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Le soleil s’était levé depuis quelques heures. Les deux militaires avaient fait leurs bagages et venaient de déposer leurs valises dans l’entrée.

« Nous avons quelques minutes avant le passage de la navette, déclara Yukikaze, allons dire au revoir à Lieva et Ren. »

Ils suivirent un couloir, un escalier, et un corridor, et arrivèrent aux appartement de la jeune fille. L’officier toqua à la porte. Ils attendirent, un peu plus que de coutume, puis on vint leur ouvrir. Ils se retrouvèrent face à Eva, qui paraissait soucieuse et avait les traits tirés. Elle les identifia et tenta un sourire.

« Vous repartez ? commença-t-elle.

- En effet, confirma le Begleiter, mais quelque chose ne va pas ? »

La femme réarrangea machinalement son chignon, mais quelques mèches brunes persistaient à s’en échapper.

« Lieva est tombée malade. annonça-t-elle.

- Est-elle en état de nous recevoir ? s’enquit Yukikaze.

- Pas vraiment… »

Un temps passa.

« Pouvons-nous tout de même la voir ? questionna Ayanami.

- Vous soupçonnez une cause non naturelle ? devina son compagnon.

- Peut-être. »

Le jeune homme vit au regard d’Eva qu’elle avait suivi le même raisonnement.

« Entrez. » dit-elle.

Ils passèrent dans un petit salon, puis la suivirent jusqu’à la chambre de Lieva. Ils entrèrent discrètement afin de ne pas la déranger. Des rideaux bleu roi occultaient la fenêtre, laissant régner une douce semi-pénombre. Ils s’approchèrent du lit, à l’autre bout de la pièce. La jeune fille paraissait dormir, mais son visage était légèrement crispé et sa respiration difficile. Sa mère prit place sur une chaise à côté d’elle et déclara :

« Quand je suis venue la réveiller tout à l’heure, elle était brûlante de fièvre. Je ne sais pas si elle est consciente.

- Me permettez-vous de vérifier l’origine de son état ? demanda l’adjudant.

- Je vous y autorise. »

Il activa son zaiphon. Les caractères d’énergie planèrent au-dessus de la jeune fille, illuminant légèrement la chambre. Il sonda un instant, puis cessa d’utiliser son pouvoir.

« Alors ? voulut savoir son subordonné.

- Poison. »

Un lourd silence fit suite.

« Il lui faut un médecin. énonça Eva.

- Où se trouve le plus proche ? interrogea le Begleiter. Je peux aller le chercher.

- Il me semble qu’il n’y a que les docteurs de l’hôpital à l’autre bout de la ville, cependant je pense que la famille Krat, qui habite à quelques rues d’ici, pourrait peut-être nous aider.

- La God House ? s’étonnèrent les deux autres.

- Oui, confirma-t-elle, ils sont des soigneurs réputés, et les vertus des plantes auxquelles ils ont recours sont indéniables.

- Je vais leur demander de l’aide. » décida Yukikaze.

Il s’apprêtait à partir mais son supérieur l’arrêta d’un signe de main.

« Mieux vaut que ce soit moi, affirma Ayanami, car j’ai analysé ses symptômes. De plus, tu es un meilleur épéiste que moi, et cela pourrait se révéler utile si une menace surgissait. Reste à veiller sur elles, je ne serai pas long. »

Son aîné acquiesça. Après avoir demandé l’adresse à Eva, l’adjudant quitta l’appartement et sortit de la propriété. Une fois dans la rue, il se mit à marcher à pas vifs afin de rejoindre la maison. Il parvint à une bâtisse d’apparence modeste mais agréable, entourée d’un grand jardin, et prolongée à l’arrière par une impressionnante véranda.

Voilà donc à quoi ressemble une God House. constata-t-il.

Il sonna et un domestique vint lui ouvrir. Celui-ci le conduisit jusqu’à une antichambre assez spacieuse et lui demanda de patienter. De ce qu’il en avait vu, la propriété était plutôt simple, et cependant fort accueillante. On pouvait sentir que ses habitants appartenaient à un milieu aisé tout en vivant dans une atmosphère détendue. Alors que le visiteur établissait ces considérations, la porte d’ouvrit et chef de la famille fit son entrée. C’était un homme de haute taille, aux cheveux gris et au regard sérieux. Après les salutations d’usage, Ayanami exposa le motif de sa visite. L’homme demeura songeur un instant, puis déclara :

« Je pense savoir quel remède il lui faut. Venez avec moi, je vais le préparer et ensuite nous partirons. »

Ils quittèrent la pièce, descendirent d’un étage, et entrèrent dans la véranda. Il s’agissait en fait d’une gigantesque serre, au sein de laquelle s’épanouissaient des myriades de plantes. La plupart d’entre elles étaient des fleurs, de toutes les tailles, formes et couleurs, mais s’y trouvaient également des cactus et plantes grasses de diverses espèces, des arbres variés portant toutes sortes de fruits, ou encore des lianes courant le long de la structure de verre et de métal. Les deux hommes suivirent une allée au sol de bois, et arrivèrent à ce qui ressemblait à un atelier. Adossée à un mur végétal, une grande table accueillait divers outils et ustensiles. La majorité des récipients laissait voir leur contenu coloré et souvent indistinct. Quelques tiges, pétales ou feuilles étaient répartis plus ou moins aléatoirement, prêts à s’envoler au moindre courant d’air.

« Je vais vous demander de patienter quelques minutes, l’informa son hôte, le temps que je prépare la base du contre-poison. »

Le militaire acquiesça. Alors que l’autre s’affairait, il laissa son regard errer, parcourant le décor. Il était impressionné par la profusion de ces créatures de sève dont il ne connaissait pas la moitié. Et dire qu’à partir d’elles il était possible de guérir de nombreux maux… Il remarqua, dans une autre allée, un jeune garçon soignant des plantes. Celui-ci paraissait absorbé par ce qu’il faisait, taillant un végétal semblable à du liseron. Il se mit sur la pointe des pieds pour atteindre une branche haute, puis rangea son outil dans un sac posé à terre. Il épousseta un peu ses vêtements, et se tourna vers l’officier, sentant son attention portée sur lui. Il le considéra d’un air dénué d’animosité. L’enfant devait être âgé de dix ou douze ans, mais quelque chose dans son apparence lui donnait un air mature, presque adulte. Son visage à l’expression sereine s’accordait avec ses grands yeux violets, lui conférant un doux regard. Ses cheveux blancs aux reflets améthyste ondulaient légèrement, et étaient ramenés en catogan sur sa nuque au moyen d’un ruban noir. Il portait d’élégants vêtements de couleur claire, et sur sa veste était fixée une broche argentée sertie d’une labradorite. Le contact visuel dura quelques instants, puis le garçon retourna à ce qu’il faisait. Il s’occupait des plantes avec des gestes précis, et ses mains agiles évoquaient des papillons voletant de feuille en fleur. On sentait qu’il était à sa place ici, au milieu des végétaux, à les entretenir et associer leurs essences. C’était comme si la beauté du cadre mettait en valeur sa candeur naturelle. Il semblait en harmonie complète avec ce lieu.

Ayanami reporta son attention sur le soigneur, qui terminait sa préparation. Il versa un liquide irisé dans un flacon et le rangea dans une mallette qu’il sortit de sous la table. Il y ajouta également quelques substances et la referma. Il se tourna vers son visiteur et annonça :

« Nous pouvons y aller, mais il me reste juste un détail à régler. »

Il prit sa mallette, puis appela :

« Ilyusha ! »

L’enfant laissa son activité et les rejoignit.

« Qu’y a-t-il, mon oncle ? s’enquit-il.

- Je dois m’absenter un moment, peux-tu t’occuper de la maison ?

- Bien sûr. Je resterai ici avec Lem et Lirin. »

Son regard se porta sur un point un peu plus loin.

« D’ailleurs, les voilà. » ajouta-t-il.

Deux autres enfants, plus jeunes que lui, accoururent, et après avoir salué l’oncle s’adressèrent au neveu.

« Ilyusha ! s’exclama la petite fille. Mes vers à soie ont commencé à produire, il faut que tu voies ça !

- Et j’aurais besoin d’un conseil pour mon aloe ; renchérit l’autre garçon, vraisemblablement son grand frère ; je crois qu’elle se dessèche. »

Le jeune jardinier sourit et répondit :

« j’ai hâte de voir ça, Lirin. Et ne t’en fais pas, Lem, je suis sûr que nous allons sauver ta plante. Allons-y. »

Et les trois enfants s’en allèrent. Les deux adultes les regardèrent s’éloigner, puis le plus âgé déclara :

« Il est aussi temps pour nous de partir. »

Ils quittèrent la maison. Tout en marchant, ils échangèrent quelques mots.

« Ils ont l’air de bien s’entendre, tous les trois. fit remarquer le militaire.

- En effet, confirma l’autre, ils sont amis depuis leur plus tendre enfance, et passent tout leur temps ensemble. J’aimerais qu’il en soit toujours ainsi…

- Que voulez-vous dire ?

- Excusez-moi, cela m’a échappé. »

Le soigneur garda le silence quelques secondes, puis reprit :

« Lirin est malade, et aucun remède n’existe à ce jour pour elle. Son frère a du mal à l’accepter, et Ilyusha se fait du souci pour elle, même s’il ne le dit pas. Il refuse l’évidence et s’obstine à chercher une solution. Il agit comme si sa propre vie était en jeu. Et encore, le connaissant, je sais que mon neveu accorde moins d’importance à son existence qu’à celle des autres qui lui sont chers. »

L’officier était surpris que cet homme se confie si facilement. Ses soucis devaient lui peser bien plus qu’il ne le laissait deviner. Il parlait presque avec détachement, mais ses yeux trahissaient sa tristesse. Il conclut, d’une voix un peu altérée :

« Je crains que, lorsque l’inévitable se produira, Ilyusha n’en souffre beaucoup, en tout cas plus que s’il n’avait rien tenté. »

Le silence s’établit après ces mots. L’homme paraissait perdu dans ses pensées, et l’adjudant réfléchissait à ce qu’il venait d’entendre. Il ne se serait jamais douté de ce drame en voyant le lumineux portrait de tout à l’heure. Ils parvinrent finalement à la demeure des Midori. Ils se rendirent le plus vite possible au chevet de Lieva. Son état n’avait pas évolué. Le soigneur l’ausculta, modifia la composition du remède, et le lui administra. Il regarda tous ceux présents dans la pièce – Eva, Yukikaze, Ayanami, et Johannes et Ren que l’on avait prévenus –, et annonça :

« Les effets ne seront pas visibles tout de suite. Pour l’instant il lui faut du repos. Je lui ai donné un antipoison basique, car pour fabriquer un contre-poison efficace il me faudrait un échantillon de ce qu’elle a ingéré. Je repasserai demain pour constater les changements de son état, et préparer au besoin un nouveau remède. »

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