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« Je suis sûr que le coupable rôde encore dans les parages. » affirma Johannes.

Il se trouvait dans la chambre de Lieva avec Ayanami et Eva. Les deux hommes étaient venus essayer de convaincre cette dernière de prendre du repos ; elle n’avait pas quitté le chevet de sa fille depuis la veille. Ils avaient commencé à discuter, évidemment à propos de l’empoisonnement.

« Le débusquer ne sera pas chose aisée, poursuivit l’officier, cependant identifier ses commanditaires ne posera pas de problème.

- Je ne m’explique pas pourquoi les Nebelmond frappent maintenant… soupira Eva.

- Peut-être se disent-ils que c’est leur dernière chance d’éliminer la lignée Werner. avança le précepteur. Après tout une fois qu’elle sera mariée ils auront plus de mal à attenter à sa vie.

- Pauvre enfant, prise dans une vendetta qui la dépasse. » murmura sa mère.

Elle posa sa main fraîche sur le front moite de la jeune fille. Celle-ci frissonna. La femme cessa le contact et son visage devint plus triste. Elle reprit :

« Si j’en avais eu le courage, il y a longtemps que je serais allée voir l’Empereur pour lui demander de faire cesser cette histoire ridicule. Mais les Nebelmond ont sa faveur, ce qui m’a toujours retenue. Et je crains que Lieva n’ait aucune chance de fuir leur soif de vengeance. Le simple fait que la placer sous la protection de la famille Oak n’ait pas suffi en est une preuve.

- Il faudrait que ses ennemis se découragent, énonça Ayanami, ou qu’un autre personnage important défende sa cause. Avez-vous déjà pensé à demander à la favorite en titre ?

- Jamais, elle me semble trop sous l’emprise de l’Empereur. Mais je pourrais tenter, après tout je n’ai rien à y perdre.

- Les Nebelmond ont-ils de puissants adversaires ? questionna Johannes. Si c’est le cas ceux-ci seraient ravis de les contrarier en aidant Lieva.

- Je crois que leurs relations avec les Kawai sont assez discordantes. Je pourrais demander à Fridolin, le chef de leur famille, c’est un bon ami. Cependant… j’aimerais être en mesure de la protéger moi-même, et Markus aussi.

- Est-il au courant de la situation ? s’enquit le précepteur.

- Je l’ai averti au moyen d’une lettre. Et dire qu’il a dû repartir le soir même des fiançailles…

- Encore ces pirates ? demanda Ayanami.

- Oui, confirma l’autre homme, et c’est d’autant plus absurde qu’ils n’ont rien à voir avec la situation présente. »

À ce moment on toqua à la porte.

« Entrez. » dit Eva.

Un serviteur ouvrit afin de laisser passer un visiteur puis se retira.

« Ilyusha ? s’étonna Ayanami. Où est ton oncle ?

- Il a eu un empêchement et m’a envoyé à sa place. Ne vous en faites pas, ajouta-t-il à l’attention d’Eva, je sais comment procéder. Me permettez-vous de soigner votre fille ?

- Bien sûr. »

Il s’approcha du lit et posa sa mallette au sol, qui ressemblait à celle de son oncle, mais en bleu et non en noir. Il constata l’évolution des symptômes, et une expression soucieuse passa sur ses traits d’enfant.

« J’aurais besoin de réchauffer certains éléments à ajouter au remède, déclara-t-il, pourrais-je utiliser votre cuisine ?

- Je vais t’y guider. » proposa Johannes.

Les jeune soigneur récupéra ses affaires et le suivit hors de la pièce. Une fois la porte fermée, Eva soupira à nouveau. Ayanami la regarda, s’apercevant encore une fois de son degré de fatigue. On pouvait dire sans mentir qu’elle était une belle femme, mais l’inquiétude et la veille la faisaient paraître épuisée. Des cernes commençaient à souligner ses yeux bruns, et son teint était presque aussi blême que celui de sa fille. Le jeune homme réalisa qu’il ne s’était pas fait de souci pour un proche depuis longtemps. Après tout, Yukikaze était le seul être humain qui comptait à ses yeux, et peu de choses pouvaient le mettre en danger. Quant à sa famille par le sang… Son père l’avait chassé, ses frères ne s’y étaient pas opposés, et affirmer qu’il n’y était pour rien dans l’accident qui avait coûté la vie à sa mère aurait été un bel euphémisme.

Comme la famille régnante de Raggs est belle ! pensa-t-il avec ironie.

Il prit conscience que ses réflexions l’avaient mené un peu loin. Il reporta son attention sur la réalité. Eva semblait toujours aussi soucieuse, son regard passant de sa fille à la porte de la chambre. Devinant ses pensées, il prit la parole :

« Ne vous faites pas de soucis, ce garçon saura prendre soin de Lieva. Son oncle m’a laissé entendre qu’il était très compétent. Et puis, il appartient tout de même à une famille renommée.

- Je vais essayer de lui faire confiance, assura-t-elle, mais tant que Lieva ne sera pas rétablie je craindrai pour ses jours, indépendamment de celui qui la soigne. »

Un silence passa.

« Ne trouvez-vous pas qu’ils mettent du temps à revenir ? reprit-elle.

- Un peu, en effet, cependant c’est peut-être normal. Si vous voulez je peux aller leur demander s’ils ont besoin d’aide.

- Cela ne vous dérangerait pas ?

- Pas du tout. »

Elle le remercia d’un sourire et il quitta la pièce. Il se rendit au rez-de-chaussée et suivit le couloir jusqu’à l’arrière de la maison. Il ne croisa personne, ce qui était normal pour un début d’après-midi. En arrivant aux abords de la cuisine, il se demanda pourquoi il n’entendait aucun bruit. Il passa la porte demeurée ouverte et s’arrêta un instant. La salle était assez vaste, et séparée au centre par une grande table. Le jeune homme repéra ceux qu’il cherchait, à l’autre bout de la cuisine. Divers objets étaient disposés sur le plan de travail, mais un éclat d’acier attira son attention. Un détail ne cadrait pas. Johannes, l’air tout à fait impassible, menaçait l’enfant avec un couteau.

« Ilyusha ! » s’exclama l’adjudant.

Le garçon lui jeta un regard où se mêlaient l’espoir et la peur.

« Je l’ai vu tenter de verser une substance dans le remède ! prévint-il.

- Tu veux vraiment mourir. » observa froidement le précepteur.

Ayanami comprit la situation en un éclair. Cet homme était le coupable depuis le commencement, il avait réussi à gagner la confiance de Lieva et de ses proches, pour ensuite exécuter le contrat des Nebelmond en toute sécurité. Par réflexe, il voulut saisir son épée.

« Mauvaise idée, remarqua Johannes, enfin si tu te sens concerné par sa survie.

- Tu es bien lâche, répliqua le jeune homme, pour te servir ainsi d’un enfant.

- Je suis juste pragmatique, je choisis le moyen le plus direct pour m’en sortir.

- Tu comptes aussi vérifier si la technique de l’otage pour repartir sain et sauf fonctionne ?

- Exactement.

- Jusqu’à aujourd’hui, déclara Ayanami avec mépris, je n’ai vu ce procédé avilissant que chez les pirates. »

Il réalisa ce qu’il venait de dire. Et comprit qu’il avait découvert la véritable identité du précepteur. Celui-ci lui adressa un drôle de regard.

« ‘‘Je suis sûr que le coupable rôde dans les parages’’ ? cita le jeune homme. ‘‘Il est évident qu’il va chercher à rejoindre les pirates en premier lieu, si ce n’est pas déjà fait’’ ? Tu t’es bien amusé.

- Je voulais me divertir avant la fin.

- Parce que tu crois que je vais te laisser partir ?

- Pense à ce pauvre garçon. » rétorqua le pirate d’un ton narquois.

Quel fourbe, se dit le militaire, d’abord il essaye de me lancer sur une fausse piste en racontant que sa priorité est de rejoindre les siens, et ensuite il inclut des gens qui n’ont rien à voir, mais que je ne peux me permettre de perdre.

Il prit une inspiration et demanda :

« Bien, quelles sont tes conditions ? »

L’autre parut surpris.

« Que me caches-tu ? voulut-il savoir.

- Rien. Tu as ma parole que je ne tenterai rien. Si tu ne fais pas de mal à Ilyusha.

- Que vaut la parole d’un soldat ?

- Sûrement plus que celle d’un pirate. »

Johannes réfléchit un instant, puis déclara :

« Bon, nous avons un accord. Je laisserai l’enfant une fois que je serai en sécurité. Maintenant, pose ton épée sur la table et écarte-toi. »

L’officier agit ainsi.

« Et pas de zaiphon. » ajouta le précepteur.

Son adversaire acquiesça. Il échangea un regard avec le jeune soigneur, qui paraissait assez incertain, ne sachant s’il devait être rassuré. Pendant que le pirate commençait à partir avec l’enfant, l’adjudant contacta mentalement son Begleiter. Il ne s’agissait pas vraiment de zaiphon, mais plutôt d’un lien d’une autre nature, qu’il employait par habitude.

Yukikaze, rejoins-moi maintenant avec ton épée.

Il sentit la surprise de son subordonnée, mais ce dernier ne posa pas de questions. Le jeune homme lui transmit une image de la situation.

Certes, apprécia le Begleiter, donnez-moi juste trente secondes et j’arrive.

Le criminel lui jeta un regard suspicieux. Alors qu’il allait franchir la porte, une lame l’arrêta. Il sursauta et para de son couteau. Ilyusha en profita pour lui échapper et se réfugier auprès d’Ayanami. À présent, Yukikaze se tenait face à Johannes. Un duel s’engagea entre les deux hommes. Le pirate combattait avec des coups vifs et vicieux, cependant le style du Begleiter n’avait rien à lui envier.

« Tu te bats comme un garde du corps. fit remarquer le hors-la-loi.

- Peut-être ai-je été formé ainsi. répondit le soldat.

- Tu es trop conventionnel, ajouta le meurtrier, je n’aurai pas de difficultés à te battre.

- J’aimerais bien voir ça. » s’amusa Yukikaze.

Et il attaqua de plus belle. Fort heureusement la salle était grande. Ilyusha, qui assistait à l’affrontement avec Ayanami, leva le regard vers celui-ci et demanda :

« Vous ne l’aidez pas ?

- J’ai donné ma parole à Johannes, sourit le jeune homme, je n’interviendrai pas. Et puis je laisse Yukikaze s’amuser un peu. »

La confrontation prit rapidement fin. Le Begleiter porta un coup presque fatal à son ennemi, qui s’écroula.

« Le style conventionnel a toujours été une valeur sûre. » observa-t-il d’un ton léger.

Les deux autres le rejoignirent et Ayanami lui donna un mouchoir pour qu’il essuie sa lame.

« Merci. » dit l’épéiste.

À cet instant, ils entendirent une exclamation horrifiée. Tous trois se tournèrent vers la porte de la cuisine. Eva se tenait devant eux, plus pâle encore que d’ordinaire.

« Mais que s’est-il passé ? questionna-t-elle d’une voix blanche.

- Ne vous en faites pas, la rassura l’adjudant, la situation est sous contrôle. »

Il jeta un regard au pirate qui avait perdu conscience.

« Et je crois que nous vous devons quelques explications… » compléta Yukikaze avec un sourire d’excuses.

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