Nom d'un chat

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PL : 6

Affinité Elisa : ?/10

Voilà une demi-heure que je tournais en rond. Enfin... en carré, en angles, en ce que l'on veut, puisque j'étais totalement perdue dans le labyrinthe. J'avais appelé Elisa de nombreuses fois depuis que j'avais décidé de faire demi-tour, en vain. Je n'avais pas non plus recroisé la femme étrange ni Otthild et je m'inquiétais tout de même beaucoup. De surcroît, il n'y avait plus aucun effet effrayant et j'étais pourtant sûre être déjà passée par là, morte de peur face à une poupée géante. Bon. Ne pas paniquer me semblait la plus raisonnable des options.

Au bout d'un temps interminable, je retrouvai le jardin, par l'endroit d'où j'étais venue. Il n'y avait plus personne. Pas même les jumelles soubrettes.

Sans Elisa, je ne pouvais retourner au château. Un cocher pourrait m'y amener, mais revenir là-bas sans bonne nouvelle et sans ma servante ? Adeline allait me tuer. Si ce n'était mon père. En frissonnant, je retournai vers l'entrée lumineuse. Plus de musique, ni d'invités retardataires. Apparemment, tout le monde était allé s'amuser dans le labyrinthe. Les jumelles étant aux abonnés absents, je pénétrai dans le hall puis dans le salon. Les tables étaient toujours là, les pâtisseries et les grignottes, l'estrade à musiciens sans musiciens. Il régnait là une drôle d'atmosphère de fête quittée trop vite à la suite d'un cataclysme. Ne sachant si je devais rester là afin qu'Elisa puisse me repérer si elle revenait, je tournai un peu en rond puis soupirai. Je me rappelai ma mission première et observai les différentes portes, puis l'escalier montant à l'étage. En quelques pas, j'étais là-haut et poussai le premier battant se présentant non fermé. Il menait à un couloir feutré. Des tableaux de mystérieuses personnalités (du moins, pour moi) m'observaient d'un air sévère. Je les ignorai, poursuivant mon chemin.

"Tout ça ne sent pas bon du tout. Non, du tout", m'angoissai-je pourtant en arrivant face à une autre porte. Il y en avait deux autres, une à gauche, une à droite. Je tournai doucement leur poignée, celle de droite s'ouvrant finalement sous l'action, contrairement aux autres ; si j'avais eu quelque forces, j'aurais pu y aller, regrettai-je en songeant à la potion bleue. Il y avait un petit salon-boudoir fleurant bon l'amande. J'avais l'impression d'être une voleuse... et me glaçai à l'idée que les maîtres des lieux viennent à cet instant.

Il n'y avait rien d'intéressant dans cette pièce. Je ne pensais pas qu'ils aient laissé une recette de liqueur si précieuse traîner n'importe où. Peut-être dans un bureau ? Je devais toutefois trouver une clé, si je voulais inspecter les autres pièces.

Je finis par dénicher un briquet en argent massif que j'emportai, ne souhaitant plus me retrouver dans le noir. Quand je retournai au salon principal, des bruits de pas me firent me cacher immédiatement derrière le battant, affolée. Un coup d'oeil me montra les Pinson ayant une discussion animée :

"Nous avons eu une bonne récolte, le mois dernier, mais je crains que cela ne puisse continuer. Il est épuisé, Layen, peu importe le nombre d'invités...

- Allons, pourquoi vous faire tant de soucis, mon cher Lioni. Il prétend seulement. Vous savez bien ce qu'il est.

- Certes. Mais il n'y a pas que ça. Il est agité. Quelque chose se trame à notre insu et je déteste ça. Tous les invités sont-ils bien entrés dans le labyrinthe ?

- Oui, soupira la duchesse, je vous le répète. Les jumelles se sont occupés d'une dizaine d'entre eux, nous en avons presque terminé. Notre commerce est florissant et personne ne peut nous l'arracher. Nous sommes bien trop puissants.

- Bon, mais n'avez-vous pas senti quelque chose d'étrange ? Je l'ai perçu dès le début de la soirée. Une magie de lune.

- De lune ?!" Elle sursauta.

Les deux montaient à l'escalier et je craignais qu'ils n'entendent mon coeur. Je ne comprenais rien à leur discussion.

"Vous avez une bien plus grande sensibilité dans ce domaine, mon cher, reprit-elle, que ferais-je sans vous ! Des amis à lui ?

- Peut-être... je ne sais pas. Allons jeter un oeil à l'observateur, il confirmera mes soupçons."

Oh non. Ils avaient dû se rendre compte de ma présence. Ou bien, du fait que j'étais sortie du labyrinthe ? Je n'en savais rien, mais il fallait m'enfuir et sans plus tarder. Ma seule option : le recul, vers le salon-boudoir.

Tout en priant qu'ils ne s'y rendent pas aussi, j'attendais, cachée derrière le gros sofa de la pièce. Ce n'était pas une cachette très sûre, aussi me sentais-je vraiment mal. Je les entendis venir jusqu'à la porte... puis l'un des deux autres battants s'ouvrit. Je laissai passer quelques seconde et bondis vers la sortie, me glissant le plus discrètement possible dans le couloir. Leur porte étant entrebâillée, je fus vaguement tentée d'y jeter un oeil, mais la peur de se faire prendre me repoussa. Clairement, tout ceci était louche. Je voulais retrouver Elisa et rentrer au château. Je songeai à père, mortifiée. Nom d'un chat !

Finalement, je parvins au jardin et m'enfonçai entre ses boqueteaux. Un miaulement soudain attira mon attention : quel mignon petit chat roux ! Ses patounes blanches me firent immédiatement fondre. Il ne semblait pas farouche, aussi l'approchai-je pour le carresser, un peu apaisée. Un froissement de feuilles nous fit bondir, le chat feula, je poussai un cri et tombai sur le derrière. Elisa sortit à cet instant d'une petite allée coudée, l'air hagard.

"Elisa !" Je courus à elle. Elle se laissa faire lorsque je la pris dans les bras puis l'obervai, stressée :

"Elisa, ça va ? Où étais-tu ? Je te cherchais partout.

- Je... je ne sais pas. Je suivais un groupe de personnes et je vous cherchais aussi, mais je devais... je devais continuer à les suivre... puis il y a eu... comme un trou noir. Et... (elle fronça des sourcils) c'est tout. Nous avons fait demi-tour, j'ai été séparée et je ne sais comment je suis arrivée ici. Je ne me souviens pas vraiment du chemin. Croyez-vous que je sois folle ? Peut-être est-ce ce que vous avez ? Il doit y avoir une malédiction ici... oh, je me sens mal."

Percevant entre nous la fiole rouge, je la sortis et lui tendis.

"Je crois que tu devrais boire ça, cela te soulagera sans doute. J'ai des choses à te conter et j'aimerais que tu aies l'esprit clair."

Elle avala la potion en hochant la tête et ses yeux reprirent un éclat plus rassurant.

"Oh merci princesse ! J'avais l'impression d'être perdue dans un tunnel sans fin ! Que s'est-il passé ?"

Je lui racontai aussitôt les aventures survenues plus tôt, tandis que le chat, revenu me voir dès la frayeur passée, ronronnait à nos jambes. Plusieurs fois Elisa pâlit à mes révélations, jusqu'à conclure :

"J'en étais sûre ! De la sorcellerie. Je n'ai pourtant bu aucune liqueur, vous le savez bien, princesse ! Je vous le jure sur ma vie !

- Oui, je te crois, tentai-je de l'apaiser. Moi aussi je me suis sentie bizarre. Bizarre sans être contrôlée toutefois. Penses-tu que dans les gâteaux... ?

- C'est très possible ! En auraient-ils mis aussi ? S'ils vont jusque là, c'est qu'il y a bien quelque chose de pas naturel dans leur liqueur, ça c'est sûr. Arg, les arnaqueurs ! Mais vous n'avez rien trouvé... comment pouvons-nous seulement retourner au château ?"

Elle avait raison, c'était bien mon inquiétude.

"Il faut rapporter du gâteau, bondis-je alors, l'idée jaillissant. Si la mère d'Adeline l'analyse, on pourra prouver qu'ils essayent d'entourlouper tout le monde, ce sera un très bon début ! Je pense que père sera satisfait, non ? Ensuite, nous pourrons retourner à la fête, le mois prochain.

- Oui ! Allons-y !" se leva-t-elle alors, effrayant le petit chat. Celui-ci s'en alla en tournicotant de la queue. Nous filâmes vers l'entrée du manoir. Pourvu que les comtes ou les jumelles n'y soient pas !

Comme nous étions sur l'allée, un bruit de voix nous stoppa : celle d'un vieil homme et celle des deux domestiques. Nous les aperçûmes en train de parler à gauche du grand escalier.

A. Nous passâmes devant eux comme si nous revenions du labyrinthe, ne cherchant qu'à retrouver le confort du salon ;

B. Nous fîmes diversion en jetant une pierre le plus loin possible de notre position ;

C. Nous déviâmes notre trajectoire pour la droite, comptant sur l'ombre de l'escalier pour nous dissimuler le temps de son approche ;

D. Nous prétendîmes être ivres, parlant haut et fort des avantages de la liqueur, espérant ainsi les amadouer.

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