Chapitre 28 : Le son de sa voix

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Deux jours après avoir laissé le courrier pour Gabin à l’accueil de l’hôtel, je me décide enfin à défaire mes valises. Je suis rentrée chez moi il y a à peu près trois heures et je n’ai encore eu le courage, ni la motivation de faire quoi que ce soit, à part ouvrir les volets. Mais franchement, je suis bienheureuse de retrouver le confort de mon appartement après la nuit que je viens de passer chez mes parents, en compagnie d’Alizée et Cédric. Nous avons tous longuement discuté de mon nouvel emploi ainsi que mon séjour dans le Pas-de-Calais, sans que je ne dévoile les parties sombres, évidemment. Je ne voudrais pas que maman se mette dans tous ses états à ce sujet… Elle a déjà tant fait pour moi, je ne veux que son bonheur désormais.

En tout cas, comme je m’en doutais, personne n’a jugé mes désirs et ils m’ont même tous encouragée à suivre ce chemin qui se trace sous mes pieds. Je leur en serais éternellement reconnaissante, ils m’apportent tellement de joie de vivre, du bonheur à l’état pur cette famille !

Même Alizée était enchantée ! D’ailleurs, je crois que quelque chose a changé dans la tête de ma sœur. Une sorte de prise de conscience, une étincelle nouvelle brille dans ses prunelles. Je l’aime tellement plus fort encore !

La télévision allumée comme bruit de fond, je défais, un à un, les vêtements de mes bagages et les range soigneusement dans ma penderie avant de m’attaquer à mon sac à main, où mon portable gît sans batterie depuis plus de vingt-quatre heures. Installée sur le canapé, je retourne la besace pour que tout son contenu se vide sur l’un des coussins. Comme souvent, le chargeur et tout emmêlé et il me faut cinq bonnes minutes avant de défaire proprement chaque nœud. Sur la multi prise de la télé, je branche l’appareil, l’allume, saisit mon code PIN et attend que le déferlement de messages non lus et d’appel se termine avant de m’attaquer à leur consultation. Durant quelques instants, j’ai l’impression que les sons n’en finissent plus, en fait, c’est exactement le cas. Il sonne tellement que je n’ai même plus envie de poser les yeux dessus. Pas pour le moment en tout cas…

Alors pour ne pas attendre les bras croisés, je me mets à trier le foutoir qui s’était entassé dans mon sac depuis le jour de mon départ pour le salon de l’érotisme. Et c’est dire qu’il y a vraiment de toutes sorte là-dedans ! Je me demande même comment il était possible qu’il ne soit pas très lourd…

Sur la table basse de mon salon, je dispose le bordel en trois tas. Pour commencer, j’en fais un qui concerne la salle de bain et y entasse cinq sortes différentes de rouge à lèvres, ma brosse de voyage, mon petit miroir en forme de chat, des tampons et une crème pour les mains.

Sur le second tas, j’empile des feuilles en tout genre, dont mon contrat d’embauche chez A.S Girls ainsi que mon carnet de notes et mon stylo. Ma respiration se coince lorsque du doigt, je parcours les contours du cahier, dans lequel j’ai écrit cette fameuse lettre briseuse de coeur.

Mais je ne cède pas, je reste forte et après une longue inspiration puis un grognement qui fait du bien, je poursuis mon rangement.

Dans le troisième tas, au sol, je jette les morceaux de papier inutiles comme le ticket de caisse de chez Aubade, la facture du restaurant, le… attend, c’est quoi ça ?

Je saisis la petite feuille soigneusement pliée et l’ouvre, curieuse. Dès que mes yeux se posent sur les lettres manuscrites, je comprends. Je me souviens. Tout devient clair comme de l’eau de roche. Le second mot de Daegan, celui qu’il a transmis à Gabin avant de quitter le restaurant avec précipitation. Dans un élan qui me vient de je ne sais où, je porte le papier à mon coeur et respire lentement. Les larmes me montent aux yeux lorsque je pense à lui, ou l’autre, je ne sais plus, je me sens tellement émotive en ce moment ! S’en devient dégueulasse et gênant…

Mon dos appuyé contre le fond du canapé, j’hésite à lire le contenu du message. Mais cela ne dure qu’une fraction de seconde. Ni une, ni deux, le papier ouvert, je commence ma lecture :

« Alicia.

Après toutes ces années, je crois que je te dois des explications, mais tu ne sembles pas vouloir les entendre. Je sais, je parle sans réfléchir et j’ai souvent l’air d’un con. J’en suis un, mais… pas avec toi. Je voudrais tout te dire, tout t’expliquer, les raisons pour lesquels j’agissais de la sorte envers toi. Accepte de m’entendre s’il te plaît. Juste, écoute-moi… Daegan. »

Le papier se fraie un chemin jusqu’à mes lèvres, je l’embrasse. Bien sûr, je suis consciente que j’ai vraiment l’air d’une gamine effarouchée sur l’instant, mais je n’en ai cure, personne ne me voit faire… Puis je le retourne et découvre dans une minuscule écriture, les chiffres qui composent son numéro de téléphone.

Sans réfléchir, je me lève et récupère mon portable près de la télévision. Je snobe tous les appels et textos et tape le numéro de Daegan sur le clavier : 06 58 32 86…

Que fais-je ? Je ne peux pas lui parler ! Je n’ai pas le droit de le laisser m’insulter puis ramper à ses pieds quelques jours plus tard ! Et Gabin dans l’histoire ? Les sentiments naissants que j’éprouve pour lui ? Oh eh puis zut ! C’est juste pour entendre une dernière fois, le mélodieux son de sa voix.

Sans vraiment m’en rendre compte, j’appuie sur le logo du téléphone vert puis sur le haut-parleur.

Une sonnerie… Deux sonneries… Trois sonneries… Quatre…

— Ah enfin ! Je pensais que tu n’allais jamais utiliser mon numéro ! m’accueille-t-il de sa voix douce et pourtant brutale qui le caractérise.

Sur le moment, je suis comme hypnotisée, la bouche grande ouverte, les yeux fixés sur un point invisible, incapable de respirer. Mon coeur bat la chamade tandis que je le laisse débiter sa phrase sans en perdre une miette, même si ce qu’il me dit n’est pas du tout intéressant. Mais au juste, comment sait-il que c’est moi qui l’appelle ?!

— Allô ?! Tu es là ? Tu m’entends ? me questionne-t-il en faisant l’idiot derrière son appareil.

Je l’imagine bien faire une tête de dégénéré dans le même temps et cette image m’arrache un rire nerveux et bruyant.

— Ha ! Ha ! Je sais que tu es là, poupée…

Pour le coup, cette phrase me fait penser à une scène dans « Pirates des Caraïbes » et j’avoue flipper légèrement. Je n’ai pas très envie que deux gars portant une malédiction, dont un avec un œil de verre, viennent me chercher !

— Arrête, dis-je avant de raccrocher précipitamment, une main collée contre ma bouche et les yeux gros comme des ballons.

Merde ! Pourquoi il a fallu que je l’ouvre ?! Maintenant c’est foutu, il sait que c’était moi !

Alors que je peste contre moi-même, mon portable vibre entre mes mains. Surprise, ou plutôt devrais-je dire choquée, je le jette au sol comme s’il me brûlait la peau. Je n’ai même pas besoin de le récupérer pour savoir que c’est Daegan qui me rappelle. Néanmoins, je m’en saisis et le porte à mon oreille.

Entendre le son de sa voix, c’est tout ce que je désire…

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