Vertikal[0] { Prologue }

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—   Blondinette, la radio ! Grouille !

—   Le seul gars qui savait faire fonctionner ce truc est sous tes pompes ! En plus, il a foutu du sang partout !

—   Je veux pas le savoir !

 

<CL3> La radio grésille salement, les boutons rouillés fonctionnent mal. Je les tourne dans tous les sens à la recherche d’une fréquence à peu près correcte. À côté de moi, la chef est en train de gueuler pour se faire entendre par-dessus les tirs, le cri des agonisants ou ceux en passe de l’être et parce que gueuler, c’est ce qu’elle fait de mieux.

—   Central de Célestine, rencontre forte opposition, demande de renfort immédiat. Je répète, demande de renfort immédiat ! Avons traqué et détruit méka rouge à Lazare. Puis une putain de sorcière increvable nous est tombée dessus ! Elle a déjà bousillé la moitié des gars et bouffé trois putains de grenades sans morfler ! Besoin de…

Un corps est brutalement projeté contre le mur de béton juste en face de moi. J’entends d’ici le craquement des os. Son sang vient ajouter une couche rougeâtre sur la radio. Se balançant mollement au bout d’un cou brisé, la tête du sergent me regarde de ses grands yeux révulsés. La pauvre femme était morte bien avant de toucher le mur. Je n’ai pas le temps de vomir mes tripes qu’une explosion me jette au sol. Un nuage de fumée et de poussière envahit la pièce.

—   GRENADE !

—   C’est avant de la lancer qu’il faut prévenir, connard !

 

Le connard en question, c’est Livingstone. Le type est vieux, méchant et aime toutes sortes de poudres, de la blanche à la noire. Surtout la noire. Et si Livingstone a survécu jusqu’à aujourd’hui, c’est parce qu’il n’a jamais aimé la modération. Son chargeur vide heurte le sol avec un bruit métallique tandis qu’un autre, plein cette fois, vient alimenter sa « bête ». L’arme solidement calée sur son épaule, les jambes prêtes à encaisser le recul, il appuie sur la gâchette. Le canon vomit un flot de balles de 5.56 millimètres. La totalité de son chargeur y passe. Dès qu’il entend le « clic » satisfaisant de la chambre vide, il sort un vieux revolver américain. Six coups de tonnerre plus tard, je le vois saisir les deux grenades accrochées à sa ceinture. Livingstone est un hargneux.

—   Tu veux tous nous buter ou quoi ?

—   Si ça peut crever cette saloperie, cramer une ou deux de vos gueules me dérange pas. Dégage fillette !

 

J’entends deux clics, je me jette à plat ventre derrière le mur. Les mains sur les oreilles, le rire dément de Livingstone me parvient quand même.

—   Ah ouais, j’oubliais. GRENADE !


L’explosion secoue le bâtiment entier. À moitié recouverte de débris, les poumons remplis de poussière, je me relève péniblement. Le vétéran, lui, est déjà debout, il sourit de la moitié de bouche qui lui reste. Partagée entre la colère et le soulagement, j’hésite un moment à lui briser le nez ou simplement lui tirer une balle entre les deux yeux. Puis je remarque le manche d’une épée enfoncé jusqu’à la garde dans son torse. Accrochée au pommeau, une chaîne noire s’enfonce dans le nuage de fumée au centre de la pièce. Brusquement, les maillons se tendent et arrachent l’acier au corps du vieux soldat. Le vétéran tombe à genoux, sa main tente vainement d’endiguer le flot de sang s’écoulant de l’ouverture béante qui troue ses chairs. Si Livingstone a survécu jusqu’à aujourd’hui, c’est aussi parce qu’il n’a jamais rencontré de créature comme celle-ci.

Comme dans un brouillard, je vois les soldats crier, pleurer, implorer alors que l’acier de la créature fend les chairs et détruit les os. J’entends le bruit surréaliste d’une clochette qui tinte joyeusement au-dessus des hurlements d’agonie. Puis la sorcière s’approche de moi. Sous le sang qui la macule, il y a les traits d’une jeune fille, elle doit avoir mon âge.


L’épée se lève. Je préfère me perdre dans le violet intense de son œil.

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