2 - Bruno - Mardi Soir

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Me voilà donc le baby-sitter d’une poupée de 34 ans ! Et, je vais devoir la couvrir sans griller ma couverture…

En effet, à la lecture des documents scannés, je peux voir, noté en travers de mon ordre de mission d’une écriture sèche (mais rédigée par qui ?), la mention qu’elle doit ignorer ma présence afin de lui éviter tout stress inutile ou de lui rendre sa tâche plus difficile. Étrange comme commentaire ; limite redondant.

Chloé Buchovski. Le métissage européen dans toute sa splendeur !

Un nom évocateur des champs de blé de l’Ukraine mais dont la chevelure de feu de la propriétaire indiquerait plutôt son origine dans les plaines vertes d’Irlande ou d’Écosse…

Un minois neutre avec des yeux froids. Je dirais même glaçants ; elle n’a pas dû s’amuser tous les jours… Et elle ne fait pas rigoler.

Elle est consultante pour la société Xantra Audit et son contrat actuel l’amène à travailler chez Vancelor (Import-Export). Logement inconnu.

Ce qui est intrigant, c’est que ce qualificatif d’ignorance revient pour tous les autres postes : situation familiale, études, hobby, passions, amis, cercles sociaux, etc.

On aurait la volonté de me faire travailler dans le brouillard qu’on n'aurait pas mieux agi. Étrange comme ressenti…

Pour que la Company accepte ce genre de mission en cet état des lieux, les arguments financiers durent être conséquents… Voilà pourquoi, ma prime – pour congés reportés – n’a pas été âprement contestée !

J’ai la curiosité de savoir pourquoi cette personne – à priori, un peu insignifiante – mérite une telle protection. Soyons honnête, je reconnais qu’il ne s’agit pas d’une simple interrogation mais d’une question primordiale. Si vous connaissez le problème, la solution s’impose plus facilement. Le reste n’est que détails et organisations.

Alors quelle serait cette menace ? Ancienne ou à venir ? Réelle ou potentielle ? Létale ou non ?

Le fait de déposer ces questions et de reprendre les commentaires reçus va me permettre de m’organiser pour ces prochains jours.

Ils ont mis le prix et l’obligation de la discrétion pour sa protection. Le danger est donc réel mais pas antérieur à sa présence ici. Si la menace existait déjà, il ne serait pas nécessaire de rester dans l’ombre.

Je suis seul, ce qui signifie que sa vie n’est pas en jeu. Pas mortel, mais alors pourquoi une arme ?

Enfin, je peux bénéficier du support de la Company pour des besoins logistiques… Le risque est donc évalué avec un haut potentiel de probabilités voire de complexités.

En conclusion, je vais devoir faire des heures supplémentaires les jours prochains…

Autant se reposer tant que c’est possible.

Il se fait tard et le target n’arrive que demain par le vol de 09h47.

Hop, au dodo !

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Le réveil programmé avec soin résonne dans le studio à 05h00. Il me trouve en train de terminer ma gymnastique matinale. Une douche froide pour me tonifier un peu plus et un petit-déjeuner d’enfer, sur le tout, et me voilà paré pour bien commencer la journée.

Je ne sais pas si mon frigo a été rempli par la brunette d’hier soir, celle qui m’avait donné les clés du studio, mais rien d’essentiel ne manquait.

À la pensée de cette damoiselle, j’ai l’image de son déhanché qui me revient ; comme imprimée au fond de ma rétine. Ses cheveux bruns et courts, ses yeux plus clairs et sa taille qui me semblait fine.

Sans vouloir faire de clichés, elle avait plutôt l’air d’être végétarienne voire végan au vu de son gabarit. Je la placerais même dans la catégorie Poids Coqs. D’un autre côté, elle me semblait tonique et énergique ; comme son regard et le piquant de son verbe.

Elle n’avait pas l’air d’avoir besoin de quelqu’un ou de quelque chose pour la soutenir. Le souvenir de ses tétons nerveux me remonte aussi en mémoire et me fait sourire d’un air gourmand.

Soudain, un remords me vrille la conscience : Kate…

Je m’inflige cent pompes pour en sortir… Cela peut paraître légèrement masochiste, mais c’est efficace et j'assume !

Le nez sur le tapis, je me force à penser à la situation présente.

Le studio est sans trop de confort mais bien situé.

J’ai trouvé le frigo chargé d’un stock de plats préparés pour une dizaine de jours ; sans compter charcuteries et viandes diverses sous vide. Deux autres sacs de pâtes, riz et autres approvisionnements se trouvaient sur le plan de travail à mon arrivée. Même des tablettes de chocolat étaient prévues…

J’ai à ma disposition une Golf garée dans un box pas très loin d’ici, d’après des clés laissées sur la table. Cela, par contre, m’ennuie un peu plus. Je crois que je vais louer un scooter ou une moto qui me sera beaucoup plus utile pour circuler dans cette ville.

Je dois également revoir mon ordre de mission et détailler ce que je connais de la société Xantra qui emploie cette Chloé et de Vancelor qui aurait besoin de ses services.

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C’est au guidon d’un scooter de marque Kymco, loué, que je me trouve maintenant. J’observe la sortie des gens à l’aéroport, pas très loin des emplacements réservés aux taxis.

J’ai manqué la sortie de la cible mais un reflet dans ses cheveux attire, heureusement, mon attention.

Ce retard dans ma réaction a toutefois permis à d’autres de réagir. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis à peine surpris de remarquer une voiture déboîter, vivement des véhicules en stationnement, dans la suite du taxi de cette Chloé.

Mon adrénaline monte en flèche et je les prends en chasse tout en murmurant :

— C’est parti !

L’option Maxiscooter – un 400cc – se révèle idéale pour ce type de mission. Je vois de loin, le taxi tenter d’avancer et la Clio des suiveurs suivre tout aussi péniblement.

En fait, je dois dire "le" suiveur, car il est seul – et chauve – dans ce vieux modèle de chez Renault.

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Je devais vraiment être distrait à l’aéroport car avec la valise que se coltine ma cible, elle a certainement mis un temps plus que certain pour la charger dans le taxi !

Elle se trouve maintenant devant une porte cochère barrée d’une plaque en cuivre.

L’ombre de Chloé – à la Clio – est stationnée à deux emplacements de parking de là. Pas très discret…

En observant la scène brièvement avec mes jumelles, j’ai deux surprises. La plaque d’identification marque l'entrée d’une étude notariale et notre chauve, depuis sa voiture, photographie la scène ou plus précisément la porte.

Du coup, je me mets en mode repos, comptant sur le suiveur/photographe pour être attentif à ma place. Cette Chloé qui, à peine arrivée, intéresse déjà du monde…

Voilà plus d’une heure que nous attendons. J'observe toutefois qu'un taxi est en attente devant la porte du notaire depuis plusieurs minutes. L'homme à la calvitie totale s'active. Je ne peux pas faire moins.

La jeune femme, objet de toutes nos attentions, monte dedans avec tout son chargement. Elle a l'air perturbée, les pommettes rosées. Elle est mignonne ainsi colorée.

Tout notre petit monde se met en route à la suite l’un de l’autre.

Moi, je me contente de suivre la Clio de loin.

On se rapproche du centre-ville pour terminer dans une rue assez cossue.

C’est en voyant Chloé ouvrir la porte d’entrée d’une maison de rangée, mais typée bien bourgeoise, avec une clé que je comprends où elle logera les prochains jours.

Je crois que son ombre chauve a suivi le même raisonnement puisqu’il se remet dans le flot de la circulation.

Mais maintenant, c’est ce suiveur qui devient mon objectif optionnel.

Et il me mène directement chez-lui, en bon père tranquille ayant accompli son travail.

Il s’appelle Dupond & Dupont – Détectives Privés.

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