Chapitre 24 : Confidences

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À ces mots, je me tourne, les yeux ronds, la tête remplie de négation vers celui que je nommais « l’homme masqué ».Je ne sais plus vraiment où j’en suis avec Daegan, si j’ai envie de le revoir pour qu’il me brise à nouveau ou si j’ai tout simplement besoin de rentrer chez moi, à Paris, afin de reprendre le cours normal de ma vie. Je ne saurais même pas dire si ce que je ressens actuellement pour Gabin est de l’amitié, de la complicité, bien que souvent les deux vont ensemble ou si c’est un soupçon d’amour. Là, pour le coup, je suis complètement perdue.

— Je ne sais pas si c’est une bonne idée, Gabin. Je ne suis pas faite pour les relations amoureuses… Et encore une fois, oui, je me répète, mais excuse-moi de t’avoir utilisé ce soir. A tout bien réfléchir, c’est sans doute à toi que j’ai fait le plus de mal avec cette histoire. Daegan s’en fiche pas mal…

— Arrête de t’excuser sans arrêt, Alicia, je ne t’en veux pas d’accord ? Par contre, je crois que tu te trompes sur toute la ligne ma belle. Tu n’as fait de mal, ni à moi, ni à lui… Ce soir, tu t’es créé du tors à toi-même ! Je vais te poser une question, mais tu n’y réponds que si tu en as envie, d’accord ?

Il est si calme, si respectueux et si gentil. J’avoue que j’appréhende sa question, mais je l’écoute attentivement après avoir hoché la tête.

— Il t’arrive souvent de faire ce genre de « crise » ? Tu m’as vraiment surpris dans la voiture, tu sais…

— Seulement quand je me sens en danger, je réponds sans top m’attarder sur le sujet.

— J’ai du mal à te suivre, là… Tu te sentais en danger avec moi ?

— Tes yeux sont devenus sombres et l’expression de ton visage m’a fait très peur…

Cet instant précis me revient en mémoire, je me blottis davantage contre l’épaule de Gabin et pose ma main sur son coeur qui bat rapidement. Mes jambes se mettent à trembler, je ne sais pas si c’est parce que j’ai froid ou parce que les souvenirs m’assaillent, mais Gabin, toujours si attentionné me colle un peu plus contre son corps et m’entoure de son bras pour me mettre en confiance.

— Tu peux me parler, Alicia. Je suis ton oreille ce soir, tu te souviens ? Tout ce que tu pourras me dire restera ici, dans cette chambre d’hôtel.

Il pose ses mains de part et d’autre de mon visage et me fixe comme s’il voulait que je lise en lui avant de reprendre sérieusement :

— Je ne suis pas un connard, ma belle, bien au contraire. Je suis une personne de confiance, mon entourage n’arrête jamais de me le dire. D’ailleurs, j’ai vraiment hâte que tu fasses partie de mon cercle privé. J’espère qu’on restera en contact lorsque tu retourneras chez toi. Je t’apprécie beaucoup…

J’avoue que lui dévoiler mes sentiments cachés pour Daegan m’a fait beaucoup de bien et son soutien sans faille me donne du courage. Il mérite de connaître ces zones d’ombres qui planent en ma personne et je sais qu’il saura trouver les mots qui me feront du bien. Et puis, j’aime de plus en plus sa présence à mes côtés et j’aimerai, moi aussi, qu’il fasse partie de mes amis les plus proches. Non pas que j’en ai des tonnes, évidemment. Mais il y a ce quelque chose en lui qui me met en confiance, comme s’il était mon ange tombé du ciel. Celui sur qui je pourrais toujours compter…

— Ce n’est pas une belle histoire… Tu es certain de vouloir connaître mes démons ?

— Bien sûr, Alicia, je voudrais t’aider de quelconque manière si je le peux…

— Alors voilà. En 2008, alors que j’étais ballerine à l’espace danse Gambetta de Paris, j’ai rencontré un homme. Il venait d’arriver en tant que nouveau professeur et dès les premières leçons, c’était le coup de foudre immédiat pour l’un comme pour l’autre. J’étais encore jeune, je n’avais que seize ans et lui en avait déjà vingt-huit, mais l’amour était plus fort que nous. Plus fort que notre différence d’âge. Nous nous sommes très rapidement mis en couple, puis en ménage dans son petit appartement du dix-septième. Mes parents étaient contre cette relation, mais ne voulaient que mon bonheur alors, voyant que tout était beau entre nous, ils ont bien fini par se rendre à l’évidence : j’avais trouvé l’homme de ma vie.

Avant de poursuivre, je regarde Gabin afin de savoir s’il m’écoute toujours. Sa respiration est bien plus lente qu’il y a deux minutes, mais il est attentif. Ses yeux sont fixés sur les lueurs de la ville à travers la vitre. Je bois une gorgée du café qui est froid désormais et poursuis :

— La première année de couple était pour moi comme un rêve éveillé. Je me sentais aimé, choyé, j’avais vraiment l’impression d’être une véritable princesse à ses yeux et puis, lorsque j’ai fêté mes dix-huit bougies, j’ai eu une belle surprise par mon club de danse. J’étais l’une des meilleures danseuses et j’ai donc reçu une lettre d’admission pour « la Royal Ballet School » de Londres. Ma vie prenait enfin un sens. J’avais un homme que j’aimais plus que tout et une occasion en or de vivre mon rêve. Mais bien évidemment, il fallait une ombre sur ce tableau parfait… C’est à ce moment-là que Pierre a fait tomber le masque. Je découvrais alors le pervers narcissique qu’il était réellement. D’abord, il refusait que j’aille vivre à l’internat et par amour pour lui, j’ai refusé l’offre. Puis lentement, il me coupait du monde, m’empêchait de voir mes amis, ma famille. Il me rabaissait sans arrêt, me faisait culpabiliser et j’en passe. J’ai fini par vivre pratiquement recluse dans notre appartement, sans travailler, sans rien faire de mes journées si ce n’est lui préparer les repas qu’il voulait puis écarter les jambes comme il se devait le soir venu. J’étais totalement soumise à lui. Mais j’étais amoureuse, je n’avais que lui dans ma vie alors, je me taisais et j’encaissais. Jour après jour, je perdais toute confiance en moi jusqu’à ce que ma mère débarque un beau matin à notre porte avec valises et sacs de voyage. Pierre est d’abord entré dans une colère noire et nous a toutes les deux menacés avec son fusil. La police est intervenue, appelée par les voisins de palier qui entendaient le raffut. Pierre a été jugé et il avait interdiction de m’approcher. Il portait un bracelet électronique. Il m’a fallu deux longues années avant de reprendre confiance en moi et pour y parvenir, je n’ai trouvé qu’un seul moyen en dehors du psychologue. Prendre des cours de danse de charme, de l’effeuillage, du sensuel. Mais un soir d’octobre, en 2013, alors que je rentrais chez mes parents après un cours de danse charnel, Pierre m’attendait non loin de la salle, assis sur son « Harley », un sourire carnassier sur les lèvres. Mon sang s’est immédiatement glacé, je me suis mise à courir, à hurler, mais pas assez vite, ni assez fort. Cette ordure m’a entraîné au sol en me tirant les cheveux avant de m’infliger des coups d’une violence extrême, partout sur mon corps. La douleur était tellement insupportable ! Je me voyais partir, je crus mourir et puis, tout à coup, je ne sentais plus rien. Plus de son, plus d’images, je m’envolais tel un ange…

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