Chapitre 38 : Comportement étrange

5 minutes de lecture

Moyennement remotivée, tout en essayant d’ignorer au maximum ma découverte, je me lave les mains et décide de rejoindre Daegan dans le salon en faisant mine de n’avoir rien vu. Après tout, je n’ai pas le droit d’imaginer quelconques scénarios le concernant, car de toutes évidences, nous ne sommes aucunement liés et en plus, je suis entièrement coupable d’avoir ouvert ce tiroir. C’était un endroit secret auquel je n’aurai pas dû avoir accès !

Je souffle un bon coup, un peu plus sûre de moi et ouvre la porte en ajustant ma culotte. C’est alors que le son de sa voix m’interpelle lorsque je sors des toilettes. À pas de chat, je me dirige vers le salon en longeant les murs du couloir. J’essaie de ne faire aucun bruit afin d’écouter sa conversation qui se déroule tout bas.

— Non, je t’ai dit que je n’étais pas disponible ce soir… On verra plus tard… Putain, mais t’es bouchée ou quoi ? Lâche l’affaire, je t’appellerais demain ! ... Ouais… Ok, bye…

Les sourcils froncés, je me demande à qui il peut bien parler aussi sèchement. Quoique, au fond, Daegan n’est pas le plus doux des hommes sur cette Terre ! Il faut vraiment que j’arrête de voir le mal partout ! Je deviens parano !

En fixant un sourire sur mes lèvres, je réapparais dans le salon en m’excusant d’avoir pris autant de temps. Daegan, désormais en caleçon, balaie mes piètres justifications d’un revers de la main et désigne la part de tarte qui attend sagement dans l’une des assiettes. Son regard est si tendre lorsqu’il m’admire, si doux que j’en perds mon latin. Je suis certaine que je rougis lorsque je reprends place en face de lui, car mon cou et mes joues frétillantes me semblent en feu. Mais je ne saurais dire si cette pudeur survient à cause de mon secret où bien parce que je suis tout à fait charmée. Seule chose dont je suis vraiment certaine, c’est que mon coeur s’emballe avec fureur lorsque je me trouve près de lui et je crains qu’il ne finisse par céder…

Tandis que je prends une première bouchée de cette tarte succulente aux pommes délicatement fondantes, Daegan nous sert une coupe de champagne. J’espère qu’il est encore frais !

— Tu veux rester ici cette nuit ? me questionne-t-il de but en blanc sans même me regarder.

Pour le coup, je manque de m’étrangler avec un morceau de pomme et un son guttural immonde s’échappe de mes lèvres. Troublée et légèrement gênée, j’attrape mon verre et bois une longue gorgée qui me pique la trachée. Les bulles du nectar me montent aussitôt à la tête et étrangement, me remettent les idées en place. Grâce à elles, il ne me faut qu’une petite minute pour être formelle à ma décision : si je n’avais pas découvert ce fameux tiroir lors de mon expédition, je serais restée sans hésiter! En revanche, après cette trouvaille étonnante, le petit ange sur mon épaule sonne l’alerte et me dit que je dois me protéger…

C’est donc sans regret que je l’informe :

— Je ne pourrai pas rester ce soir, je suis désolée. J’aurai beaucoup aimé, mais j’ai des choses de prévues demain dès l’aube… je réponds sans ciller.

Daegan semble déçu et la frustration que je lis sur son visage serait capable de me faire changer d’avis en moins d’un quart d’heure si je continue à le fixer de la sorte. Pour ne pas succomber, je repose mes yeux sur mon assiette à peine commencée et annonce ;

— Je crois même que je ne vais pas tarder à rentrer, je ne voudrais pas avoir l’air d’un monstre demain au réveil…

Contre toute attente, Daegan se lève et récupère nos habits sur le dossier du canapé. Rapidement, il enfile les siens et dépose les miens juste à mes côtés. Encore une fois, j’ai du mal à le cerner et, pleine d’hésitations, je me rhabille sous ses yeux revolver.

— J’aurai dû m’en doutais. Ton nouveau métier doit être éreintant… fait-il d’un ton méprisant qui ne me plaît guère. Je vais te ramener tout de suite. On sera tranquille comme ça, ajoute-t-il en enfilant son jean.

Un hoquet de surprise franchit la barrière de mes lèvres et mes yeux deviennent gros comme deux dessous de tasse. Si j’avais un miroir à l’heure actuelle, je pense que mon reflet me renverrait l’image ahurie, abasourdie et choquée de moi-même. Tout à coup, je me sens beaucoup moins bien qu’à mon arrivée ici. Bien moins sûre de moi aussi. J’ai comme l’impression qu’il m’a bien prise pour une conne, mais qu’importe. J’aurai évidemment tout le loisir de me remémorer les scènes et de me morfondre chez moi.

Sans attendre une minute de plus dans cet endroit qui me donne des frissons de par son silence de mort, je me précipite dans l’entrée, enfile mon manteau et mes chaussures, puis déverrouille la porte d’entrée.

Daegan en fait de même et avant de sortir définitivement, je jette un dernier coup d’oeil à cette porte au fond du couloir, celle-là même où j’ai découvert ses secrets. Celle-là même qui a plombé l’ambiance torride de cette soirée.

Une boule se forme dans ma gorge et m’empêche de parler. Je tente de retenir les larmes qui obstruent mes yeux. En vain. Ma vue se brouille et l’une d’entre elles s’échoue sur ma joue à l’instant même ou Daegan se tourne vers moi pour vérifier que je le suis. Pour faire mine de rien, je baille à m’en décrocher la mâchoire, une main devant la bouche ce qui fait couler une seconde larme. Satanée tristesse !

— En effet, tu as l’air véritablement fatiguée ! C’était peut-être pas le bon moment si la fatigue te prenait autant. En tout cas, je ne voyais pas cette soirée finir de cette façon, mais bon… Disons que j’aurai dû anticiper…

Son reproche à peine voilé me laisse un goût amer en travers de la gorge. Dans ma trachée, la boule grossit et m’empêche d’ouvrir la bouche pour répliquer à ses insinuations déplacées. Je n’ose même plus le regarder tandis que nous avançons vers sa voiture.

Quelle conne je suis ! Il s’est bien foutu de moi ce soir, mais ça n’a rien d’étonnant puisque je suis encore et toujours une gamine tellement naïve ! De plus, comment ai-je pu espérer que l’amour fou naîtrait entre nous en l’espace d’une seule soirée ? Il n’y a que dans les films ou les livres que ces choses insensées arrivent et moi, je me suis encore bien fait avoir !

Sans se préoccuper de moi, Daegan grimpe à l’intérieur de la voiture et me laisse plantée sur la chaussée. Le Don Juan a véritablement disparu. Seul le démon survit en cet homme méprisant.

À ces pensées, je n’arrive plus à retenir le flot de perles salées. Une cascade de larmes dévale mes joues et s’échoue à mes pieds. Il ne doit pas voir ni savoir l’effet que sa bombe a fait sur moi.

Faisant mine d’ouvrir la portière, je retire mes talons en quatrième vitesse et m’enfuis en courant sans un regard en arrière. Le vent froid sur mon visage trempé me glace jusqu’au sang tandis que je m’enfonce dans les rues noires de Paris. Je ne regarde pas où je vais, ni même où je mets les pieds, je cours à n’en plus finir pour ne pas qu’il me suive, qu’il me rattrape et me voit dans ce piètre état.

Annotations

Vous aimez lire Mistyque ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0