Chapitre 43: "Neuf"

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La Vie disparut en neuf jours.

L'oubli prit place en neuf mois.

Le silence régna pendant neuf ans.

Et au bout de neuf siècles...

Un énième homme naquit.

...

9 septembre de l'an ????:

Les généraux étaient tous présents, sans exception. Dernièrement, aucun signe de faiblesse n'avait été détecté. Pourtant, le monarque affichait un air sombre, le même visage que celui qu'on possède lorsqu'une décision importante et sans précédents doit être prise. Un air de mauvais augure. Autour de la table, tout le monde l'avait compris: le royaume court un grave danger. Imminent, et sans commune mesure. Dans l'ombre s'agitaient les pensées, vagabondes, des neuf grands mages, confus, ne sachant pas comment réagir. En voyant leur souverain, ils n'en savaient déjà que trop.

- L'Antre, prononça lentement le roi.

Le silence se fit dans l'assistance, tous les regards se dirigèrent vers le vieil homme qui, de manière évidente, peinait à trouver ses mots. "L'Antre". Personne ne voulait en entendre parler. Mais il le fallait. Quoi qu'il puisse arriver, chaque humain réuni aujourd'hui dans cette salle était prêt à faire ce qu'il faudrait. Désormais, il n'y avait plus qu'à rétablir la vérité.

- L'Antre...

Un homme se leva brusquement de son siège et frappa du poing sur la table de manière à attirer l'attention. Son visage, aux traits fins et géométriques, sa chevelure, tel un fleuve doré semblant s'écouler à l'infini, et sa moustache, formant des tourbillons tumultueux faisaient émaner de lui une sorte de charisme subjuguant, une aura de finesse et d'intelligence exceptionnelles. Il leva bien haut son chapeau haut-de-forme. Celui-ci, d'un noir de jais, contrastait avec le portrait de l'homme. Il s'agissait de la neuvième clé, scellant le dernier fléau, celui de l'Oubli:

La clé de la Connaissance.

- Il y a un traître parmi nous, s'exprima-t-il sans une seule once d'émotions.

Un traître...

Mais de quoi parle-t-il ?

Et l'Antre, alors ? Que s'est-il passé ?

Un traître ? Qui ça ? Où ça ? Quand ça ?

Tsss... N'importe quoi.

Des paroles en l'air.

Cet idiot n'a de connaissance que l'appellation.

- Savez-vous quelle est la chose la plus ignoble ? reprit-il. Être sans coeur avec ceux qui nous considèrent comme compagnon, ami, frère, amant, et leur avoir menti pendant des années ? Non. Trahir le monde entier pour exaucer sa destinée ? Non. Sacrifier l'existence même pour accéder... au plein pouvoir ? Vous n'y êtes toujours pas. Ce qui défie la morale, ce qui brûle l'âme à sa source, qui corrompt la chair, détruit l'esprit, immole la vie...

C'est l'Ignorance.

Silence.

- Qu'est-ce que tu crois faire, imbécile ? C'est bon, tu en as fini avec tes conneries qui n'amusent que toi ? Tu es fou, complètement fou. Tu... TU... Je vais t'étrangler, t'étriper, te lacérer, répandre tes entrailles aux quatre coins de cette pièce ! Je vais détruire, TE détruire. JUSQU'À CE QU'IL NE RESTE PLUS UNE SEULE PARTICULE DE TON CORPS, AUCUNE TRACE DE TOI DANS CE MONDE, JUSQ'À CE QUE TU DISPARAISSE, OUI, QUE TU DISPARAISSE ! MEURS ! MEURS ! MEURS ! MEURS !!!!!!!!!!

Sur ces mots, la clé de la Détermination s'effondra à même le sol, parcourue de spasmes, sa bouche tordue dans un rictus dérangeant et ses yeux remplis de hargne toujours fixés sur l'homme au chapeau, pupilles dilatées à l'extrême, d'un noir profond, comme des trous noirs avalant tout ce qui s'approcherait trop près.

Sous le regard troublé de l'assemblée en état de choc, l'ombre du cadavre fut prise elle aussi de convulsions, tournoya au-dessus de la table, se tordant dans tous les sens, puis se métamorphosa et fit apparaître deux silouhettes.

Un homme et une femme.

Cette dernière, d'origine asiatique, arborait un étrange sourire distordu aux dents d'un blanc éclatant. Ses yeux du même noir que celui de l'homme à présent bel et bien mort semblaient fixer le vide derrière la petite ombrelle rouge écarlate qui couvrait une partie de son visage.

L'autre, quant à lui complètement dévêtu, devait faire dans les deux mètres de haut. Son visage, dévoré par la rage, n'était plus qu'un masque de chair. C'était comme si chacun de ses mouvements, faits et gestes respiraient la colère la plus intense. Ses muscles, de proportion inhumaine, donnaient l'impression qu'il pourrait broyer n'importe qui sans aucun effort, ne serait-ce que d'un regard.

Des cris se firent entendre, des explosions de crainte, de peur, de terreur.

- Le traître...

Le silence ne parut que trop long.

- Ce n'est pas moi, mais bien celui qui nous regarde depuis là-haut sans rien faire.

- Tu ne peux pas partir comme ça, s'exclama la clé du Calme. Tu nous dois des explications. Tu ne t'en tireras pas sans rien, tu peux me croire.

- Pourquoi as-tu libéré les fléaux ? Tu veux déclencher une nouvelle apocalypse ? Le monde est-il trop superflu pour que tu t'en préoccupes ? continua la clé de la Sécheresse.

- Vous ne comprenez pas ? La Connaissance EST la clé ! Voyez-le par vous-même ! En ce moment, que faites-vous ? Vous cherchez à savoir ! Savoir pour ne pas être le seul, savoir pour se sentir vivant. L'Homme est avide de connaissance.

Mais je n'en ai pas assez... Nous n'en avons jamais eu assez. Pourquoi ? Est-il seulement possible de tout connaître ? Je ne le sais pas encore, et c'est justement là qu'est le problème. Je suis prêt à tout, absolument tout pour l'omniscience. Et vous, n'êtes que d'insignifiants pions dans le plan de la Chose, "Lui", celui qui nous a conçu.

L'homme se retourna, et... disparut.

Laissant seulement derrière lui... l'Existence

...

La Vie disparut en neuf jours.

L'oubli prit place en neuf mois.

Le silence régna pendant neuf ans.

Et au bout de neuf siècles...

Un énième homme naquit.

Mais ce n'est qu'au bout de neuf milliards d'années que la boucle cessa de tourner.

L'histoire arrêta de se répéter, s'immobilisa, le destin interrompit sa course au bout d'un chemin sans issue.

Et le temps se figea.

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