Vertikal[7][6] { I : The weapon }

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<LI7> : Mes mains laissent une traînée rouge sur le morceau de roche, mes grognements résonnent dans l’étroit tunnel, enfin, l’obstacle se déloge. Pas beaucoup, suffisamment pour que je me faufile. Du revers de manche j’essuie la sueur qui coule sur mon front, j’en profite pour respirer du mieux que je peux dans cet air saturé de poussière. La bile que je crache par terre est aussi grise que les blocs de bétons qui menacent de se jeter sur moi.

Il y a eu une explosion, puis le bâtiment est tombé sur nous. Retori. Je l’ai entendu, juste un murmure, j’en suis certaine… peut-être. Allongée contre le sol dur, mes coudes et mes genoux écorchés par les gravats qui me rentrent dans la peau, j’avance dans le labyrinthe. Par moment, plus aucune lumière ne perce dans les décombres, mais je ne m’arrête pas, mes doigts tâtent et me guident timidement à travers l’amas de destruction.

J’ai de plus en plus de mal à respirer, mon corps pèse des tonnes, mais elle est proche, je le sens. Encore un croisement, je tends l’oreille et tous mes autres sens. Je vais à droite, parce que j’ai senti le courant d’air ? Parce que j’ai entendu un bruit ? Je ne sais pas, je n’arrive plus à réfléchir, j’en ai marre. Je veux tout laisser tomber, juste m’étendre là. Mais mon corps, lui, ne s’arrête pas. Méthodiquement, il lance ses bras en avant, creuse, gratte, déplace. Un centimètre, un millimètre, tout est bon à prendre.

Puis la main heurte une paroi.

Au fur et à mesure que mes doigts parcourent la surface lisse, mon cœur manque un battement, puis un autre. Une impasse.

<R3T> : Lily ?

<LI7> : Je me précipite contre la paroi, l’oreille collée sur ce qui ressemble à du bois, j’écoute.

— T’es là ?

Sa voix est faible, cassée, mais c’est bien la sienne. Malgré ma gorge qui me brûle et les sanglots qui déforment mes mots, je parviens à crier.

— Oui ! Je suis juste à côté, tu vas bien ? J’arrive, tiens bon.

Du bois, je peux le briser, je dois le briser. Retori est là, elle m’attend. Du poing, je frappe, faiblement d’abord. La surface me renvoie un bruit d’impact sourd, puis un autre plus fort quand je me jette de toutes mes forces sur le bois, encore et encore, je lance tout ce qu’il me reste. Main, épaule, pied, puis finalement cri et pleurs. Le front contre mon adversaire maintenant éclaboussé de mon sang, la respiration sifflante, je frappe une dernière fois, sans conviction. C’est trop bête, si prêt.

— Je n’y arrive pas, Retori, je n’y arrive pas.

Après, j’ai perdu conscience, je crois, et je me suis mise à rêver. Pas longtemps, suffisamment pour imaginer être à l’air libre, Retori dans les bras, Nihiline courant à notre rencontre. Mais le froid des roches, la lourdeur de l’obscurité et la douleur dans mes membres m’ont rappelé à la réalité.

Alors, j’ai recommencé à cogner. Je ne sais pas combien de temps cela a duré. Je suis là à frapper, frapper, frapper dans un enchaînement de période consciente et de trou noir. Jusqu’à, enfin, la paroi, ne cède. Elle est tombée, tout simplement, comme on tombe de fatigue. Je reste un moment immobile, aspergé par une pluie de poussière et de gravier, puis j’entends Retori.

Encore un murmure, à peine un grognement, ça suffit pour me lancer en avant. Je l’appelle, toujours aveugle, pas de réponse, l’oreille tendue, je guette la moindre indication. Finalement, c’est au toucher que la trouve la première. La chaleur de sa peau contre la paume de ma main se repend dans mon cœur, elle est là !

Dans ma gorge tout un discours de soulagement veut sortir, mais au final c’est elle qui prend l’initiative.

— Ca va aller.

Sa main est chaude sur ma joue. Puis, mes doigts tombent sur l’acier froid qui lui transperce le ventre.

Il n’y a pas de choc brutal, pas de cri, même pas une larme. Simplement, une absence totale. Plus une pensée, plus une réflexion, juste un corps qui se tient là, qui attend. Puis je réalise, cela vient comme une mélasse insidieuse et vicieuse qui s’infiltre à travers la moindre craquelure dans mon armure d’indifférence. Elle va mourir.

— Tu peux… tu peux le faire ?

Je ne veux pas y croire. Donnez-moi une minute, une seconde d’espoir. Que je puisse encore l’imaginer devant moi, se retournant de temps en temps, un sourire arrogant sur le visage et dans ses yeux, déjà la prochaine destination. À l’intérieur d’elle, je sens l’éther s’amollir dans ses veines, solidifier les mouvements de son cœur. Elle va se transformer en cercleux.

— S’il te plaît ?

Elle était immortelle.

Mes mains se posent en tremblant autour de son cou. Est-ce qu’il a toujours été aussi fin ?

Je peux voir son visage, mes yeux ont dû s’habituer à l’obscurité, ou bien je ne fais que l’imaginer. Elle me sourit. Pas celui habituel qui énerve, celui qui te prend pour un idiot. Non, c’est un sourire doux, presque paisible. Mes larmes tombent sur ses joues.

— Tu te souviens de l’autre soir ? Celui où tu m’a donné des rubans pour mes cheveux ? Je ne t’ai jamais remercié pour ça. Mais… ça m’a vraiment fait plaisir. Merci, Lily.

Non. Tu ne peux pas me faire ça. Je veux que tu restes avec moi, on peut te soigner, j’en suis sûr. J’aimerais pouvoir lui lancer tous ces mots, y croire, mais à la place je murmure.

— Tu sais, je pourrais te montrer d’autre façon de te coiffer. Pour que ça te gêne moins.

Elle rit un peu. Quand elle reprend, elle a de nouveau son ton perpétuellement moqueur.

— Ça ferait bien trop girly pour moi.

Je rigole aussi, puis le silence revient.

— Je dois y aller, Lily.

— À tout à l’heure ?

— Pas cette fois.

— OK.

<R3T> Je t’aime.

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