L'attente

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Laureen arriva à l’entrée du  parc à onze heures trente précises.

Elle tourna à gauche, et s’engagea dans une allée bordée de roses rouges aux subtiles fragrances, son endroit habituel. Elle appréciait cet emplacement un peu à l’écart, où elle pouvait s’installer sur un banc et rêvasser.

Rêvasser, ça oui, elle savait  faire. Heureusement, se dit-elle, sinon comment ferait-elle pour continuer à vivre, si elle n’avait pas de rêves ? La vie était trop dure, entre les tâches quotidiennes et la monotonie qui était tombée sur son existence solitaire, comme une chape de plomb qu’elle avait de plus en plus de mal à supporter.

En soupirant, elle s’assit et posa son sac près d’elle. Il faisait frais en ce samedi du mois de juin, mais le soleil qui depuis ce matin jouait à cache-cache, brillait à présent et les piaillements des oiseaux près d’elle étaient comme une douce mélodie, un baume sur son cœur. Elle était douloureusement mélancolique.

Elle avait toujours aimé Hyde Park : toute petite, sa mère l'y avait amenée en compagnie de sa soeur et elle avait conservé, entre autres, le souvenir de longs moments à guetter et tenter de s'approcher de ses amis les écureuils.

Mais elle aimait surtout ce parc parce que c’est là qu’elle l’avait rencontré.

Il était venu s’asseoir sur un banc à quelques mètres d’elle et il avait ouvert un livre, sans faire aucunement attention à elle. Elle l’avait alors étudié  à la dérobée : brun, mince, élégant. Mais très vite, elle s’était détournée et avait déballé son sandwich avec la ferme intention de ne pas se laisser distraire par cet homme. Et elle avait regardé droit devant elle tout en mâchant consciencieusement son pain, puis elle s’était plongée dans le tout nouveau roman qu’elle venait d’acquérir.

Un léger bruit l’avait fait lever la tête. L’homme s’était redressé  et s’en allait. Il passa devant elle sans la voir. Elle vit alors un objet sur le banc qu’il venait de quitter : c’était un gant de cuir noir. Elle le prit et courut après l’homme.

– Monsieur ! Vous avez oublié ceci !

C’est ainsi que tout avait commencé.

Il lui avait effleuré la main en prenant le gant et elle avait reçu comme une décharge électrique. Elle n’avait pu s’empêcher de regarder sa main. Il avait des doigts effilés, des doigts d’artiste. Et en levant la tête vers lui, elle avait rencontré des yeux bleu-gris, mystérieux et attirants. Il lui avait alors souri chaleureusement en la remerciant, lui brisant le cœur. Puis, il s’en était allé.

Voilà pourquoi elle était assise à cet endroit aujourd'hui.

Et depuis ce jour de juin, elle y revenait régulièrement : une fois par mois, toujours un samedi. Toujours à la même heure. Au même endroit. Quel  que soit le temps, sauf cas de force majeure évidemment, ce qui ne s'était produit que deux fois.

Et elle l’attendait. Cet homme qu’elle aimait. Elle désirait lui offrir tout son amour. Elle ne désespérait pas de le revoir un jour.

D'un geste tremblant, elle repoussa une mèche de ses cheveux grisonnants. Quelques rides sillonnaient le front de son visage pourtant attrayant. Oh oui, elle l'attendait !

Cela faisait vingt ans aujourd'hui.

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