Le futur ex-taulard

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Comme il était coutume depuis quatre ans, William Dagieux longeait le long couloir gris parsemé de portes vertes, identiques à tous les autres couloirs de la prison. Comme celui juste au dessus de lui ; indisociable en tout point, avec les mêmes portes verdâtres.

Il s'arrêta devant sa cellule. Derrière lui, un jeune surveillant encore légèrement acnéique s'empressa d'ouvrir la porte. William n'entra pas tout de suite. À la place, il regarda l'un des deux escaliers métalliques servant de passage entre le couloir inférieur et supérieur de cette partie de la prison. Il l'observait d'un œil inédit, car demain ce serait la dernière fois qu'il l'emprunterait. Ainsi, cet escalier, simple passerelle entre deux étages, prenait pour lui la forme d'une étape vers sa liberté prochaine.

  • Allez Willy, lança soudain l'un de ceux que beaucoup de détenus appellent communément maton, c'est l'heure de rentrer.

William soupira et s'exécuta. Il réprouvait très fortement que quelqu'un qui n'était ni un ami, ni un membre de sa famille l'appelle par ce surnom ; "Willy". Des détenus desqueles il s'était rapproché le nommaient par ce diminutif qui lui servait de surnom depuis son plus jeune âge, tout comme certains membres du personnel de prison qu'il ne détestait pas. Et ça ne lui faisait ni chaud ni froid. En revanche, l'homme venant de l'appeler ainsi ne faisait pas partie de ce groupe, d'où ce léger désarroi de la part du tout juste trentenaire.

Mais il n'allait pas sortir de ses gonds pour si peu. Surtout pas maintenant.

Il pénétra finalement à l'intérieur de sa très prochaine ex-cellule, il s'écroula de fatigue sur son bientôt ex-lit.

  • Quand j'pense que c'est la dernière fois que j'pionce sur c'vieux futon pourri, pensa t-il à voix haute.

Une fois confortablement allongé, les yeux de Willy se dirigèrent vers le tatouage sur son bras. Il figurait sur son corps depuis deux mois, et fut réalisé par un autre détenu. Il avait tenu à l'avoir en vue de sa sortie prochaine. Ce dessin corporel indélébile représentant un serpent venait en rejoindre un autre, situé sur le pectoral gauche de William. Il repensa alors à sa ville natale, Roah, où ce premier tatouage fut justement créé. Et très bientôt, Willy y déposerait à nouveau les pieds. Chaque jour depuis quelques semaines, son impatience d'y retourner s'accentuait.

Et ce soir, elle avait atteint son paroxysme.

William voyait la lune depuis sa fenêtre barreaudée. Le ciel semblait complètement dégagé et de fins et faibles, mais tout de même perceptibles, rayons de lumières lunaires pénétraient dans la cellule. L'homme avait hâte de pouvoir à nouveau contempler une totalité de ciel étoilé, ce qui le surprit ; avant de passer quatre ans ici, il s'était toujours un peu fichu de ce genre de choses. Cette impression fit cogiter l'emprisonné : certains éléments nous paraissant insignifiant peuvent tout à coup créer un vide massif et profond une fois qu'on en est privé.

Les pensées de Willy vagabondèrent sur les différents aspects de sa vie qu'il ne tarderait plus du tout à retrouver dorénavant. Bientôt, il sortirait à nouveau le soir, reverrait copain et famille ... Cette perspective le ravissait particulièrement, jusqu'à ce que le vagabondages de ses pensées ne se tournent vers une connaissance qui fut autrefois l'un de ses deux meilleurs amis.

  • Enculé ... murmura William

Cette injure chuchotée fut la première d'une longue série, comme à chaque fois qu'il repensait à cette relation à présent obsolète.

Puis, après plusieurs minutes à méditer nerveusement là-dessus, il s'apaisa en se forçant à penser à autre chose.

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