Chapitre 31: Le récit (partie 4: Disparitions)

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- Le jour d'après, une réunion de crise s'imposa. Des abris allaient être construits pour se protéger de la marée. Car bien sûr, ce n'était pas fini. L'océan n'avait pas terminé d'abattre sur nous la colère de ses flots tumultueux. Non, en aucun cas il ne pensait se retirer, maintenant qu'il était sûr de nous réduire à néant. Et la journée fut longue, entre les fausses joies, les cris, les pleurs à chaque nouveau corps découvert. Nous avions, en ce premier jour, dénombré pas moins de 1200 victimes, et autant de tombes à creuser. Ce n'est qu'à la tombée de la nuit que les recherches furent abandonnées. Demain, on retrouverait les disparus, en priant pour qu'ils soient encore en vie. Seulement une nouvelle besogne fut à accomplir. Les réserves de nourriture avaient été dévastées par le sinistre ouragan, et les lignes téléphoniques étaient toutes hors-service. Aussi, des messagers furent envoyés dans les villages voisins pour prendre des nouvelles. Les seuls véhicules encore en état de fonctionner avaient été réservés pour cette mission et l'attente fut longue, même bien plus longue qu'on aurait pu le penser. Longue, longue, longue, longue... Et j'y repense encore aujourd'hui. Nous étions tous agglutinés dans la salle du conseil, désormais à ciel ouvert, la pluie nous tombant ingratement sur le visage, venant rejoindre la rivière de nos larmes. Blottis les uns contre les autres, les chaises éparpillées aux quatre vents, je ne connaissais personne, et pourtant, je les connaissais tous. C'est là que je l'ai rencontré, Amir. Assis en face de moi, il était le seul homme à qui le désespoir ne rongeait pas le visage. Sa femme était morte. Du moins, nous ne le savions pas encore ce jour-là, mais elle faisait partie des visages sur le mur, un parmi tant d'autres. Et le ventre criant famine, nous avons discuté toute la nuit, parlé encore et encore, espérant soulager nos âmes.

Les messagers n'étaient toujours pas revenus.

Le sommeil gagna le camp improvisé, fermant les paupières qui n'avaient que trop pleuré. Les étoiles brillaient dans le ciel, plus étincelantes que jamais, venant narguer les infortunés que nous étions. Et nous discutâmes toute la nuit Amir et moi, trouvant notre seul réconfort dans le soutien précaire que nous pouvions nous apporter mutuellement. Nous nous sommes à notre tour endormis, trop fatigués pour continuer notre conversation.

C'est le lendemain que la terreur commença à se ressentir. Car les ennuis n'arrivent jamais seuls.

Les messagers n'étaient toujours pas revenus, ils ne reviendraient pas.

J'en ai eu la certitude lorsque je me suis réveillé ce matin du 11 septembre. Je l'ai ressenti au plus profond de moi, le désastre ne faisait que commencer et il avait encore plein de choses à nous montrer.

J'ai été réveillé par des cris, encore des cris. Pendant la nuit, neuf personnes avaient disparu. Neuf nouvelles personnes. Les recherches reprirent de plus belle, mais aucun corps ne fut retrouvé, aucun. La montagne de cadavres dans ma tête, elle, ne faisait que s'agrandir. Pendant les battues, deux choses retinrent mon attention. Des choses qui ne pouvaient être vraies, et qui pourtant, se présentaient à mes yeux comme des évidences.

La forêt s'étendait à droite et à gauche des sentiers, encore debout et majestueuse. Sur les chemins de boue à peine séchée, aucun arbre déraciné, pas un seul rameau de branche venant obstruer la voie, et pas non plus de cadavre animal. Les bois, intacts, n'avaient aucunement subi le courroux de la tempête. Et comme pour accentuer mon sentiment de malaise, les voix n'avaient jamais été plus fortes que dans ces journées de recherche, se faisant de plus en plus distinctes, m'implorant à chaque pas de m'enfoncer dans les étendues sauvages de la sinistre forêt. Mais cela m'était interdit. Le doyen avait formellement déconseillé à quiconque de pénétrer les clairières boisées de l'île, sans jamais expliquer pourquoi.

La deuxième chose qui avait retenu mon attention était cette maison, la maison parmi les décombres. Aucune brèche dans son habitacle, les fenêtres toujours accrochées dans leurs cadres de bois. Et la porte fermée et verrouillée de l'intérieur. Je n'avais pas été le seul à être intrigué. Nous avions attendu un quart d'heure durant autour de la demeure, appelant sans succès, se rendant bien vite compte que personne n'y habitait encore. Et pourtant, j'y avais aperçu une lumière, "sûrement juste une hallucination", m'étais-je dit. À vrai dire, rien n'était clair dans mon esprit, j'avais d'ores et déjà commencé à sombrer dans la folie...

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