6.

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 Les tables vides ne manquaient pas dans la salle qui pouvait bien contenir une soixantaine de personnes. Cédric n'eut aucune difficulté à s'attabler à quelques mètres. Il vit la jeune fille, surprise, se lever et rejoindre son indescriptible ami, une petit moue au visage. Il retrouva enfin la paix dans sa solitude, qui fût de courte durée.

-Ça, c'était culotté ! Dit une nouvelle voix à l'instar de Cédric qui se maudissait d'être à nouveau dérangé.

Celui-ci leva la tête à nouveau en roulant des yeux. Celui qui se tenait devant lui s'assit sans permission face à lui. C'était le jeune métisse à la peau foncée qu'il avait observé plus tôt en compagnie de la rouquine.

« Qu'est-ce qu'ils ont tous à m'importuner comme ça ? »

-Cassy elle est sympa, t'y es pas allé de main morte avec elle. J'ai tout vu, dit le garçon qui avait délaissé son groupe pour venir le voir, bien qu'on lui parle rarement vu qu'elle traîne avec l'autre bizarre.

-Hm… fit Cédric affligé par le manque de respect quant à son besoin de solitude. Je peux faire la même chose avec toi, tu le sais ça ? Ajouta-t-il en prenant son plateau en main, lui montrant qu'il était prêt à partir.

-Oh, c'est bon, c'est bon j'y vais ! S'exclama l'autre en se levant pour retourner vers son groupe, indiquant qu'il était hors de question qu'il lui inflige le même méprit qu'envers cette pauvre Cassy.

Cédric souffla, soulagé d'avoir pu chasser ce dernier importun. Le reste de sa soirée se passa dans la réflexion. Se remémorant l'agréable sensation de retrouver ses frères après le boulot qu'il ne ressentirait probablement plus jamais. Au moment où sonnait minuit, les autres Néfastes paraissaient enchantés. L'ambiance était festive pour chacun d'eux, excepté Cédric qui n'eut que faire du compte à rebours annonçant la nouvelle année.

Les festivités prirent fin, à une heure du matin, obligeant les pensionnaires à regagner leur dortoir respectif. Bien qu'il avait en horreur les nuits qu'il passait dans la petite pièce qui lui servait de chambre, cela lui paraissait toujours plus agréable que de rester au beau milieu de cette « fausse joie » comme il l'appelait. Il avait regagné son étage, escorté par les gardes qui ne le quittaient plus jusqu'à sa chambre. Les dortoirs prenaient tout un batiment. Huit étages dans chacun desquels huit cellules étaient divisés dans deux couloirs.

Il faisait beau dehors en ce premier après-midi de l'année 1923. Bien qu'il faisait froid, Cédric s'était installé sous le préau de la cour qui le protégeait des quelques flocons de neige qui dégringolaient paisiblement du ciel, venant couvrir d'une nappe blanche l'intégralité de la cour extérieure. Couverts de bonnets, gants et manteaux, certains pensionnaires s'attelaient à la construction de bonhommes de neige ou encore se jetaient corps et âme dans une intense bataille de boules de neige. Comme à son habitude, il se contentait d'observer en silence ce qui se déroulait devant ses yeux, balayant l'espace qui s'offrait à ses pupilles brunes. La taille de la cour était semblable à celle d'un terrain de basket. À en juger par les ballons soigneusement rangés dans un coin du préau, les pensionnaires devaient sans nul doute jouer avec lorsque le temps s'y prêtait mieux. Les surveillants présents, malgré le froid, ne faiblissaient pas dans leur tâches. Droit comme des i contre les murs, certains, leur arme en mains, ne vacillaient pas tout en contemplant les jeunes vaquaient à leurs occupations.

« Quel métier. Ils sont payés à rester en compagnie d'un type de personnes qu'ils exècrent, à les surveiller, qu'il vente ou qu'il neige. Au moins s'il sont là, c'est par choix. » les jalousait-il.

Sortant du bâtiment principal, pour rejoindre le centre de la place, Eric marchait tête baissée, avant de s'asseoir à terre. Toujours bien caché sous sa grosse casquette, il plongea la tête dans un livre qu'il avait ouvert sur ses genoux.

-Encore à l'observer ? Décidément ! Se fit entendre une voix que Cédric eut le malheur de reconnaître.

-Toujours à m'emmerder ? Décidément ! Fulmina-t-il en regardant Cassy qui était arrivée dans son dos.

-C'est pas de ma faute si tu passes ton temps à le regarder, non ?

-C'est pas de ma faute si tu décides d’apparaître dès que j'ai le malheur de regarder dans sa direction, non ?

-T'as l'intention de continuer à m'imiter comme ça encore longtemps ?

-Ça dépend, t'as l'intention de continuer de me faire chier comme ça encore longtemps ?

Le jeune brunette souffla, désespérée. Elle prit place sur le banc sur lequel Cédric était installé.

-Laisse-moi deviner. « Ce n'est pas mon banc, tu peux t'asseoir où tu veux », c'est bien ça ? Lâcha-t-il en se levant pour se préparer à s'en aller.

-Je veux juste faire connaissance, c'est pas un crime que je sache. S'empressa-t-elle de répondre en l'empêchant daller plus loin en bondissant du banc pour se positionner devant lui.

-Merci mais je n'ai envie de « faire connaissance » avec personne. Répliqua-t-il en tentant de la contourner.

-Aller le nouveau, c'est pas tous les jours qu'on a de nouvelles têtes ici, fait un effort !

-Ton « petit-copain » ne veut plus de toi ? Tu lui cherches un remplaçant ? Dit Cédric ayant réussi à la laisser derrière lui.

-Tu risques d'en avoir pour un bout de temps ici, tu vas pas le passer tout seul quand même, le nouveau ! Avait-elle fini par dire en haussant le voix, le voyant s'éloigner.

Suite à ces mots, Cédric se figea, avant de se retourner vers elle.

-Comment ça « un bout de temps » ? Fit-il en s'approchant.

-Quoi ? Tu ne crois quand même pas que tu sortiras d'ici d'un claquement de doigt ? S'amusa-t-elle. Il faut faire la queue, comme tout le monde, le nouveau.

Cédric fut prit de court. Il se rendit compte qu'il n'avait jamais vraiment réfléchi au temps qu'il avait à rester enfermé au complexe. Il avait été tellement obnubilé par la nouvelle qu'il avait apprit, il y avait déjà une semaine maintenant. Celle qui lui avait apprit qu'il pouvait être débarrassé de ses pouvoirs. Maintenant qu'elle le lui a fait remarqué, Cédric se posa enfin la question; pour combien de temps il en avait ?

-Hm, je vois le nouveau. Si tu passais moins de temps à observer Eric, tu y aurais certainement déjà penser.

-Mais, arrête avec ton Eric bordel ! J'en ai rien à foutre de lui, je le connais même pas. Avait-il presque crié.

Un bruit sourd se fit entendre. Cédric se retourna en sa direction et vit le garçon dont il avait pratiquement hurlé le nom, son livre fraîchement refermé sur ses jambes.

« Il m'a entendu ? » Se demanda-t-il un peu gêné.

Embarrassé il se racla la gorge et reprit en changeant de sujet, s'efforçant de ne rien laisser paraître.

-Arrête de m'appeler « le nouveau ».

-T'es le nouveau. Alors tu auras le droit à ce petit nom jusqu'à ce qu'un autre prenne ta place de nouveau… le nouveau. Dit Cassy d'un air fier.

-Bien, commença-t-il. À partir de maintenant tu seras « l'emmerdeuse », pas besoin de t'expliquer pourquoi, si ? Et j'ose espérer qu'il n'y en ait pas d'autre après toi…

La jeune fille sourit, visiblement amusée par ce qu'il venait de dire.

-Mais je compte bien être la seule et unique voyons, dit-elle en effectuant une pirouette pour s'incliner.

Cédric roula des yeux, avant de se retourner dans le but de la laisser seule et de s'isoler à nouveau. Cassy n'en ayant à priori pas fini avec lui, commença à le suivre.

-Où que j'aille tu vas me filer ? Lui demanda Cédric agacé.

La brune secoua vivement la tête de haut en bas, avec un large sourire. Épuisé par celle-ci, il se résigna et retourna s'asseoir sur son banc. Cassy l'imita. Quitte à endurer sa présence, il n'allait tout de même pas, en plus de cela, se fatiguer à courir dans tous les sens dans l'espoir de la fuir en vain. L'un comme l'autre, il ne dirent plus rien. Il s'efforça de l'ignorer et retourna à ses observations pendant quelques minutes.

-Alors, c'est quoi ton petit nom ? Reprit-elle, prise d’ennui.

Cédric laissa s'échapper un soupire, irrité par le débit de parole insensé de la fille.

-Déjà que je fais l'effort de supporter ta présence, tu vas m'obliger à te faire la conversation maintenant ?

-Hm hm ! Fit-elle en hochant la tête avec le sourire. Alors ? Ton prénom le nouveau ?

-Si je te le donne, tu arrêteras de m'appeler comme ça ? Lança-t-il désespéré.

-Hm… non.

-Alors ça ne sert à rien que je te le dise.

Cassy se tut enfin. Cédric ferma un instant les yeux comme pour savourer ce moment de paix qui lui était enfin offert. Cet instant de plaisir n'aura pas duré bien longtemps.

-Comment tu t'appelles ? Dis le moi, aller ! Comment tu t'appelles le nouveau...

Les yeux à nouveau ouverts, il fusilla la fille du regard. Sa voix lui paraissait de plus en plus agaçante, comme un désagréable sifflement à ses oreilles. Le garçon craqua.

-Cédric ! Je m’appelle Cédric, c'est bon ? T'as fini ?

-Oh, pas besoin de crier. J'ai compris, monsieur est amer. Ou naturellement asocial, allez savoir.

Il était sur les nerfs, cette Cassy avait le don de le pousser à bout.

-Roh' je plaisante le nouveau, détend-toi un peu. Dit-elle en le bousculant amicalement.

-Bon, vraiment, qu'est-ce que tu me veux ? S'impatienta-il.

-Je te l'ai dit, faire connaissance tout simplement. Tu me rappelles Eric, et je suis sûre qu'on pourrait tous les deux être bons amis avec toi. Expliqua-t-elle toujours en souriant.

-Tous les… ? Que ça soit bien clair, je ne veux pas d'amis de un, et de deux je n'ai rien à voir avec ton pote bizarre. S'indigna-t-il.

-Ah oui ? L'un comme l'autre vous restez loin des gens, et faut dire que vous avez tous les deux l'air de cacher des choses. Comme… des secrets ? Le taquina-t-elle.

-Et si tu continuais de t'occuper de ses "secrets" à lui plutôt que des miens ?

Cassy rigola. En détournant son regard de son interlocuteur, elle vit son ami se relever au loin, avant d'en faire de même pour se joindre à lui.

-Oh ? Je dois te laisser le nouveau. Mon « petit-copain » m'attend, dit-elle en mimant des guillemets avec ses doigts. On aura très vite l'occasion de se reparler, crois-moi.

-Oh j'ai hâte, dit-il lassé.

-Moi aussi ! Fit-elle en sautillant sur place avant de s'en allait.

Elle n'avait pas eu le même ton dans sa voix en ayant prononcer ces mots, que Cédric. Elle semblait beaucoup plus excitée que lui à l'idée de se retrouver. Enfin seul, le brun souffla un bon coup, soulagé. Il pouvait retourner à ses pensées qui, à présent était hantées par la question que la fille avait semait dans son esprit.

« Combien de temps vais-je rester ici ? »

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