Chaises musicales

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PL : 2

Affinité Elisa : 4/10

"Hmm... je t'attendais, Sahara", commença-t-elle une fois en face de moi.

Je marquai un mouvement d'hésitation. Vraiment ? Elle m'inspecta de la tête aux pieds, songeuse. Louis revint à moi, mais pas Elisa qui avait prétexté chercher quelques rafraîchissements. Espérait-elle vraiment en trouver sans maudit sortilège ? Je ne l'avais pas connu ainsi, mais je ne pouvais que m'en vouloir. Je souhaitais seulement qu'elle reste saine et sauve.

"Bien, je suppose que la fête peut véritablement commencer, maintenant que vous êtes là, Sahara", reprit-elle.

Je sentis Louis se raidir à mes côtés.

"Bonsoir, madame... ?" s'inclina-t-il légèrement.

Lui et moi nous étions entraînés longtemps afin que je renforce la magie de lune en moi et avions convenu d'un code lorsque je rencontrerais probablement mon contractant lors de la fête : mettre une main dans le dos, paume ouverte. Je l'aperçus très clairement et sentis mon coeur s'emballer.

"Delbel, vous devez être prince Louis...

- Je suis surpris que vous m'ayez reconnu, je ne suis pas au pays depuis longtemps", se redressa-t-il, la regardant sans faillir.

Elle gloussa, puis, sans répondre, se tourna vers les escaliers doubles du grand salpn : le duc et la duchesse s'y tenaient, attirant les regards. Ils firent leur petit discours habituel, mais je ne pus retenir un frisson lorsque leurs yeux se posèrent sur moi, deux secondes. Suffisamment pour penser que je les avais intrigués. Etaient-ils capable de percevoir ma magie ? Avaient-ils deviné que je les avais volés ?

Les domestiques jumelles s'avancèrent parmi nous, décrivant le jeu qui allait suivre pour tous les invités : des chaises musicales, arrangées au milieu du salon, à l'instant où elles terminaient leur discours, par un groupe de personnes partant aussitôt leur tâche terminée. Que manigançaient-ils encore ?

Les invités s'y dirigeaient déjà, attendant les premières notes, tout excités. Lorsque je regardai à mes côtés, la femme étrange, dite Delbel, avait disparu. Il y avait trop de monde pour que je puisse la repérer. Je fus soulagée de savoir Louis toujours là, mais il me fit déchanter:

"Je vais voir où elle est, quelque chose se trame. Elisa ne devrait pas tarder à te rejoindre, mais surtout, ne joue pas à ce jeu, d'accord ?"

Je hochai la tête, inquiète de le voir disparaître entre les gens. J'étais inexorablement poussée vers les chaises, alors qu'il me semblait parfaitement inconvenant, dû à notre classe sociale, d'être bousculé ainsi. Je repérai enfin ma servante, toute proche du jeu, et la hélai. Elle tourna la tête vers moi et je vis qu'elle n'était plus vraiment elle-même. Avait-elle bu ? Nous avions pourtant dissipé les effets de la liqueur grâce à la potion la dernière fois, elle ne pouvait en avoir eu envie !

Enfin, la foule se sépara entre ceux qui allaient jouer le premier tour et les autres. Je m'écartai comme je pus, jusqu'à ce que Delbel soudain surgisse à mes côtés, me chuchotant :

"Nous devons jouer et perdre. Personne ne peut y échapper. Si nous ne le faisons pas, nous serons repérés comme étant les seuls à ne pas subir leur influence. Ils sauront qui nous sommes. Jouons et perdons, Sahara, c'est notre seule change de survie. Nous devons les arrêter, nous avons conclu un pacte."

Je sursautai violemment.

"C'était donc vous, dans la forêt ?!" jouai-je, le sachant quasi sûrement.

Elle eut un léger rire et une mimique me l'avouant. Je grimaçai, pas du tout certaine d'être en sécurité. Elle le remarqua.

"Mieux vaut moi qu'eux, croyez-moi. Deux-cents ans qu'ils trafiquent pour leur commerce, et d'affreuse manière... Ils ont piégé un ami à moi, je me dois de le sauver. Faites-moi confiance."

Je pouvais bien essayer, grâce à mes efforts et ceux de Louis. Peut-être pourrions-nous ressortir victorieux de toute ces sombres histoires. Mais mon frère m'avait bien dit de ne pas jouer...

Le premier jeu terminé, trois perdants sur les douze de la première manche furent amenés dans une pièce annexe par les soubrettes.

"Un délicieux repas vous y attend ! précisèrent le duc et la duchesse, souriant. Quant aux gagnants, vous avez droit à une récompense de notre cru à chaque victoire ! N'hésitez donc pas à recommencer !"

Je sentais que mon tour n'allait pas tarder, et j'étais très inquiète. Il fallait perdre, pourquoi ? N'allions-nous pas simplement apprécier un bon repas dans l'autre salon ? Alors que j'en étais à ces réflexions, mon coeur rata une marche lorsque j'aperçus Elisa parmi le groupe de la seconde manche. Les musiciens jouèrent ; je la regardai tourner en dansant, figée, dans l'expectative de quelque chose que je ne pouvais deviner. Un sentiment d'urgence me poussait à la retirer de cette sinistre ronde, mais je ne pouvais le faire sans risquer de me dévoiler. Je devais... je devais la sauver!

Delbel me retint aussitôt par le bras, voyant que je m'approchai du groupe joueur.

"Non, surtout pas ! Pas maintenant, c'est trop tôt. Restez sage, bon sang ! Nous avons un contrat !

- Quoi ? m'insurgeai-je. Mais je ne peux pas la laisser ainsi, et s'il lui arrivait malheur ? Ce serait votre faute !

- Ma faute ? ricana-t-elle. Tout ceci n'est qu'une mascarade mise en place par ces fichus hôtes, pas par moi. Moi je viens pour sauver un ami. Bon, ne vous inquiétez pas, votre servante ne risquera rien.

- Est-ce une promesse ?

- C'en est une. Restez là, surtout ! Attendez votre tour."

Elle partit sur ces mots, me laissant me ronger les sangs, observant Elisa tourner et tourner encore... Je priai pour qu'elle gagne, mais cela ne voulait-il pas seulement dire que son supplice était rallongé? Je voyais tout en noir, maintenant, j'avais peur. A quoi me servait la potion si je ne pouvais l'utiliser?

Louis revint sur ces entrefaits. Il avait l'air passablement agité, comme moi sans doute.

"J'ai vu Delbel, tu l'as croisée ? demandai-je, chuchotant.

- Oui, rapidement. Elle m'a prévenu de me mêler de mes affaires. Que la peste l'emporte, si elle croit pouvoir m'imposer sa volonté !"

Je ne le sus pas, mais il ne me disait pas toute la vérité.

- Même si elle est ma contractante, et donc possiblement un démon de lune ? soufflai-je.

- Oui, gronda-t-il, je sais à quoi m'attendre. Enfin, que t'a-t-elle dit ?"

Je lui expliquai qu'il fallait que nous jouions au jeu et que nous perdions.

"Oh, je vois... ainsi nous serons à l'écart des autres le plus rapidement possible... et nous serons avec les jumelles pendant quelques instants.

- Qu'est-ce que les domestiques ont à voir là-dedans ?" l'interrogeai-je, surprise.

Il allait me répondre lorsque mon tour survint. Heureusement, mon frère me suivit et nous fûmes autour des chaises, attendant les premières notes. La symphonie nous lança au petit trot ; voyant les autres invités exécuter quelques pas de danse, je les imitai, espérant ainsi me fondre parmi eux. Le souci était que je percevais deux regards particulièrement perçants sur ma nuque. Je détestais ça. Très certainement les du Pinson. Enfin, la musique stoppa, tous se ruèrent sur les chaises, et nous finîmes, après une fausse tentative, hors jeu. Nous nous regardâmes, Louis et moi, inquiets de la suite des événements. Les jumelles vinrent à nous et nous amenèrent au salon. Enfin, comme nous passions la porte, les deux chuchotèrent :

"Prince Louis, vous ne pouvez passer ici, votre propre contrat bloque notre magie. Partez, vous le devez."

Je n'eus le temps de rien faire. Mon frère était repoussé à l'extérieur, la porte se refermait sur moi, j'étais dans le fameux salon. Pourtant, il n'y avait personne, excepté les soubrettes qui me tenaient à présent par les bras.

"Non ! Lâchez-moi ! Vous faites erreur, une grave erreur !"

Elles devaient être en train de défendre le manoir, elles avaient dû sentir que j'étais une intruse. Et de quel contrat avait-elle parlé ? Pourquoi Louis semblait avoir été au courant de cette situation ? Je ne l'avais pas vu affolé, juste attristé, comme s'il s'excusait. Non, je ne pouvais laisser faire une telle chose ! Déjà au derrière de la porte les invités s'agitaient, car Louis était ressorti, et j'entendis la voix du duc et de la duchesse se rapprocher.

"Vite, vite, soufflèrent les jumelles en m'attirant vers le centre de la pièce, ici vous devez vous rejoindre. Delbel, viens à nous !"

Sous mes yeux ahuris, ma contractante se matérialisa. Elle était différente, la peau bleue, des yeux dorés, plus grande, plus impressionnante !

Elle ne perdit pas de temps et, attrapant mes mains, commença une étrange litanie, reprise en choeur par les soubrettes autour de nous. On tenta d'ouvrir la porte qui avait été scellée. Puis il y eut un grand silence, je me sentis glaciale, j'avais mal partout, je ne tenais plus que grâce à la poigne du démon me faisant face. Non, non... si j'avais pu revenir en arrière, n'était-ce que de quelques heures... je ne serais pas venue. Louis... je devais avoir confiance en Louis. S'il m'avait laissé ici, seule, c'est que j'allais survivre, c'est qu'on allait réussir, non ?

Il y eut comme des bruits de combat de l'autre côté. Je perçus les cris de mon frère. Contre qui ? Puis la voix de la duchesse. Ensuite mon corps parut se morceller, la magie en moi exploser. Je crus mourir sur l'instant, mais alors que j'agonisais, mes efforts payèrent : l'entraînement avec Célébi s'avéra efficace et je repris connaissance tout doucement. Quand je rouvris les yeux, j'étais allongée, mais il y avait un autre être à côté, debout, immense : un démon de lune, reconnus-je aussitôt, par je ne savais quel mystère.

A. Je me relevai immédiatement, terrorisée, et me jetai contre la porte dans l'espoir qu'elle s'ouvre, ou qu'elle soit ouverte à présent que le rituel semblait être terminé.

B. J'attendis, glacée, immobile, ne sachant comment réagir, assourdie par tout ce qu'il venait de se passer.

C. J'appelai mon frère à l'aide de toutes mes forces.

D. Je fonçai vers la fenêtre fermée, aux grandes vitres, voyant le parc dans la nuit et la possibilité de fuite qui en découlait.

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