Chapitre 22 : Crise de folie

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Me voilà prise dans mon propre piège et frustrée par-dessus le marché ! Quelle idiote je suis ! J’aurai dû m’enfuir, sortir de ce couloir où l’ambiance était trop chaude et rejoindre mon Don Juan, si gentil, si attentionné ! Mais non, il a fallu que je reste plantée là, à attendre un baiser langoureux, juste pour satisfaire une envie bidon…

Alors que je me sermonne intérieurement, Daegan m’inflige le dernier coup. Autant dire que c’est un KO d’office…

— Laisse tomber, Alicia, n’argumente plus… Tu ne réussiras pas à me retourner le cerveau. C’est ma spécialité ça, fait-il en partant.

Désormais seule dans le couloir, je me prends la tête entre les mains et m’insulte de tous les noms d’oiseaux féminins. Je souffle, je grogne et je peste contre moi-même, je suis tellement faible ! À contrecœur, je retourne dans la salle et constate que Daegan n’est pas assis à la place qu’il s’était imposée. Gabin, lui, pianote sur son téléphone, l’air exaspéré. Soudain, j’ai comme l’impression d’avoir gâché le moral de plus d’une personne ce soir. Je me sens nulle plus que de raison.

— Excuse-moi, dis-je en me rasseyant, jambes croisées.

— Oh, te revoilà… Le gars est parti en te laissant ceci.

Il me tend un nouveau morceau de papier sans ajouter un mot, sans même me regarder. Peut-être même que je perçois un soupçon de colère en lui, mais si c’est le cas, il retient bien sa haine et je le vénère pour ça. N’empêche, la bille me monte à la gorge d’avoir fait mal à cet homme, je me dégoûte. Il ne mérite pas ça.

Gabin ne lâche pas son téléphone et moi, je scrute le morceau de papier en me demandant si je ne devrais pas le jeter sans même le lire, mais je me ravise. Il faut que je sache ce qui est écrit dessus, c’est un besoin vital. La réponse à une énigme est toujours importante. Secrètement et je ne sais pas pourquoi je me cache, je fourre ce dernier dans ma pochette et demande :

— Est-ce que tu préfères qu’on s’en aille ?

Sans répondre, Gabin se lève et enfile son manteau. Je fais de même et le suis jusqu’à son véhicule. Il ne me tient pas le bras comme en arrivant et il ne m’ouvre pas la portière. Putain, j’ai gravement merdé, mais pourquoi cela m’affecte autant ? Je ne ressens rien pour Gabin si ce n’est de l’amitié et du désir d’ordre sexuel, mais j’avoue que le voir triste me peine. Surtout que tout ça est de ma faute. Je suis nocive pour les hommes, je le sais alors pourquoi je m’obstine à en vouloir près de moi ?

Juste de la baise est rien d’autre, voilà ma plus grande règle et ce soir, ou plutôt cette semaine si ce n’est depuis mon arrivée dans le Pas-de-Calais, j’enfreins la plus précieuse de mes habitudes sans remords. Enfin presque… L’heure est venue que je me ressaisisse.

Alors que nous avions prévu de terminer la soirée chez lui, Gabin s’arrête sur le parking de mon hôtel. Il tire le frein à main, déboucle sa ceinture et verrouille les portes avant de retirer la clé du contact qu’il fourre rapidement dans sa poche. Là, il se tourne dans ma direction, le regard froid pour ne pas dire glacer. Ses iris lancent des éclairs de feu, les traits de son visage sont fermés, même sa bouche semble pincée.

Mes yeux se froncent et mon coeur commence à palpiter. Cette ambiance me glace le sang, un tourbillon de frissons traverse mon échine. Me voilà coincée avec lui, dans cette voiture, à l'abri de tout visiteur et de plus, je ne sais pas de quoi est capable cet homme, je le connais si peu ! La peur s’empare de moi à l’idée qu’il puisse me faire du mal. Et ce, bien plus qu’avec des mots…

À cette pensée, des souvenirs m’assaillent et les larmes me montent directement aux yeux. Ma respiration s’accélère, il faut que je sorte de cette voiture. Comme si j’étais victime d’une crise de folie, je me débats comme une forcenée et tente, tant bien que mal, de mettre des coups de poing dans la vitre. Celle-ci ne cède pas, contrairement à mes doigts. Les perles salées dévalent sur mes joues, la fureur monte en moi, je hurle, j’ai peur, je tremble puis sans raison valable, je me mets à le frapper de toutes mes forces, je lui arrache les cheveux, le gifle, lui plante mes ongles dans la peau.

— Arrête ! Calme-toi, Alicia !

Mais ses mots me mettent hors de moi encore plus, je redouble de violence, mes jambes passent par-dessus le levier de vitesse et je lui assène des coups de pieds à l’aide de mes talons aiguilles.

— Ça suffit ! hurle-t-il en essayant de protéger son visage avec l’aide de ses bras.

Mais je ne suis plus là, je ne suis plus moi, je suis comme possédée. Dans un élan de courage, il me saisit les bras et bloque mes jambes avec les siennes. Il est fort, très fort, je ne peux plus bouger. Je ne peux pas arrêter de pleurer. Le flot de larmes coule, encore et encore et ma cicatrice me fait atrocement mal. Je manque d’air, je suffoque, Gabin le remarque et me dit :

— Alicia, calme-toi s’il te plaît. Je vais ouvrir la fenêtre pour que tu puisses prendre un bol d’air. Je ne te veux aucun mal, d’accord ? Je voulais juste discuter, mettre les choses au clair entre nous…

Hoquetant, j’acquiesce de la tête, Gabin sort la clé de sa poche et appuie sur le bouton qui ouvre la vitre. J’aspire une grande bouffée d’air frais, je m’étrangle, Gabin me relâche les mains et me masse le dos tendrement.

Les minutes passent, il me faut du temps pour me calmer et pour retrouver une respiration normale. Gabin est patient, son visage et ses yeux sont plus doux. J’aimerais être une sourie, me faire toute petite et m’enfuir ou qu’un trou noir m’aspire et me fasse disparaître pour ne pas avoir à m’expliquer sur la raison de cette crise.

Si seulement tout était plus facile…

Si seulement je n’avais pas exagéré ce soir, rien de tout ça ne serait arrivé.

Encore une fois, je me maudis !

— Tu vas mieux ? me questionne Gabin, véritablement inquiet.

— Je crois que oui, dis-je en resserrant mon manteau autour de mon cou.

Voyant que je tremble de froid, il referme la vitre et propose :

— Tu veux qu’on discute un peu ? Je peux être ton oreille attentive ce soir si tu souhaites te libérer un peu…

Le rouge me monte aux joues, la honte m’assaille et me retourne l’estomac. Comment fait-il pour ne pas me détester après ce que je viens de lui faire ? Je l’ai manipulé, il l’a très bien compris et pourtant, il me propose quand même de rester avec moi ce soir, de m’écouter parler ?! Ce garçon est formidable et moi, je ne suis qu’une connasse sans coeur.

— Oui, montons nous mettre au chaud… je propose en n’osant pas le regarder dans les yeux.

Tandis que je patiente devant la porte de l’ascenseur, Gabin s’empresse de commander des boissons chaudes à l’accueil. Lorsqu’il revient vers moi et que mes yeux croisent les siens, mes sanglots reprennent de plus belle.

— Ne pleure pas ma belle, tout ira bien, me console-t-il en me serrant dans ses bras.

Touchée par cette tendresse inattendue, les yeux baignés de larmes, je relève mon visage et l’embrasse à pleine bouche.

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