Lui

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Souvent il penche un peu la tête sur le côté comme s’il avait besoin d’un angle différent pour m’observer. Son regard est toujours intense, un peu amusé, amoureux comme au premier jour. Il est mon homme, mon ami, mon confident.

Je réponds à chacun des sourires qu’il m’adresse, à l’interrogation contenue dans son regard. Lorsque je passe derrière lui pour aller préparer le repas, je laisse glisser mes doigts sur les muscles saillants que dessine son bras couleur chocolat. Il est baraqué mais pas trop, juste comme j’aime. Je suis tactile et il aime ça. Sa main saisit la mienne et m’oblige à m’arrêter. Il tire dessus et je me retrouve sur ses genoux. J’aime la part d’enfant qui est la sienne.

Quelques baisers dans le cou plus tard, ma main caresse son crâne rasé. Chaque fois que je fais ce geste le passé me revient en mémoire, et les épreuves traversées me percutent. Je me rappelle sa touffe de cheveux crépus si douce et soyeuse, dans laquelle j’aimais tant faufiler mes doigts. Il est toujours beau, même ainsi la boule à zéro. Les traits de son visage semblent plus marqués, il fait plus homme, plus dur.

Je m’esquive pour nous faire à dîner. Il se lève et me suis, son odeur m’enivre. Quatre ans après notre rencontre, il porte toujours le parfum qu’il avait ce fameux jour, et je ne m’en lasse pas. Il sent si bon. C’est un homme constant et loyal, qui tient à ses habitudes, s’accroche à ses certitudes. Il me sera toujours fidèle.

Rapidement, je sors ce dont j’ai besoin et le plan de travail se couvre de condiments et ustensiles. Une fesse appuyée sur le placard derrière moi, il me fixe en mordillant ses lèvres épaisses. Sa singularité m’a toujours fasciné.

D’une main sur son poignet je bloque le geste qu’il fait pour m’aider.

— Non, doudou, tu vas te blesser.

La douleur imprimée dans son regard me donne mauvaise conscience, mais je dois intervenir. Sa détermination à m’apporter son aide est touchante mais je refuse qu’il se fasse mal. Je sais que sa participation aux tâches quotidiennes revêt une importance capitale pour lui, il veut m’aider.

— Tu me fais po confeanche.

Sa moue adorable me fait craquer et je me glisse au creux de ses bras pour me faire câliner. Il fait cela mieux que personne.

— Tu sais bien que si.

Il avance les lèvres pour marquer son scepticisme et je ne peux résister au besoin de poser les miennes dessus. Je l’aime tant.

La morsure de ses dents me fait pouffer et je ris de ses facéties. Un vrai gamin par moments.

Il s’éloigne de moi enfonçant ses mains dans les poches arrière de son jean taille basse. Ses fesses idéalement rebondies ressortent parfaitement moulées sous le tissu. Le petit regard qu’il me lance me prouve qu’il sait l’effet qu’il a sur ma libido. Il est si sexy.

Je m’active en cuisine en l’observant discrètement. Je ne veux pas qu’il sache à quel point je m’inquiète. Attablé, il s’escrime à analyser nos dépenses. Devant lui s’étalent nos relevés bancaires et les courriers reçus de l’administration. Ses sourcils épais sont froncés sous la concentration et un muscle joue sur sa joue. Il s’agace de son impuissance. Les chiffres se mélangent dans sa tête en un magma incompréhensible.

Je le rejoins et écarte résolument la cause de ses tourments. Avec mes paumes, j’entoure son visage et le fixe dans les yeux. Je l’aiderai malgré lui.

— Je ferai les comptes plus tard. J’ai faim là, mangeons.

Je me tais car le regard carnassier qu’il me renvoie me démunit complètement.

— Moi auchi chai foaim…

Il m’adresse ce sourire immense qui m’électrise. Ses dents blanches et parfaitement alignées me fascinent. Elles ressortent sur sa peau basanée comme des diamants dont l’attraction ne se dément pas. Ma carnation crémeuse jure avec la teinte sombre de la sienne. C’est beau.

Il se lève et m’assied sur la table entre ses jambes puissantes, ses paumes pressent mon dos, ses bras m’entourent. Je crois qu’il est affamé. Son rire se joint au mien qui carillonne à travers la pièce lorsque ses bisous me chatouillent dans l'encolure.

Par habitude mes paumes redessinent son crâne. Je soupire en sentant la boursouflure de la cicatrice et laisse le plaisir qu’il sait si bien me donner m’emporter.

Mon homme n’est pas mort.

— Je t’aime, tu sais.

— Po plus que moi.

Cela fait six mois que j’emmagasine chaque jour comme s’il était le dernier, six mois qu’il a eu un AVC.

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