Le manoir miroir

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PL : 3

Affinité Elisa : 4/10

"Bonjour", m'avançai-je directement vers elle, sûre. Elle tourna légèrement la tête de mon côté et l'inclina à peine. Il n'y avait toujours aucune expression sur son visage. Je m'assis à ses côtés, me mordillant la lèvre. Comment pouvais-je l'interpeller ?

"Tout va bien ?" lançai-je enfin. Elle me regarda enfin franchement, avec un air interloqué, avant que son impassabilité ne revienne.

"Oui, je vais bien, Sahara.

- Je me demandais... toi aussi, tu aimes cet endroit, n'est-ce pas ?"

Elle baissa la tête.

"Tu as raison, je suis venue ici... me pardonnes-tu ?

- Hein ?! Ben... c'est à tout le monde, en fait. C'est juste que c'est mon endroit préféré, rétorquai-je, très surprise.

- Hm... les autres ont raison. Tu as beaucoup changé. (Elle émit un soupir puis un petit rire, comme retenant une parole.) C'est bien. Enchantée de faire ta nouvelle connaissance, petite soeur !"

Elle me tendit sa main, un sourire triste aux lèvres. Un sourire amer, aussi, mais également plein d'espoirs. Etait-ce de la culpabilité ? Pour quelle raison ?

"En-enchantée... heu..., répondis-je en lui serrant la main, ennuyée de ne savoir son prénom.

- Je suis Apolline", se présenta-t-elle, sachant apparemment beaucoup de mon amnésie.

Le prénom m'évoqua un coup de poignard. Je tressaillis, brusquement blême, sous le regard d'Apolline, crispée. Qu'était ce sentiment de trahison affreux ? Que s'était-il passé avec cette soeur ? Ne pas le savoir cette fois me mettait sens dessus dessous.

"Je dois... y aller.

- Sahara ! Que se passe-t-il ?"

Je vis à son visage qu'elle était affolée, chagrine, un peu furieuse aussi. À cause de moi ? Il ne manquait plus que ça ! Adeline arriva à cet instant, avec mon panier de nourriture.

"Oh, mangeons ensemble, Sahara !" bondit aussitôt ma soeur, et je vis ma gouvernante se figer, indécise, passant de mon visage à celui de la jeune femme. Comme j'affichais une expression sinistre, elle intervint :

"Je crains que princesse Sahara n'ait déjà accepté de dîner avec quelqu'un, aujourd'hui. Nous ne voulons pas vous déranger, Votre Altesse, profitez de votre journée."

Elle la salua avec une profonde révérence et partit sans attendre de réponse. Il n'y en eut d'ailleurs pas. Je la suivis sans demander mon reste, encore mal à l'aise par mon ressentiment envers elle. "Votre Altesse" ? Etait-elle l'un des héritières probables, directement de Sa Majesté la reine ?

Une fois que nous nous fûmes éloignées, j'attrapai la manche d'Adeline :

"S'il vous plaît, Adeline, expliquez-moi. Je sens que cette fille... Apolline, et moi, avions une mauvaise relation.

- N'utilisez donc pas l'imparfait, je vous prie, c'est toujours le cas, lâcha-t-elle enfin, près de ma chambre, le panier toujours au bras. Vous étiez très bonnes amies, mais les autres ne voyaient pas cette amitié d'un très bon oeil, pensez, vous êtes la fille d'une ancienne esclave, concubine mal aimée, et elle est la fille du roi et de la reine... sans vouloir vous manquer de respect, c'est ainsi que les autres l'ont perçu. Elle a fini par succomber à cette haine permanente et vous a lors ignorée. Totalement, du jour au lendemain. Trahissant votre longue amitié.

- Oh..." Je ne sus que dire de plus. C'était donc cela, ce sentiment...

"A-t-elle été menacée ? repris-je, tentant de comprendre son geste, un geste dont je ne me souvenais plus.

"Je ne sais pas."

Je dus me contenter de cette réponse et entrai dans ma chambre, regrettant le beau petit jardin.

Les jours passèrent plus vite que prévu toutefois et la fête mensuelle arriva. Je me sentais un peu plus prête qu'auparavant, c'était certain. J'avais à présent une floppée de souvenirs, une idée des gens que j'allais rencontrer et aussi beaucoup plus d'angoisses. Le pacte avec l'inconnu m'était revenu de nombreuses fois en tête, ainsi que ma conversation avec Adeline au sujet des magies, puis le fait de savoir que Louis allait m'accompagner. Quant à Otthild, j'avais fini par me résigner après quelques vaines recherches : plus personne ne se souvenait de lui, pas même son chevalier ! Louis était le seul au courant de ce genre d'affaires, et je me sentais soulagée de pouvoir lui parler à coeur ouvert. Cette promiscuité m'avait parfaitement éloignée de ma servante qui semblait petit à petit perdre foi en moi, malgré mes tentatives de rapprochement.

Le soir, lorsque nous prîmes la voiturette, suivant de loin, je le savais, celle de prince Louis, le silence épais qui nous tomba dessus augmenta ma nervosité.

"Elisa, profitai-je alors, je suis contente que vous soyez là, vraiment. (Le vouvoiement était revenu, barrière involontaire.)

- Si vous le permettez, princesse, je me demande pourquoi. Je n'ai pas été d'une très grande aide, la dernière fois, répondit-il amèrement, vous avez même dû utiliser une fiole de potion sur moi.

- Hum eh bien, vous êtes une présence familière qui m'est chère, c'est important, dans ce genre de contexte.

- Ne trahissez-vous pas prince Louis par ces propos ?"

J'ouvris la bouche, touchée, mais elle poursuivit, ne m'en laissant pas le temps, parlant d'un tout autre sujet absolument futile. Nous terminâmes la discussion ainsi.

J'eus l'impression de revivre le même moment : la fête, illuminant le jardin et les nobles ou aristocrates sortant de leur calèche, les sons des musiciens, les deux jumelles parfaitement disposées à l'entrée. Rien n'avait changé. Les gens ne se lassaient-ils pas de ce genre de réunion ?

Louis me rejoignit à cet instant, Elisa se mit en retrait, à mon grand désarroi, mais je ne pouvais non plus nier que j'étais bien contente de la présence de mon frère.

Fut-ce seulement mon impression ou les yeux des soubrettes nous scrutèrent plus attentivement que les autres invités ? Odiane m'ayant passé, par le truchement de sa fille, une nouvelle potion de son cru dissipant les effets des sortilèges, je me sentis un peu plus rassurée. Pourvu que je n'aie pas à l'utiliser !

Dans le grand salon, les tables, les sonorités, tout était si semblable à la première fête vécue que je ne pus réprimer un frisson. Louis le remarqua et passa un bras discret derrière mon dos. Ce fut à cet instant que je repérai plus ou moins en même temps trois personnes connues : la femme étrange de la dernière fois, Edouard et... Appolline.

A. Je me dirigeai spontanément vers la première, la seule à s'être rappelée d'Otthild, sans chercher à me dissimuler aux yeux des autres, laissant pour le coup Louis et Elisa derrière.

B. J'allai directement vers une table chargée afin de ne pas croiser leur regard, et proposai à Louis et Elisa d'aller voir cette mystérieuse femme à deux, en essayant d'éviter les autres.

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