Chapitre 3 : Naissance d’un héros

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Joanie piqua un nugget de poulet dans l’assiette de Fred.

— Tout ça, ça n’explique pas le côté « Je suis l'Ange de la Mort et je viens te chercher, du con ! »

— Ouais, bon. Après être sortie de sa torpeur, il a eu la visite d’un jeune garçon qu’il ne connaissait pas.

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Dans cette chambre d’hôpital où dormait le patient, le visiteur, un adolescent cachant son mal de vivre dans un pantalon trop large et sous la capuche d’une veste de sweat-shirt grise, examinait avec le plus grand soin le cachet de la poste encré sur la seule enveloppe posée sur la tablette. La lettre envoyée de Paris début juin 1993 avait déjà été ouverte, le destinataire avait donc déjà lu l’inquiétude de son auteur, ses regrets, aussi, de lui avoir refusé au dernier moment le week-end qu’ils avaient prévu, ensemble, le sentiment de culpabilité qu’elle éprouvait, la crainte qu’elle éprouvait de ne plus recevoir ses missives si amusantes. L’adolescent avait pris le temps d’examiner dans ses moindres détails la lettre d’Hélène, au moment où Hector se réveilla et lui adressa la parole.

— Bonjour…

— Salut, répondit le jeune homme timidement.

— Tu es qui ? Tu veux quelque chose ?

— Je voulais vous voir, faire votre connaissance…

— Mais encore ? Hector avait beaucoup de mal à remettre de l’ordre dans son esprit.

— J’ai vu la femme que vous avez sauvée… Elle est vachement jolie. On dirait une actrice de cinéma, le genre, star américaine, l’héroïne qui tue les méchants et les monstres et qui part avec le héros à la fin…

— C’est vrai qu’elle est jolie, mais t’es pas venu pour me dire ça ?…

— Non, je vous ai dit, je voulais faire votre connaissance.

— OK, je m’appelle Hector…

— Ouais, ça, je sais, c’est écrit ici… Et la fille, c’est Marie, c’est ça ? Ils ont pas arrêté d’en parler à la télé, à la radio… C’est dingue, ce qui lui est arrivé ! Et vous aussi !

— Oui, un peu fou, on a du mal à réaliser…

— Et c’est qui, Hélène ?

— Je ne comprends pas…

— Hélène, cette fille qui vous a écrit cette jolie lettre pour vous réconforter, dans l’épreuve…

— Tu as lu la lettre ?

— Ouais, quand vous étiez en train de dormir. Elle a l’air sympa comme fille. Elle vous a fait quoi ? Elle dit qu’elle s’en veut, qu’elle a peur de ne plus recevoir vos lettres qui la faisaient tant rire et lui donnait du baume au cœur… Quoi qu’elle ait pu vous faire, je crois que vous devriez rester pote avec elle… j’ai pas l’impression que vous le regretteriez…

— Merde tu es qui, toi ? Tu veux quoi à la fin ?

— De Marie, je regrette qu’elle ait échappé à son destin, je le lui ai dit, d’ailleurs… Je crois qu’elle l’a mal pris… Cette Hélène, je pense qu’un jour, je pourrais bien me rapprocher d’elle, rien que pour le plaisir de vous chatouiller les orteils, ou pire que ça, qui sait…

— Mais merde, tu vas me dire qui tu es à la fin ?

— Moi, je ne suis qu’un orphelin sans grande importance. Ça n’a pas toujours été le cas… en fait, ça ne fait que deux mois. Vous m’avez pris mon père, à cause de vous, et de cette Marie, mon père est mort, sa mémoire a été salie… Alors, là, je vais partir, retourner à l’école dès la rentrée, mettre les bouchées doubles. Et puis, ensuite, je vais m’installer, dans la vie, trouver quelque chose à faire, intéressant. Et un jour, je tâcherai de me rappeler à votre bon souvenir, à cette Marie, et à vous. Et vous connaîtrez la souffrance de voir disparaître quelqu’un de cher… Vous allez payer pour la mort de mon père.

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Joanie avala une frite enduite de ketchup.

— C’était le fameux Alban, donc…

— Exact, confirma Fred.

— Et alors ?…

— Hector est sorti de l’hôpital, il a réussi ses derniers examens. Comme il avait brillé jusque-là, grâce à Hélène, ou pour Hélène, au choix, il a eu son diplôme assez facilement. Il m’a suivi en Allemagne, dans le cadre d’un échange universitaire. Parallèlement à nos études complémentaires, on s’est lancé dans les sports de combats, c’est ce que lui avait conseillé ce policier, ce Briggs, on a débuté ensemble. Au bout d’un an, je suis rentré en France pour aller faire mon service militaire, c’était encore obligatoire, à cette époque…

— Et Hector ?

— Lui, il a été réformé pour raison médicale, son traumatisme était trop récent, trop important, l’armée n’a pas voulu prendre de risque. Il est resté là-bas, il a eu son diplôme d’ingénieur, il a bossé pour diverses entreprises, créé, inventé, déposé des brevets, mis de l’argent de côté.

— Et toi ? Tu as fait quoi ? Militaire ?

— Oh, rien de transcendant, j’étais dans l’artillerie nucléaire, en batterie d’instruction, dans un régiment qui a été dissout depuis, suite à des décisions politiques sur la dissuasion nucléaire en France. « Crains Dieu et mes Foudres ! »

— Ouais, ç’a l’air palpitant…

— Oui, officiellement chiant à mourir. Sauf qu’en réalité, j’ai intégré, sous le sceau du secret, un régiment de commandos. D’entraînements en missions, pendant cinq ans, ils ont fait de moi une bête de guerre. Un vrai salopard ! Je te disais l’autre jour, un sauvage…

— Ça s’est fini comment ?

— La dernière mission avant la quille, on était en Yougoslavie. On pensait peut-être un peu trop à la quille, justement. Pas assez concentrés sur la mission. Je suis rentré tout seul…

— Merde, c’est trop con… Et alors, t’as fait quoi ?

— J’ai quitté l’uniforme, avec quelques médailles, des cicatrices, et des souvenirs… Je me suis trouvé un job, j’ai ouvert ce bar, proprio et principal client, ça me permettait d’avoir le bar qui me plaisait.

— Et qu’est-ce qui s’est passé ?

— Un jour, alors qu’on s’était plus ou moins perdu de vue, Hector a débarqué ici… Le nom du bar l’avait attiré.

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Deux mois après sa sortie d’hôpital, alors qu’il s’était installé, en Allemagne, suivant le modèle de son jumeau, Hector était revenu à l’université chercher son diplôme. Nombre des étudiants l’avaient imité ce jour-là et s’étaient ensuite retrouvés au bar de l’Apocalypse, comme ils l’avaient fait de temps à autres au cours des deux dernières années. Marie était venue aussi, se réjouissant de pouvoir revoir, peut-être une dernière fois avant bien longtemps, celui qui l’avait sauvée au péril de sa propre vie.

Tout cela remontait à six ans, tout cela s’était déroulé dans une autre ville, beaucoup plus grande, une ville d’étudiants. Aujourd’hui, Hector contemplait cette enseigne qui ne lui était pas inconnue, à quatre-cent-trente kilomètres de son lieu d’origine. Hector avait été bien renseigné, il lui restait encore à savoir si l’aménagement intérieur était aussi fidèle au bar qu’il connaissait déjà. Dans le fond de la salle, Hector reconnut son vieil ami, lisant tranquillement le journal local tout en mangeant un burger frites, amélioré d’une bière blonde.

— Le Bar de l’Apocalypse, hein ? Fallait que je voie ça, je suis pas déçu…

Invité par Fred à s’installer à sa table, Hector commanda le même plat, accompagné d’une eau gazeuse. Les deux amis se racontèrent leurs histoires respectives. Hector était rentré en France depuis un mois, son passé, qu’il avait tenté d’oublier, avait fini par le rattraper.

— Quelques jours après être rentré, j’ai revu Alban. Il n’a guère changé. Toujours remonté… Il est en plein délire. Voilà qu’il veut la peau d’un industriel américain qui serait, d’après lui, responsable de la mort de sa mère…

— Carrément ?

— Un type qui a racheté l’entreprise où elle travaillait et qui a fermé boutique quelque temps après, en mettant tout le monde au chômage…

— Tu as revu Marie ? demanda Fred. Des nouvelles d’Hélène ?

— Rien, je n’ai pas encore essayé de contacter Marie. Quant à Hélène, pas de réponse à mes dernières lettres… En fait, ça m’inquiète un peu… S’il s’est mis en chasse…

— Tu sais, il est célèbre, maintenant, il ne va peut-être pas prendre de risques… Fred tentait, vainement, de rassurer son ami.

— Pas prendre de risques ? Parce qu’il est un écrivain qui a été adapté au cinéma ? Vu de ma fenêtre, le carton du film lui a surtout apporté des moyens énormes. Et vu notre dernière rencontre, j’ai l’impression qu’elles sont en danger, bien plus encore qu’avec l’Étrangleur.

Fred en était persuadé, malgré ses propos contraires, qui se voulaient rassurants.

— Qu’est-ce que tu vas faire ?

— Je dois me préparer à toute éventualité. Elles ne doivent pas souffrir à cause de moi. Je dois l’empêcher de leur nuire.

— Mais tant qu’il ne se sera pas manifesté, si jamais ça arrive un jour, la police ne bougera pas.

— Je sais…

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— Et qu’est-ce qu’il a fait ? demanda Joanie, avalant sa dernière frite.

— Je l’ai entraîné, il avait une bonne base, les sports de combats, c’était un vrai champion ! J’en ai fait un guerrier, je lui ai appris tout ce que je savais. Ça a duré dix mois, on se voyait le week-end, je lui apprenais un nouveau truc, il s’entraînait toute la semaine, tant que j’étais au bureau, il restituait parfaitement le week-end suivant, on apprenait un nouveau truc, et rebelote, en boucle. Pendant mes congés on faisait des stages intensifs. Il est devenu monstrueux. Un jour, il s’est blessé à l’entraînement, une chute, il est mal retombé, il s’est luxé l’épaule.

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Hector, blessé, grimaça de douleur, mais ne voulait pas entendre les conseils de prudence de son instructeur.

— Allez, déconne pas, il faut voir un médecin, je t’emmène aux urgences.

— Non, je peux pas, imagine, on va me poser des questions, tout va se savoir, Alban va tout savoir…

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Joanie finit son verre de soda.

— Alors ?

— Alors, répondit Fred, plan B !

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Fred composa sur son téléphone le numéro d’un annuaire en ligne et demanda à être mis en relation.

— Marie, c’est Fred, tu me remets ? Tu exerces toujours ? J’ai un client pour toi…

— Venez, tu as trouvé mon numéro, je suppose que tu sais où me trouver…

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Marie n’avait pas quitté la ville où elle avait été étudiante, autrefois. Elle habitait maintenant dans un bel appartement du centre-ville et donnait ses consultations dans une pièce qu’elle avait transformée en cabinet médical. Dans le salon, deux canapés en cuir formaient un « L » le long de deux murs perpendiculaires. Un poste de télévision à écran plat occupait une partie importante d’un troisième mur. Juste devant, une table basse en bois supportait la télécommande et un journal. Au beau milieu de cette table, trois tasses pleines de café noir fumant et une petite assiette, dans laquelle des biscuits attendaient d’être mangés, avaient été servis par la maîtresse de maison. Hector portait le bras en écharpe. Marie avait été désagréablement surprise devant la gravité de sa blessure, et d’autant plus en apprenant que les deux jeunes gens avaient roulé plus de quatre-cent kilomètres avec ce handicap, au lieu de se rendre aux urgences les plus proches, mais déjà, elle lui avait remis l’épaule en place. Mais les deux amis voulaient toujours garder secrète leur démarche, même pour Marie, malgré la confiance qu’ils lui accordaient.

— On faisait les cons en forêt, expliqua Hector, j’ai fait une mauvaise chute…

— Bon, vous avez bien fait de m’appeler quand même. Ça me fait plaisir de vous revoir, tous les deux. Mais toi, conseilla Marie à Fred, il va falloir que tu arrêtes quelques semaines les conneries. Son épaule doit se reposer. Au moins trois semaines sans bouger ! Vraiment, reprit-elle après avoir vidé sa tasse de café, vous ne pouvez pas rester ? C’est dommage, Roger doit rentrer dans une heure… Il mène l’enquête pour son compte, maintenant, fini, l’uniforme du brigadier Briggs. Il aurait été content de te revoir, Hector.

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— Mais attends, reprit Joanie, Roger, le mari de Marie, c’est celui qui avait flingué l’Étrangleur ? C’était le policier ? J’y comprends rien.

— C’était lui. Quelques années après l’affaire de l’Étrangleur, il a quitté la police. Il s’était lié d’amitié avec Marie, ils ont fini par se marier. Lui, il est devenu enquêteur privé. Pour les gens de la haute.

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Conformément aux consignes du médecin, Fred avait ramené Hector pour une consultation. Marie venait de retirer le bandage de son épaule, qui semblait ne plus montrer de faiblesse critique. Dans le salon, Marie et Hector rejoignirent Roger et Fred autour d’un café. Roger expliquait à Fred ce pour quoi il avait quitté les rangs de la police.

— Enquêtes privées, sécurisation des biens et personnes. Un bon business.

— En ce moment, précisa Marie, il est sur une affaire d’une vieille dame très riche qui programme des expositions de bijoux de luxe.

— Gros taf en sécurité, et pas que pour les breloques !

Voilà qui donnait des idées à Fred, pour parfaire l’entraînement de son poulain. Mais il garderait le contenu de ses pensées pour plus tard, au Bar de l’Apocalypse. Les deux amis revenus dans ce qui était devenu l’antenne stratégique de leur quartier général, Fred expliqua à Hector ce qu’il avait derrière la tête.

— C’est ce qu’il te faut, des tests grandeur nature. Tu as toute la théorie, mais en pratique, en vrai, sur le terrain, la gestion du stress, c’est autre chose. Ça te ferait l’occasion de te tester discrètement, sans te montrer.

— Sans me montrer ? Comment, un moment ou un autre…

— Comme tu t’es reposé, ces trois semaines, j’ai profité de mes vacances, j’ai pondu un truc. Tu veux voir ? Viens, on va à la salle.

Fred ouvrit le casier le plus au fond du vestiaire et en sortit un sac. Hector y découvrit une tenue complète, bottes, pantalon, veste, cagoule, et divers équipements et accessoires.

— Couleur discrète, commenta Fred, pour ne pas te faire remarquer, le soir, dans la pénombre, j’ai opté pour le marron foncé.

— La cagoule ?

— Avec tous les efforts que j’ai faits pour le camouflage, ce serait un peu con qu’on voie ta tête…

— Des efforts de camouflage ? Tu n’en fais pas un peu trop, là ?

— Enfile tout ça, et mets-toi devant le miroir… OK, appuie sur le logo.

Hector appliqua une légère pression sur la broche en forme de golem placée sur le torse, côté gauche du blouson, et vit son reflet disparaître aussitôt.

— Waouh !!! Comment tu as fait ça ?

— Des combinés capteurs leds miniaturisés, qui renvoient l’image que captent leurs petits copains. Ça peut marcher autrement, les effets sont soit la transparence, donc l’invisibilité, soit l’effet miroir, ce qui peut aussi déstabiliser l’adversaire. Maintenant, mets ça dans ton oreille. Et mets ces lentilles. Et ce pendentif autour de ton cou.

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Joanie tira son pendentif de dessous son t-shirt et demanda.

— Ce pendentif ?

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Fred répondit à Hector, qui avait fière allure, malgré son air dubitatif.

— Ce pendentif ! Tu vois ce bouton, active-le !

— OK…

Le costume envoya un message audio dans l’oreillette qu’Hector avait glissée dans son conduit auditif.

— Bonjour, Monsieur Fischer, que puis-je faire pour vous ?

— C’était quoi, ça ? s’étonna Hector.

— J’ai pas eu le temps de finir, pour le moment, ça se contente de dire bonjour … Un signal en ondes courtes, ça devrait te joindre à peu près n'importe où. Il suffira de lui faire dire autre chose que bonjour.

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Joanie insista, son pendentif dans la main, pour avoir une explication sur ce personnage bizarre, difforme et massif.

— Mais c’est quoi, à la fin, ce truc ?

— L’idée d’Hector, c’était de devenir une sorte de super héros, tel que je l’ai compris. Mais tous les noms étaient déjà pris, les chauves souris, les patriotes, les mutants, brefs, à part Goldman et Silberman… Alors, je suis revenu à l’origine des mythes de super-héros. Une vieille légende juive médiévale de Bohême. Un être fait de terre glaise, pour protéger le peuple juif des brimades de leurs ennemis. Ce Golem, c’est le nom qu’on lui a donné, portait le mot hébreu « emet », la vérité, gravé sur son front. Quiconque effaçait la première lettre de ce mot, le transformant en « met », la mort, mettait aussitôt fin à la vie du Golem. Une variante de la légende dit que le nom du Golem était gravé sur son front. Quiconque prononçait ce nom mettait fin à la vie du Golem. J’ai donc décidé que notre héros serait celui qui n’a pas de nom. Ainsi, d’une certaine manière, ça le rendait immortel.

— Et donc ?

Fred continuait son histoire.

— Avec son super costume, il a fait ses premières armes en s’attaquant à des petits voyous de la rue, des petites frappes en tout genre, des mômes qui emmerdaient les vieilles dames, des petits dealers qui trafiquaient dans des cages d’escalier, ce genre de trucs. Et puis, on est retourné voir Marie et Roger. On a appris qu’il était sur une affaire de menace d’enlèvement, un gosse d’un milliardaire, la fameuse affaire Morrison. Un courrier anonyme annonçait que le petit serait enlevé contre rançon prochainement.

— Ça arrive, ça ? C’est pas un peu bizarre ?

— Précisément. Comme j'ai toujours quelques trucs sur moi, j’ai caché un mouchard chez eux, et on a attendu. On s’était dit que les types devaient être sacrément gonflés pour agir de la sorte, et motivés avec ça. À moins que…

— Un leurre ? demanda Joanie.

— Roger avait mis deux anges gardiens sur le gamin. On les a retrouvés égorgés le jour où le petit n’est pas rentré. Un coup de fil aux parents. Tout était organisé pour une remise de rançon. Hector et moi, on a trouvé ça étrange : deux gardes du corps entraînés n’avaient pas pu être piégés par un amateur, seul qui plus est. Il fallait une équipe au moins aussi entraînée. Et organisée. Ce qui supposait pas mal de moyens. Mais si on a ces moyens, pourquoi un kidnapping et une demande de rançon ? Ça n’avait pas de sens.

— Combien, la rançon ?

— Élevée, mais là n’est pas la question. C’est une prise de risques énorme. Quand on a les moyens qu’avait sûrement cette équipe, on ne se lance pas dans ce genre d’entreprise, trop risqué. Même pour l’adrénaline… Il y avait forcément autre chose derrière ça. Forcément un piège. Et comme, forcément, les ravisseurs avaient prévu que Roger se rendrait sur le lieu de l’échange, on était sûr qu’ils s’en prendraient à Marie. C’était forcément un coup d’Alban. Il avait les moyens, la motivation, et il avait prévenu qu’un jour, quelque chose se passerait…

— Mais vous auriez pu vous tromper…

— Sur le lieu de rendez-vous, il y a eu affrontement. Roger a été assez sérieusement touché. On a retrouvé les types, mais morts… Et puis on a trouvé le gamin, enfermé dans une boîte, la tête posée dessus.

— Quoi ? Mais c’est horrible…

— Il y avait des insectes dans les plaies. Il a été déterminé que l’enfant avait été décapité une semaine avant, soit le jour de l’enlèvement. Hector n’y était pas, il était allé directement chez Marie. Il y avait trois types pour lui faire passer un sale quart d’heure. En mode furtif, il a neutralisé les deux premiers qui s’en prenaient à elle. Une rotule par ici, un tibia par là, il restait le troisième. Mais le costume n’avait plus assez d’énergie pour le mode furtif. Quand Hector s’est présenté devant le troisième bonhomme, ils se sont combattus à mains nues, c’était violent, mais, évidemment, Hector a eu le dessus. Il lui a enlevé son masque et l’a reconnu. C’était bien Alban. Le costume avait un dispositif de taser, Alban a pris une première décharge, puis une deuxième. Alors qu’Hector allait l’achever avec une troisième décharge, je me suis senti obligé de désactiver le costume à distance. Alban a pu s’en sortir, il s’est envolé, mais au moins, Hector n’a pas basculé. Il a retrouvé Marie, et s’est dévoilé.

— Comment il a fait pour se tirer, l’autre, il devait être KO, avec le taser…

— Un peu, oui, mais il avait piqué un équipement à Roger, sur le lieu de l’échange, un baudrier que je lui avais fait… et il s’est envolé avec.

— Le fameux harnais que Nathalie avait piqué ?

— Lui-même. Roger est resté quelques semaines à l’hôpital, pour soigner ses blessures. Quand il est rentré chez lui, Hector et moi sommes allés les voir. On leur a expliqué. Je dois dire qu’ils ont moyennement apprécié le coup du mouchard… Je leur ai dit que leur système informatique était dépassé, que je pourrais le leur rendre plus efficace. Ils ont accepté à contre cœur. Puis je me suis éloigné d’eux. Hector est resté, ils ont monté leur équipe. Mais après ces événements, tout le monde était d’accord pour dire que la vigilance devait être accrue, par rapport à Alban. On a commencé, Hector et moi, à rassembler toutes les preuves possibles de l’implication d’Alban dans l’enlèvement. Ensuite, Hector a imposé une règle à l’équipe. Ta mère serait sa priorité numéro un, quoi qu’il arrive. Il serait d’abord préoccupé par sa sécurité. Je lui ai présenté un couple d’amis, Jonathan et Mary, des Américains à la retraite. Il les a fait intégrer à l’équipe, avec une mission de prévention pour la sécurité d’Hélène. Marie, Roger et Hector ont installé un complexe secret pour diriger leur affaire, tout en continuant les missions d’enquêtes privées. Ça rapportait pas mal. De mon côté, j’ai étudié quelques trucs, et filé mes notes à Hector. C’est de là que viennent l’avion, sa voiture de collection très cool, et deux ou trois autres petits trucs. Et un jour, Jonathan a appelé.

— Ah oui, à partir de là, je connais. Le fameux épisode avec Nathalie…

— Non, là, on est en 2001. Nathalie n’avait pas encore rejoint le groupe. Ils ont été prévenus que quelque chose de louche se préparait. Hector a pris son avion supersonique et s’est pointé là-bas en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Il a pu neutraliser Alban et ses complices avant qu’ils ne fassent quoi que ce soit à ta mère. Personne n’a rien vu, il est rentré au pays avec les malfrats, et les a discrètement laissés aux autorités avec le dossier qu’on avait monté.

— Et Alban a été enfermé ?

— Le problème, c’est qu’il s’agissait d’une célébrité. Il avait publié, il avait même été adapté au cinéma, un vrai carton, tu as peut-être entendu parler de ce film, L’Acharnement des Oracles. Bref il a donné une interview. À la fin de l’article, il prévenait qu’un jour, il sortirait, et le défi qu’il lancerait à son adversaire serait d’une ampleur sans commune mesure avec l’histoire de l’enlèvement. L’article avait fait du bruit. Mais personne ne savait qui était son adversaire, à part nous, bien sûr.

— Et il a fini par sortir ?

— C’est la loi de l’emmerdement maximum… Entre-temps, l’équipe avait recruté Nathalie, pour se préparer à la menace. Moi, je me suis retiré des affaires, j’ai changé de vie. Mais l’histoire a bégayé, et je crois que tu connais la suite, puisque tu connais l’histoire du harnais. Hector m’a recontacté dernièrement, il m’a raconté tout ça. Maintenant, excuse-moi, je dois m’éclipser une minute. Tu peux te prendre un dessert, si tu veux.

Fred se leva et, après avoir fait un signe au barman, se dirigea vers les commodités.

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