Fin

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PL : 2

Je partis donc avec eux. Les invités s'étaient dispersés, affolés, et je savais que la rumeur allait se répandre comme une traînée de poudre. Heureusement, ils ne m'avaient pas vu transformée, et grâce à la téléportation des démons, nous nous retrouvâmes à l'endroit où, il y a très peu encore, s'étaient trouvés le duc et la duchesse en fuite.

J'espérais vivement que cette histoire n'allait pas mal finir pour nous...

Les ruelles désertes dans lesquelles nous nous téléportâmes appartenaient à un village abandonné depuis longtemps ; mais lequel ? Nous semblions être déjà hors du royaume. Quoiqu'il fasse nuit, mes yeux y voyaient parfaitement bien. Je regardai Louis, inquiète, mais il paraissait nous suivre sans trop de difficulté. Célébi, juste derrière, gardant une certaine distance, fermait la marche.

"Je les sens proche, dit-il soudain, nous mettant en garde. Ils vont sans doute nous tendre un piège.

- Ils savent que tu leur as posé un sceau temporel ? demanda Louis, à voix basse.

- Oui, très certainement. Tenous-nous prêts."

Un animal s'enfuit à notre approche. Je sursautai, mais Louis me rassura avec ces mots :

"Ne t'inquiète pas, Sahara, nous sommes puissants. 5 démons contre deux sorciers ? Tout ira bien."

Mais je ne le sentais pas si certain, néanmoins, ne voulant pas peser sur notre groupe, hochai seulement la tête. Je ne voulais pas non plus préciser que moi aussi, j'étais un démon à présent...

"Attention !" prévint brusquement l'une des jumelles, nous faisant tressaillir. Une barrière bizarrement obscure nous entourait. Je crus un instant qu'il s'agissait d'un effet d'ombre, mais apercevant mes compagnons se resserer et passer en défensive, je compris que les sorciers nous attaquaient.

Un bras de cette barrière se glissa jusqu'à la taille de Louis qui fut emporté loin de nous. Je me lançai à sa poursuite et ce fut le chaos le plus total. Mes pieds tombèrent bientôt à travers un faux sol qui m'engloutit. Célébi se téléporta à l'endroit même où il percevait ses cibles avant que celles-ci ne referment totalement leur piège, laissant la famille des démons de lune derrière, tentant tant bien que mal de ne pas succomber aux sortilèges de mort alors envoyés sur eux.

J'étais dans le noir absolu. Je m'étais fait mal et j'avais vraiment peur, je pouvais entendre des cris au-dessus. Le sol était en marbre, me semblait-il au toucher. Où donc avais-je atteri ?

J'avançais en tâtonnant, trébuchant, percevant soudain une lumière et m'y dirigeant immédiatement. J'aperçus une petite lampe posée sur une vieille table en bois, un sol couvert de paille, quelques couvertures rapiécées ou trouées et... une vache endormie. Oups, mieux valait ne pas la réveiller. Elle ne me sentit pas du tout alors que je passais à côté d'elle en priant pour ne pas qu'elle s'agite, et je me demandai s'il ne s'agissait pas de mes nouveaux pouvoirs démoniaques. Je secouai la tête à cette idée, effrayée par ce mot.

A bien y songer, ces démons ne semblaient pas si méchants. Les sorciers l'étaient bien plus. Cette famille voulait être réunie, je trouvais cela normal, quant au père, il avait dû manger beaucoup d'humains à cause de ses geôliers. Peut-être ne tuaient-ils pas à tout va lorsqu'ils étaient en liberté ?

Repoussant ces pensées, je parvins à une échelle vermoulue que j'empruntai précautionneusement, mais elle se rompit sous mon poids, causant un grand fracas. La vache se releva, meugla, je déglutis et fis un bond, me retrouvant brusquement au-dehors de cette étable-cave, passant par l'ouverture sans effort. Incroyable ! D'une seule poussée des jambes !

Je pus voir que j'étais à l'intérieur d'une grange. Les portes n'étaient pas bien refermées, je m'aventurai donc jusqu'à l'interstice et observai la scène extérieure sous une lune guère éclairante. Je devais être derrière le lieu du combat, car les cris ne me parvenaient que peu. Le remue-ménage causé avait toutefois attiré l'attention des sorciers et je tombai nez à nez avec la duchesse qui leva un bras menaçant. Sans comprendre, je me protégeai le visage, recevant un coup glacial par-dessus. Lorsque j'observai mon bras, il paraissait tout carbonisé à la surface !

"Aaaah ! Qu'est-ce que vous m'avez fait !"

Je partis en zigzagant et percutai le duc qui venait là, ne s'attendant pas à une telle attitude de la part d'un démon. Le maintien de la barrière en fut affaibli et la famille put se libérer, tandis que Célébi revenait avec Louis évanoui. Je ne réfléchis pas et m'applatis sur le duc de tout mon poids, le plaquant au sol. La duchesse, percevant le vent tourner, fit demi-tour dans l'espoir de réchapper au démon temporel lançant un de ses mystérieux sorts, que je ne percevais d'ailleurs que par la luminescence de son corps. Je ne pouvais croire que l'expédition rentrerait victorieuse grâce à ma maladresse et mon poids.

Eh bien si. Comme quoi, agir de façon inattendu peut troubler bien des êtres, puissants ou non.

"Louis va bien ? soufflai-je à Célébi alors que nous étions rentrés proche de l'ancien manoir des Du Pinson par téléportation. Ici, pas de risque qu'on nous repère, nous étions dans le labyrinthe (le fameux labyrinthe où des passages avaient été magiquement créés pour faire arriver les invités piégés, directement sous le nez du démon mangeur d'humain) et les invités s'étaient égaillés, très effrayés. Toutefois, il me fallait des preuves, car l'avenir des Du Pinsons serait entièrement pris en charge par ceux qu'ils avaient piégés... Je ne préférais pas imaginer quel sort leur était réservé.

"Il va bien", me rassura le démon temporel, intrigué par ce que j'étais devenue, et en même temps agissant comme s'il s'y attendait depuis longtemps.

"Il a seulement perdu beaucoup d'énergie, il a besoin de repos, ajouta-t-il.

- Oh, ouf, je vois. Je dois... ah... Je ne peux pas rentrer sous cette apparence. Ma vie au château est finie. Au moins, je dois prendre les liqueurs stockées par le duc et la duchesse afin qu'elles soient analysées. J'enverrai ceci par Louis.

- Alors, c'est ce que tu décides ? intervint Delbel, venant à mes côtés et écartant Célébi qui grogna.

- Décider... de quoi ? m'inquiétai-je.

- De prétendre être morte et vivre avec nous.

- Quoi ?! Mais... mais ma mère, et Elisa, et Adeline, et Louis...

- Louis saura que ce n'est pas vrai, il pourra te rendre visite de temps en temps lorsque tu retourneras chez les mortels. Mais les autres... ce ne serait pas prudent qu'ils sachent.

- Oh..." Je baissai la tête, des larmes dans la gorge. Ma mère, ma chère mère que je voyais si peu...

"Peut-être qu'on pourrait juste dire que j'ai disparu ? Le jour où je retrouverai mon apparence, je reviendrai.

- Si tu veux, avança Célébi dubitatif, mais il me semble que tu n'étais guère aimée au château. Personne ne t'accueillera avec bonheur.

- Si, ma mère et... au moins Adeline", réfutai-je, très chagrine. Mais il n'avait pas tout à fait tort. Et puis, je voulais plutôt sortir ma mère de sa vie en tant que concubine. Célébi devina mes pensées :

"Ton frère m'a donné plus de vie que nécessaire pour le contrat que nous avons signé cette fois, je peux bien t'aider pour cela.

- Un contrat, quel contrat ? le regardai-je, effarée.

- Je suis un démon du temps, je prends un certain nombre d'années de vie aux humains en échange de ce qu'ils souhaitent. Par deux fois il m'a demandé : pendant la guerre pour sauver un ami et se sauver lui-même, ainsi qu'aujourd'hui pour te sauver toi. Mais cela a été si facile... grâce à toi, d'ailleurs. Je peux bien lui offrir un peu de mon temps, pour une fois."

Je restai bouche-bée : pas étonnant que Louis ait eu l'air si jeune ! Il n'avait que peu à vivre à présent, et la moyenne d'âge s'ajustait en conséquence...

"Eh bien j'accepte cela, murmurai-je, si je pouvais vivre avec ma mère ailleurs, si elle m'accepte le temps que je trouve une solution...

- Très bien, je m'en occuperai", conclut-il.

Les jumelles, qui savaient parfaitement où se trouvaient les liqueurs, nous les apportèrent. Louis, qui s'était réveillé, fut mis au courant des affaires et me serra finalement fort dans ses bras, ne parvenant plus à faire le tour de ma taille. Il comprit et partit avec une voiturette créée par les démons, emportant avec lui toutes les preuves, tandis que la famille et moi-même nous téléportions loin d'ici, en un autre monde...

Seul Célébi, resté sur place, regarda vers le ciel, au-delà du manoir encore allumé, vers les étoiles, là où si peu des siens vivaient encore, songeant, peut-être, à sa solitude, et à quel point finalement la soirée avait été animée.

Le commerce des Du Pinson s'éteignit du jour au lendemain. Louis récolta les lauriers, ma mère pleura beaucoup, jusqu'à ce qu'elle reçoive un message secret, et, enfin, Elisa se mit à servir ma petite soeur. Les choses rentrèrent dans l'ordre, jusqu'à ce que ma mère et moi vivions loin de tout ceci, et jamais personne du royaume ne put nous retrouver.

FIN

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