Chapitre 30 : Le vif du sujet

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Mon coeur fond de joie à l’entente de ses mots, mais aussi, je me sens pleine de gratitude envers Gabin. Il avait raison ! Ses spéculations sont fondées désormais. Daegan, à l’époque du lycée avait bel et bien des vues sur moi et, je ne sais par quel miracle, il pensait que j’allais m’en apercevoir grâce à ses manigances bidons avec des filles et des attaques étranges !

Putain, les garçons, à l’adolescence son vraiment des gros cons ! Je n’en reviens toujours pas et du coup, je ne sais pas quoi lui répondre. Le silence se fait aussi de son côté, comme s’il voulait me laisser le temps d’assimiler ses dernières paroles, dures, mais profondes.

Dois-je lui avouer que, moi aussi, j’avais des sentiments à son encontre à cette époque ? Est-ce vraiment si important de parler du passé ? L’avenir n’est-il pas plus précieux que tout le reste ? Mais de quel avenir je parle au juste ? Il faut que mon esprit comprenne qu’un quelconque rapprochement avec Daegan est interdit, impossible, inconcevable. Gabin en est le parfait exemple à ce moment précis. D’ailleurs, je me demande ce qu’il pense, ce qu’il devient…

Tout à coup, je me sens mal. Une boule immense se forme dans ma gorge, m’empêchant de respirer profondément. Mon coeur tambourine bien trop fort dans ma poitrine et dans ma tête, c’est un vrai grand huit qui se produit. D’un côté, mon organe pulse pour l’ange Gabin, et l’autre cogne pour le diable Daegan. Moi qui, depuis tellement d’années, m’interdis de ressentir des sentiments, peu importe le niveau de rapprochement avec qui que ce soit, me voilà perdue, succombant à deux feux bien distincts. J’avais réussi à tenir les hommes éloignés de mon coeur jusque-là, les coups d’un soir aidant beaucoup. Et puis voilà qu’après tout ces efforts, le destin veut que je tombe dans les bras de Gabin, si doux, si charmant, mais aussi qu’il mette une seconde fois Daegan sur mon chemin… L’atterrissage forcé risque d’être éprouvant, pour moi, comme pour eux…

Complètement perdu dans mes divagations, ce silence pesant n’aidant pas du tout, un ange au portrait de Gabin se pose sur mon épaule droite tandis qu’un diable costaud et sexy s’installe sur la gauche. Tous deux me soufflent des mots doux, des compliments et je ne sais plus où donner de la tête. La migraine s’installe et dans un élan de stress déstabilisant, je m’entends hurler : VOS PUTAINS DE GUEULES !

Aussitôt les mots prononcés, les spectres disparaissent, mais la vraie voix de Daegan me demande d’un air soucieux :

— Heu… Tout va bien poupée ?

— Oui, oui… Désolée, j’avais deux zigotos qui chahutaient près de moi… réponds-je sans mensonge.

— Hum… Qui ose embêter ma belle ? me questionne-t-il d’une voix suave qui me fait faiblir.

Au risque qu’il me prenne pour la vraie folle que je suis, je détourne la conversation et le questionne :

— Et sinon, parle-moi un peu de toi… Que fais-tu dans la vie ? Où est-ce que tu vis ?

Mes questions sont ciblées, évidemment… Même si je ne céderai à aucun rapprochement, j’ai envie d’en savoir davantage sur sa vie actuelle. Faire de cette conversation un moment de partage intime auquel je n’avais pas accès au lycée. Discuter avec lui est vraiment plaisant et malgré mes règles spéciales, j’ai le désir de profiter à fond de cet instant, car il n’y en aura qu’un…

— Eh bien, j’habite dans un petit appartement sur Paris, pas loin du lycée où on allait. Je suis tatoueur à mon compte. J’ai ouvert ma boutique il y a environ sept ans. Et toi ? Tu habites dans le Nord maintenant ?

— Ce qui explique tous les tatouages que tu as sur le corps ! je réplique aussitôt. C’est une passion que tu as transformée en réalité ?

— Oui, c’est exactement ça. J’ai eu mon premier tatouage à quinze ans, c’est un pote qui me l’avait fait illégalement un soir ou on était bourrés et puis j’ai apprécié et j’ai enchaîné jusqu’a ce que je développe moi-même mes talents de dessinateur pour ouvrir mon établissement.

— Et tu en as combien en tout ?

— Sincèrement, je ne pourrais plus les compter… Mes bras et mon dos en sont recouverts, j’en ai aussi sur les cuisses, le torse, les orteils… Et puis je ne compte pas m’arrêter là. Je fais le suivant dans quinze jours… Et tu n’as pas répondu à ma question…

— Laquelle ? je demande même si je sais pertinemment de quoi il parle.

— Tu vis dans le Nord ?

Voilà, je voulais esquiver en m’in tressant à sa vie, mais monsieur le bad boy n’oublie rien !

— Non, je vis aussi à Paris, réponds-je sans trop m’étaler sur le sujet.

Mais Daegan, comme moi, compte bien en savoir un peu plus.

— Alors que faisais-tu là-bas ?

— J’y étais pour le travail.

Encore une fois, je tourne autour du pot, mais je sais qu’il ne lâchera pas l’affaire… D’ailleurs, il insiste :

— Et en quoi consiste ton travail alors ?

— Eh bien, si tu veux tout savoir, je suis danseuse de charme. J’étais dans le Pas-de-Calais, car tous les ans, je suis conviée au salon de l’érotisme d’Arras pour donner le show, signer des dédicaces et tout ça…

— Donc tu n’es pas escort-girl ?

— Pas encore totalement… J’ai été repérée par une femme. La directrice de l’agence où ton ami a engagé les filles. J’étais en essai le soir de l’enterrement de vie de garçon…

— J’imagine que ton essai a été concluant, les mecs n’en pouvaient plus, il ne parlait que de toi comme si les autres nanas n’avaient pas existé !

Suivant la conversation, je lui explique, détendue, que mes essais ont bien étaient concluants et que je suis en attente pour l’ouverture du club à Paris. Je l’informe également que je serais la première employée de cet établissement et que mon contrat d’embauche est déjà signé. Daegan, à sa voix mielleuse, semble ébloui de savoir tout ça, je ne sais pour quelle raison. Puis, alors que notre discussion déborde un peu sur l’érotisme, il me demande :

— Et ton mec du coup, il en pense quoi de ton métier ? Non pas que je te sermonne, loin de là ! Mais franchement, à sa place, j’aurai la trouille des autres gars. Je serai même putain de jaloux que des hommes se tapent des queues en pensant à ton corps, à toi… D’ailleurs, pour être tout à fait honnête avec toi, je m’en suis tapé une sacrée le soir de l’enterrement de vie de garçon !

Heureusement que nous sommes juste au téléphone, car mes joues s’empourprent à vitesse grand V alors qu’un sourire éblouissant né sur mon visage ! S’il savait que moi aussi, ce soir-là, j’ai dû faire retomber la pression en me caressant dans la baignoire de l’hôtel…

Pour le coup, il n’y a plus aucun doute possible, nous sommes indéniablement attirés l’un vers l’autre et je me demande si le « coup d’un soir » ne serait pas envisageable…

Le fait est que j’en ai très envie et lui aussi apparemment. Cela pourrait faire des étincelles, mais aussi détruire toutes mes règles !

Néanmoins, je prends le risque et réponds à brûle-pourpoint :

— Gabin n’est pas mon mec.

— Enfin, tu avoues !

— Oui, et je ne suis jamais contre une soirée détente… Si tu vois où je veux en venir…

— Hum… Je vois très bien… annonce-t-il d’une voix suave.

Maintenant, j’espère juste ne pas succomber…

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