Choix décisif

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PL : 4

Affinité Louis : 10/10

Affinité Elisa : 8/10

Il était bien là où il l'avait promis. La nuit tombante le rendait encore plus impressionnant à mes yeux ; je resserai ma cape, anxieuse. Percevant ce sentiment, il me sourit, mais je ne perçus qu'une ombre plus profonde sur son visage.

Nous sortîmes du jardin par un petit passage que je n'avais pas aperçu : une voûte pierreuse menant à une allée dallée. Bientôt, j'entendis le renâclement léger de chevaux attachés. Oh, savais-je au moins monter à cheval ? Comment savais-je qu'il s'agissait de chevaux seulement avec leur bruit ? Finalement, mieux valait laisser ces interrogations pour le moment, car il était fort possible que j'en aie la réponse très tôt...

Louis m'aida à monter l'une des deux bêtes, noire de robe. Je mis tout naturellement le pied à l'étrier tandis qu'il me soulevait par les hanches. Nous nous mîmes au trot puis au galop, dépassant l'enceinte du château. Si les gardes nous virent ou nous entendirent, aucun ne nous arrêta. Est-ce à cause de Louis ou de moi ? me demandai-je, les joues glacées sous le vent nocturne.

Sur les pavés, les sabots claquaient fort, aussi nous prîmes très vite un sentier herbeux s'évadant vers un plateau rocheux. Derrière nous la petite ville aux rares lanternes disparut, nous laissant sous la chappe ténébreuse des arbres.

"Nous en avons pour quinze minutes encore, Sahara, courage", me lança mon demi-frère plus en avant. Je serrai les genoux, m'agrippant aux rênes, car nous accélérions.

Enfoncée dans la forêt, une maison haute, en bois, verre et pierre, s'élevait un peu tordue au milieu d'une clairière. Nous étions à présent au pas. Louis descendit le premier et attacha son cheval à un arbre à crochet tout près. Une lanterne ou deux illuminait la maison de l'intérieur ; la porte s'ouvrit et un homme vint à nous. Mon frère m'aida à descendre tout en lui parlant :

"Célébi, bonsoir.

- Bonsoir, Louis. Vous êtes en avance."

J'en déduisis que mon frère était allé lui parler ce matin même. Ils avaient tout préparé, certainement. Je me sentis toute petite à leurs côtés. Le dénommé Célébi, dont la taille dépassait celle de mon frère, avait une stature mince et sèche. Il portait des cheveux mi-longs en mèches ocre ; son regard d'ambre me transperça aussitôt que je le rencontrai.

"Entrez, je vous prie, tout est prêt.

- Tout va bien, Sahara, je ne pars pas", me rassura Louis en passant un bras par-dessus mes épaules. Je souris faiblement. Cette escapade nocturne... était-elle bien sage ?

L'intérieur de la maison était bien rangé, propre et sentait bon les lanternes à l'huile d'amande, un artifice de luxe que je ne pensais pas trouver ici. Il n'y avait pas d'objets disparates ni d'étranges fioles, seulement une table ronde en bois aux lattes légèrement disjointes et quelques tabourets autour. J'aperçus un escalier montant à l'étage, sans doute vers une chambre.

Nous nous installâmes. Célébi m'expliqua alors le processus, apportant quelques curieuses plantes et boissons d'une autre pièce, une cuisine peut-être.

"Il faut que tu manges un morceau de ceci puis de cela et enfin boire ces quantités-là dans l'ordre. Attends quelques secondes entre chaque et une minute entre ces deux-là.

- Heu... d'accord, tentai-je de retenir. Cela ressemble... (je penchai la tête, d'anciens souvenirs remontant à la surface) ce type de magie... m'est familier. Qu'est-ce que c'est, Louis ?

- De la magie naturelle, sourit-il. Finalement, tu te rappelles quand même quelques souvenirs.

- Parfois. Mais si c'est de la magie naturelle, pourquoi ne pas avoir essayé avec Od...

- Commençons, si vous le voulez bien, princesse", me coupa l'hôte, me tendant la première plante à croquer.

Heureusement qu'il m'avait conseillé de manger léger avant de venir, et je comprenais mieux à présent ! Il me semblait qu'une demi-heure était déjà passée depuis mon départ et j'avais, apparemment, l'habitude de rentrer vers dix-neuf heures trente...

Célébi s'assit sur le tabouret en face de moi et, manipulant quelques cailloux (à mes yeux), paupières closes, se figea. Je n'avais jamais vu personne se figer de cette façon. Je regardai Louis assis de l'autre côté, il me rassura d'un sourire, comme toujours.

Brusquement, le magicien se releva, me faisant sursauter. D'un regard, il convia mon frère à le suivre à l'étage. Je les perdis de vue, tandis que Louis me conseillait de rester assise là. Je soupirai, tâchant de calmer les battements de mon coeur.

Au château, Adeline, souhaitant me porter une petite collation et me transmettre l'invitation de ma mère à la voir avec Sahel, tomba sur une chambre clairement désertée. Aussitôt appela-t-elle Elisa, au cas-où elle saurait où je me trouverais. Elisa, bien sûr, n'en savait rien.

"Elle ne m'a rien dit du tout, je ne l'ai pas vue, s'attrista la jeune servante. Je vais la chercher aux endroits qu'elle préfère, Madame.

- Bien. Elle est sans doute dans les jardins. Ah, que cette princesse m'angoisse ! Elle sait bien qu'il n'est guère recommandé pour elle de s'en aller ainsi seule. Elle a tant d'ennemis parmi le château... je ne saurais compter.

- Surtout qu'elle a réussi la première mission que père lui a confiée, soupira Elisa. Il suffirait qu'elle tombe malade pour qu'un autre prenne sa place..."

Lorsqu'il s'avéra que je n'étais plus au château, leur inquiétude monta. Elles finirent par supposer que j'étais sortie et se renseignèrent auprès des gardes. Deux d'entre eux attestèrent qu'ils nous avaient vu partir, Louis et moi, vers les dix-huit heures.

"Elle nous en aurait parlé, nous ne serions pas tant inquiètes, gémirent-elles ensemble. Il ne vaut mieux pas alerter le reste du château. Déjà, sa mère est au courant... Attendons encore un peu.

- Mais si elle ne revient pas à l'heure ? imagina, pâle, la pauvre jeune servante."

Adeline secoua la tête, lèvres pincées.

"Je demanderai à ma mère d'essayer de la repérer, mais... cela risque d'être difficile au vu de l'échec de la dernière fois. Quelle idée aussi !

- Nous ne pouvons envoyer des gardes à sa recherche, les rumeurs courraient, ce serait terrible pour elle. Ce serait une mesure un peu extrême. Tout le monde se moquerait, ici.

- Elle ne risque rien, a priori, avec Louis", haussa-t-elle des épaules. Adeline était toutefois mal à l'aise.

Le même malaise que j'éprouvais sur l'instant. Culpabilité, remords, inquiétude, insécurité. Je ne le entendais plus. Enfin, les marches grincèrent : Louis et l'hôte revenaient, le visage fermé. Je ne sus le décrypter.

"Tout va bien, Sahara, ne fais pas cette mine, répondit-il face à mon désarroi, d'une voix cajolante. Mon ami a fait son travail ici, nous pouvons y aller.

- Mais...

- Faites attention sur la route, avertit Célébi", m'observant avec acuité. Je ne soutins pas son regard, poussée au-dehors. Mais enfin ! Allait-on me dire ?

"Je t'expliquerai plus tard, Sahara.

- Tu le promets ?

- Oui."

Disant cela, il me regarda droit dans les yeux. Il ne semblait pas mentir. Nous montâmes les chevaux et partîmes au galop. La nuit, froide, gifla mon front, mon nez, mon cou. Je toussai, prise d'un pressentiment affreux, une terreur subite : au-devant de notre trajet, une forme venait d'apparaître, aussi soudainement qu'un éclat de lune. Les chevaux cabrèrent en hennissant. Le mien prit la tangente, alors que j'avais manqué tomber. Je jetai un regard vers Louis, affolée : il n'arrivait plus à maîtriser sa monture tournant et ruant.

"Sahara !!" hurla-t-il alors que mon cheval s'enfuyait dans la forêt. Je m'agrippai de toutes mes forces, par réflexe, sachant qu'une chute à cette vitesse pouvait être mortelle. Je ne voyais plus rien autour de moi, uniquement le tronc des arbres bien trop proches de mes jambes et les branches frôlant ma tête.

Brusquement, tout s'arrêta. Nous étions sur une pente, au milieu de la nature. La forme de lune, que je n'arrivais pas à détailler, apparut devant moi une fois de plus. La voix, froide et belle, prononça ces mots :

"Sahara, j'ai besoin de toi. Le mois prochain, à la fête des Du Pinson, tu me reconnaîtras. Nous sommes liées. Si tu acceptes de m'aider, tends-moi ta main. Nous avons des objectifs différents, mais nous pouvons travailler ensemble. Je t'aiderai à détruire le commerce du duc et de la duchesse.

- Qui... qui êtes-vous ? balbutiai-je, la gorge serrée.

- Tends-moi la main ou refuse, Sahara, à toi de voir." Le ton, coloré de menace, me gela au plus profond de moi-même.

A. Je ne savais pas du tout à qui j'avais affaire, j'étais terrorisée et loin de Louis, qui savait où, pourquoi ferais-je une chose pareille ? Je refusai tout net et m'enfuyai.

B. Je tendis la main. Cette voix avait mentionné pouvoir m'aider à résoudre ma mission, je n'avais pas à hésiter. Au moins pouvais-je faire quelque chose pour que ma mère cesse d'être moquée...

C. Effrayée au plus haut point, je ne répondis rien et fonçai en sens inverse avec le cheval, priant pour qu'il retrouve le chemin du château tout seul. Je ne voulais pas rester ici plus longtemps.

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