Développement personnel

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« Tout le monde est doué. Il suffit de trouver le chemin qui mène à ses aptitudes et de puiser en soi la force de les développer. »

Le training supervisor a fait une pause. J'étais assise au premier rang, je m'arrange toujours pour être bien placée, et j'ai vu, vraiment vu, qu'il m'a regardée droit dans les yeux une fraction de seconde et il a dit :

« Toi, oui, toi. Tu peux le faire, tu dois le faire. »

Et la salle a éclaté sous les applaudissements. Le huitième stage de développement personnel « Le meilleur pour l'entreprise, le meilleur pour vous-même » venait de prendre fin.

J'étais secouée. En dehors des compétences mises au service de mon poste, finalement, qu'est-ce que je sais faire ?

Très impliquée dans mon travail, j'ai suivi beaucoup de sessions comme celle-ci. Elles représentent des maillons formant une chaîne. Cela me permet de me fixer des objectifs et de les tenir. Mon ami dit que oui, ça, pour être une chaîne, c'en est une belle. Il est un peu comme ça, Benoît, pas toujours encourageant. Mais on s'aime tellement.

Dans quel domaine serais-je douée ? Car c'est bien cela qu'il me faut découvrir. En dehors de ma profession, évidemment. Il faut que ce soit un projet aux antipodes de mes aspirations pour me révéler entièrement à moi-même, comme on l'a expliqué au stage. J'ai réfléchi à ce que j'exècre. Pas tant de trucs que ça, en fait. Je suis bonne fille et sais m'adapter. Ah si ! Une chose dont j'ai horreur : la saleté. Chez moi, c'est nickel. Au bureau, tous mes collègues savent qu'ils n'ont pas intérêt à poser leur tasse de café n'importe où. J'abhorre les taches. Sinon, je suis très cool. C'est toujours ce que dit Benoît quand je lui fais remarquer que ses chaussures sont sales et qu'elles laissent des traces sur le carrelage. Il m'enlace et me dit, au moins, t'es cool, toi. De ce côté-là, il me hérisse un peu les poils des bras, mais je reconnais, pour avoir longtemps cherché un mec, je l'avoue pour être tout à fait franche, que je dois passer sur certaines choses. Appris pendant le deuxième stage, « Savoir transformer les faiblesses de nos partenaires en atouts ». C'est professionnel, bien sûr, mais ces formations sont intéressantes justement par leur aspect universel. Je m'empresse de les mettre à profit dans ma vie personnelle. Pour le plus grand bien de notre couple, je dois le dire. Benoît est plus mitigé sur ce point, mais je lui pardonne, il ne travaille pas dans une grosse entreprise comme celle qui me fournit la satisfaction d'appartenir à un tout.

Ce dernier stage a déclenché une introspection bénéfique. J'ai très honnêtement cherché ce qui me dégoûterait le plus. J'ai vite trouvé ! Ce qui vraiment m'écœure, c'est d'avoir les pieds dans la boue. C'est dégueulasse. Pardon de m'exprimer ainsi, mais il n'y a vraiment pas d'autres mots, c'est carrément dégueulasse. La terre mouillée qui colle aux chaussures. Rien que cette idée me révulse. Mais j'ai pensé que je pourrais utiliser tous les outils mis à ma disposition pour mener à bien mon projet, tout en me préservant. Abordé en stage numéro trois, « Savoir se préserver en s'impliquant ». Je peux tout simplement acheter une paire de bottes. À ce stade, j'étais vraiment très satisfaite. Premièrement parce que porter des bottes serait une expérience inoubliable, deuxièmement parce que je me sentais « la faculté de rebondir, quel que soit le problème ». Stage numéro six.

J'ai donc investi dans une paire en véritable caoutchouc d'Asie. Estampillée Commerce Équitable. Au moins, j'étais sûre que les braves producteurs de cette matière toucheraient une rémunération. Je n'ai pas lésiné, le modèle à deux cent cinquante euros m'allait comme un gant, très seyant notamment au niveau des mollets. Moulant, mais pas trop. Galbant, pour être exacte. Ce fut une bonne surprise. Peut-être même que l'un de mes jeans pourrait s'assortir. Je me sentais prête.

Mais prête à quoi ? Ce fut ma question suivante.

Munie de mes belles bottes, je ressentais déjà moins d'appréhension pour mon projet.

Un stage dans une ferme ? Avec des jolis animaux que j'aimerais beaucoup. Je prendrais des selfies, plein de selfies que j'enverrais à mes collègues. Et à Benoît. Car là-dessus, je demeurais intraitable, c'est un chemin de croix que je dois arpenter seule. Benoît ne m'accompagnera pas. Je reconnais qu'il a tout de suite compris et n'a pas insisté. J'ai apprécié.

J'avais tort. Pour la ferme. Comme quoi, il ne faut jamais avoir d'idées préconçues et « savoir s'adapter, quoiqu'il en coûte ». Stage numéro quatre. Le plus drôle est que j'ai passé un temps fou à surfer sur le net pour trouver ce qui tout bêtement m'attendait chez la boulangère du village de mes parents. Oui, je m'y rends chaque troisième dimanche du mois. Elle est adorable, la boulangère. Sur le comptoir, à côté du plateau où est déposée la monnaie, un tract aguichant sur lequel il était écrit : Poterie, pottery, olaria, Töpfereï. Déjà, rien qu'à ces mots extraordinairement chantant, c'est tout un exotisme qui me sautait à la figure. J'ai pris un flyer et j'ai téléphoné le soir même. Je sais, c'est un détail, mais c'est pour bien faire comprendre ma volonté. Stage numéro sept : « Ne laissez jamais les autres décider pour VOUS ».

Un homme, aimable bien que doté un fort accent, me répondit que je serais la bienvenue à son stage de poterie, sans rien d'autre que la glaise pour extérioriser mon Moi. J'ai spécifié que je possédais une paire de bottes. Il a laissé passer quelques secondes avant de me répondre vraiment gentiment qu'en bottes ou pieds nus, seul compte l'objet qui sort de nos mains, libérant notre esprit par la pérennité de la création. Dire que j'ai tout compris serait abusif, mais justement, ce fut pour moi un signe de ce que je devais faire pour me dépasser, me révéler à moi-même et enfin comprendre mon don. Je n'ai rien dit à Benoît. Non pas par méfiance, enfin si, un peu quand même, mais surtout parce que je voulais que ce projet soit intrinsèquement le mien. J'ai donc arrêté des dates et lorsque je lui en ai enfin fait part, il m'a dit, t'as raison, de temps en temps faut s'éclater un peu.

Et me voici aujourd'hui, les bottes dans le coffre de la voiture, à l'orée d'un chemin qui me semble bien cabossé de nids-de-poule (je connais ce vocabulaire de mes recherches pour un stage à la ferme) et je ne sais que faire. Jamais je n'avais imaginé conduire sur ce genre de sentier. Une pancarte,

                                                         Pottery, poterie, Olaria, Töpferei =>

indique en lettres tout en coulures que c'est bien par là. Je m'engage très prudemment. J'ai toujours été, et j'en suis fière, quelqu'un de raisonnable. Si cela n'était pas pour ce projet qui me tient tant à cœur, je rebrousserais chemin, je pense.

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