvait apercevoir au loin le campement de son clan. Elle essayait d’imaginer leurs moindres faits et gestes pour se sentir plus proche d’eux. Les savoir si près et pourtant inatteignables sapait davantage encore son moral. Elle fut interrompue dans sa rêverie par quelqu’un qui frappa à sa porte. Hakim était venu la rejoindre pour lui présenter la liste des invités au mariage mais, ne connaissant presque aucun des noms y figurant, elle ne s’y intéressait nullement et acquiesçait vaguement dans l’espoir qu’il la laissa de nouveau seule face à la terrible solitude qui lui enserrait la poitrine chaque fois qu’elle pensait aux siens. Elle en était presque venue à regretter qu’Hakim l’ai demandée en mariage.

—   Je veux voir mon père, lança-t-elle pour la énième fois depuis leur retour dans la capitale.

—   Cela n’est pas possible et tu le sais. Nous en avons déjà suffisamment débattu.

—   En quel honneur, tu es le Prince tout de même ? Cette bravade était inutile mais elle avait envie de le pousser dans ses retranchements dans l’espoir qu’il se mette en colère. Sa constante gentillesse, parfois frôlant la condescendance, l’irritée. Elle avait l’impression qu’il était de marbre alors que le feu de la colère la consumait.

Hakim eut un vague sourire désabusé et, à contre cœur, avoua :

—   Dans cette forteresse, il y a deux endroits où je ne peux absolument rien entreprendre car mon père a laissé des consignes très strictes : la prison et les cuisines. Il y a placé du personnel qui lui est aveuglément dévoué pour une raison ou pour une autre. Si je leur demande de me donner un passe droit, mon père en sera aussitôt informé. Crois-moi sur parole, j’ai déjà essayé. Ce n’est certainement pas le moment d’attiser ses soupçons ou, pire encore, sa colère.

—   Tu trembles devant lui comme un enfant !

Cette remarque cinglante eut l’effet d’une gifle mais Hakim décida encore une fois de ne pas entrer dans le jeu de sa fiancée. Il savait que son père serait bien trop heureux de se savoir l’objet d’une discorde.

Surprise et agacée qu’il ne lui réponde pas, elle se retourna et constata avec regret qu’elle l’avait malgré tout blessé. Elle se morigéna intérieurement. Elle était en train de s’en prendre à la seule personne qui était de son côté. Elle s’approcha de lui et posa délicatement sa main sur la sienne en guise de pardon.

—   Mais on ne va tout de même pas attendre les bras croisés que mon père soit exécuté ? insista-t-elle doucement.

Ses grands yeux tristes et cernés braqués sur lui adoucirent Hakim.

—   Le mieux pour toi pour le moment est que tu t’effaces et que mon père oublie temporairement ta présence. Il n’hésitera pas à te pendre s’il pense que tu complotes contre lui. La dernière chose au monde dont j’ai besoin pour l’instant est de me préoccuper de ta vie.

Hakim souhaitait uniquement qu’Adila ne mette pas sa vie en danger mais cette dernière s’offusqua de la manière dont il lui parla. Elle comprit qu’il était inutile de discuter davantage de cela avec lui et feignit d’obéir en hochant la tête en signe d’assentiment. Il fallait qu’elle trouve une solution toute seule.

Rassuré par son sourire qu’il pensait sincère, Hakim recommença à parler des préparatifs du mariage en espérant trouver ainsi un dérivatif à ses préoccupations. Si Hakim y voyait un bon moyen de la mettre en sureté ainsi, Adila au contraire trouvait indécent de parler de festivités vues les circonstances. Elle écoutait distraitement tout en réfléchissant au moyen de contacter son grand-père, le père de sa mère, le seul en qui elle pouvait placer une confiance aveugle.


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