Intrusion nocturne.

3 minutes de lecture

 Une envie pressante me tira des bras de Morphée, au beau milieu de la nuit. J’hésitai pendant quelques secondes, pensant pouvoir refouler les caprices de ma vessie. J’examinai les risques et finis par capituler. Je posai un pied à terre en ayant toujours les yeux fermés afin de poursuivre ma nuit tant bien que mal. Malheureusement, mon petit orteil, fou amoureux du pied du lit, embrassa celui-ci avec force. Mes grommellements de douleur parvinrent à me réveiller.

 Je continuai d’avancer jusqu’à ma salle de bain en trainant des pieds. Je bâillai bruyamment en tâtonnant le mur afin de trouver l’interrupteur. La lumière jaillit et m'aveugla quelque peu. Puis, je plaçai mon postérieur sur la cuvette des toilettes et c’est à cet instant que je la vis. Cette intruse qui n’avait eu aucun mal à pénétrer chez moi, sans que je la remarque.

 Elle était acculée dans un coin, recroquevillée sur elle-même, espérant sans doute que je ne la visse pas. Je fis des efforts surhumains pour ne pas crier à en réveiller tout l’immeuble.

« Ne pas paniquer, ne pas paniquer, ne pas paniquer… » me répétais-je intérieurement.

Bastet, réveillée par ma précédente collision, vint me rejoindre et se frotta désormais contre mes jambes, en ronronnant, sans saisir la gravité de la situation.

 L’inconnue sembla me défier du regard, guettant ma réaction. Ce fut à cet instant que je me rendis compte à quel point un homme chez soi pouvait s’avérer utile.

« Inspire… Expire… Inspire… Expire… » pensais-je en respirant par le nez puis par la bouche.

 L’intruse continuait de me fixer de ses petits yeux.

« Allez, Bastet ! Attaque ! Attaque ! » ordonnai-je à mon chat de garde en pointant l’ indésirable du doigt.

 Mon tigre miniature apprivoisé se contenta de miauler faiblement et de cogner sa tête contre mon tibia, d’un geste empreint d’amour. Je ne pouvais donc compter que sur moi-même.

 À cet instant, je vis ses pattes velues s’allonger et se rétracter. L’immonde créature fit craquer ses articulations, pour se préparer au combat qui allait suivre, ou pour mieux m’intimider. Je devais reconnaitre que cela fonctionna à merveille car je fonçai dans la direction de mon débarras, la culotte de pyjama toujours sur les chevilles, chercher l’énorme bombe d’insecticide. Je faillis tomber à plusieurs reprises, mais je finis par comprendre et adoptai une marche digne des manchots empereurs afin de ne pas tomber. Prendre le temps de remettre mon legging n’était pas une option. Cela aurait laissé encore plus de temps à mon ennemie pour fuir.

 Je revins vers la salle de bain avec une chaussure dans la main gauche et mon arme de destruction massive dans l’autre. J’avançais sur la pointe des pieds, le plus silencieusement possible afin de surprendre mon adversaire. Plus je me rapprochais de l’infâme bestiole, plus une expression de dégoût se formait sur mon visage.

 Je savais pertinemment que les araignées n’étaient pas des insectes, pourtant je pulvérisai l’arachnide avec le gaz toxique de toutes mes forces. Un cri des plus tribals s’échappa alors de ma gorge. Mes gênes de guerrière celte se réveillèrent. Si cela ne tuait pas le monstre, le produit chimique allait au moins assez l’affaiblir pour que je lui assène le coup fatal.

 Et j’avais parfaitement raison. L’affreuse bestiole velue se ratatina sur elle-même avant de finalement se laisser tomber par terre. Ma combattante intérieure me laissa lâchement tomber et je me mis à crier d'une voix si aiguë que mon miroir aurait pu se briser. Je fis des petits sauts sur place tout en continuant de hurler et de gazer mon adversaire qui semblait pourtant avoir capitulé.

 Au bout de quelques secondes, je lâchai mon doigt de la gâchette de la bombe insecticide et décidai de m’approcher afin de mieux savourer ma victoire. L’ennemie était morte. Afin de m’en assurer - car ces bêtes-là sont connues pour leur fourberie - je jetai ma bottine sur le corps inerte. Puis, avec le plus de minutie possible, je ramassai le cadavre avec un mouchoir que je finis par jeter dans les toilettes.

« Tu t’es bien battue. » avouai-je à l’araignée.

 Je fis un petit signe d’au revoir de la main lorsque je vis l’eau de la chasse tournoyer et aspirer le cercueil de cette téméraire intruse. Les égouts seraient son ultime demeure.

 Je regagnai alors mes draps, soulagée et victorieuse. Soudain une pensée me traversa l’esprit et me glaça le sang. Et si ses congénères décidaient de venir venger leur amie dans mon sommeil ?

 Il me fut donc impossible de me rendormir.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 9 versions.

Vous aimez lire Mlle_Evangeline ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0