15 -Nancy - Samedi Soir

5 minutes de lecture

La sonnerie du GSM de Chloé nous fait sursauter. Elle se tourne vers le bureau pour récupérer son mobile et prendre la communication.

J’entends qu’il s’agit d’un certain Raymond. Certainement, le contremaître bourru qui nous avait ouvert la porte à l’usine hier soir. Ils discutent viennoiseries, mais très vite la conversation devient plus technique. Cela parle, maintenant, de stock et de livraisons. Je comprends qu’elle est repartie dans son boulot. Quand relâche-t-elle la pression ?

Et moi, pour répondre à mon hôtesse du moment, que vais-je lui raconter ? Que j’ai rencontré sa mère il y a bientôt deux ans ? Que bien vite, nous avons sympathisé et que nous ne nous sommes plus contentées de nous voir aux « garden’s party and other events » organisées par Master. Ces soirées de jeu de rôles où j’étais sa fille, voire sa soumise, livrée en pâture sexuelle à des bourrins qui se prenaient pour des étalons sur le retour ?

Je voudrais pouvoir lui dire la gentillesse des attentions de June envers moi. La rudesse de ses frappes aussi… Mais jamais, elle n’a dépassé les limites de nos jeux. Je me sentais en confiance avec elle. Vraiment. Elle me manque parfois…

J’espère un jour arriver à lui expliquer tout cela et à partager avec elle la perte d’un être qui a compté.

Elle me regarde alors qu’elle est toujours au téléphone. On se perd, l’une dans les yeux de l’autre. Mais que se passe-t-il ? Que se passe-t-il entre nous ? Elle termine la conversation d’une voix plus douce et reviens vers moi.


Je serre ce pull entre mes doigts. Je dois m’habiller et je ne sais pas bouger ? J’ai peur, j’angoisse. J’ai l’impression d’être devant un vide et qu’il me faut sauter. Que demain ne sera plus jamais comme aujourd’hui.

Silencieusement, Chloé me retire le chandail des mains et me tend un cache-cœur en mohair rose. Je comprends l’invitation silencieuse et l’enfile. C’est tout doux. Comme son sourire…

Elle laisse courir ses doigts le long des bords tout en l’attachant bien haut sous mes seins.

— Il te va mieux ainsi…

J’en ai frissonné de sentir ses doigts si près de ma gorge. Mes tétons sont tout excités. Mais grave ! J’ai comme un frémissement dans le ventre et inconsciemment je resserre les cuisses.

Je crois qu’elle vient de le remarquer. Un léger sourire semble naître sur ses lèvres.

Je me noie dans ses prunelles vertes. Il y a comme des flammèches dorées qui courent sur l’onde de ses iris. Elle tend la main mais la mélodie « Jingle Bell’s » retentit dans la pièce.

— C’est Noël, c’est le bureau. Je dois prendre la communication, me souffle-t-elle.


J’en profite pour m’esquiver et descendre à la cuisine. Je meurs de faim. L’amour, cela creuse. Mais qu’ai-je pensé ? L’amour ? Non, mais et puis quoi encore !

C’est certain qu’il y a une attirance. Et je veux comprendre ce qui m’arrive. Il me faut me reprendre et analyser les choses.

Je suis hétéro ! Bruno était presque mon dernier. D’ailleurs, il est où celui-là ? Et puis, je ne compte plus mes amants ou mes violeurs selon que j’étais d’accord ou pas. C’est mon métier, moi de baiser. J’aime ça ! Enfin, pas tout à fait…


Je trouve des choses bien appétissantes dans son frigo. Ce n’est pas comme dans le mien, où il y a de l’écho…

J’ai la dalle. Je me – pardon nous – prépare une salade avec un filet de saumon. Elle ne se refuse rien. Il n’y a que du frais. Comment fait-elle ? Elle vient à peine d’arriver et sa maison est super bien tenue !

Ouais, bon. On peut dire que le bureau que j’ai traversé ressemblait plus à un chantier. Il y avait même des dossiers dans le couloir. J’ai dû slalomer entre les papiers au sol.

Et ici dans cette cuisine, il y a une assiette et une tasse qui pleure dans l’évier en attendant de trouver une place dans ce lave-vaisselle Hi-tech !

Je me sens légère. J’ai presque envie de chanter. Disons plutôt chantonner, car ma voix n’est pas des plus réussies.

Bon, c’est pas tout ça. J’ai faim !

Elle se pointe bientôt, la Miss Téléphone ?


Il va falloir que je lui dise quelque chose d’autre que : « T’as de beaux yeux, tu sais ? »… Ou encore « Je m’occuperais bien de ton petit cul ! ».

Il est vrai qu’elle est juste chaloupée de ce côté-là. J’ai pas vraiment regardé, mais un peu quand même… J’avais envie de laisser traîner ma main.

Mais c’est pas possible, j’ai mes hormones qui me travaillent. Je ne pense qu’au cul ! Et d’ailleurs, elle en est où mon invasion du mois ? Il y a vingt-quatre heures, c’était l’inondation, la syncope et aujourd’hui je gambade ? J’ai jamais connu cela ! Même plus mal ! Mais qu’est-ce que j’ai la dalle !!

Miss Téléphone, mon estomac t’appelle !


Et mes lèvres aussi ! Elles doivent êtres douces, les siennes. J’ai vu qu’elle se les mordait tantôt. Le même tic que sa mère. Je devrais stopper de faire des liens sans arrêt !

Oui, mais voilà, June ? Je lui en parle ? Mais alors, je lui dis ce que je suis ? Ce que je faisais à la surveiller ? J’ai peur de lui avouer. Je risque de la perdre.

Mais je ne me comprends plus. Que m’arrive -t-il ? Je pense à elle, j’en ai besoin ; d’elle seulement !


Une femme ? Moi qui en ai connu des dizaines ! Cela doit être mes hormones. On se reprend !

D’habitude, à cette période, je suis chienne ! J’aboie. Aujourd’hui, je me sens chatte. D’ailleurs c’est une explosion dans mon ventre et j'avoue ressentir une certaine fraîcheur pour ne pas dire humidité un peu plus bas. J’ai les seins durs et gonflés. Et je ne peux pas me cacher derrière mes « machins », même si c’est un bon prétexte, j’ai les tétons qui pointent !

Je me glisserais bien la main pour me faire miauler un peu mais se serait osé entre salade et saumon. Maintenant, avec l’odeur de la vinaigrette et du poisson, comment ferait-elle la différence !

Argh, je me dégoûte.


Miss Téléphone !! Help ! Je suis prête à tout t’avouer mais ne me laisse plus seule avec mes pensées !

Il faut que j’occupe mes mains. Non, pas sur mes seins, ils ont trop envie !

Mes cuisses ? Oui mais pas trop haut !

Mes fesses ? Et puis quoi encore ?

Il faut que je me calme ! J’irais bien prendre une douche, mais je serais obligée de passer devant elle. Et je suis encore capable de tortiller du cul pour l’appeler. Je dois me soigner, je dois me soigner, je…


— Euh, il y a longtemps que tu me regardes ?

Chloé est appuyée sur le chambranle de la porte de la cuisine. Elle m’observe, un léger sourire aux lèvres. Depuis quand est-elle là, à me regarder ?

— Vous êtes plusieurs à habiter ce corps ? A part t’arracher les cheveux, je crois que tu as tout fait ou eus l’intention de le faire ! Tu as besoin d’un coup de main ? D’un coup de doigt, peut-être ?

Je rougis comme une gamine en faute. Des années-lumières que cela ne m’était plus arrivée. Moi, qui offre mon corps je deviens prude à imaginer ses doigts sur moi ; cela m’incendie. Je dois même retenir un gémissement.


Bon, je me lance.

— Il faut que je te dise quelque chose.

— Comme cela, peut-être ? Me dit-elle en me tendant son GSM.

Je le prends de ses mains. Une image. Un selfie. De June, dans une cabine d’essayage. Avec moi, visible dans le miroir mural…

Annotations

Vous aimez lire Artiscript ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0