Chapitre 1 : La fuite

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Dénudée face au miroir de sa chambre, Louise observait les dernières traces de coups de fouet reçus. Le son de l'instrument de torture claquant contre sa peau frêle résonnait encore dans sa tête, faisant tambouriner son cœur. C'était sûr, cela resterait à jamais gravé dans sa mémoire. Les marques rouges faisaient contraste avec sa peau de porcelaine. Louise savait qu'elle pourrait facilement les dissimuler, mais cela la brûlait encore.

Quand elle toucha du bout du doigt les cicatrices, la peau sembla la repousser en éjectant une douleur atroce qui lui fit frissonner tout le corps. Louise grimaça en la ressentant. Non vraiment, elle ne pourrait pas oublier. Elle se souviendrait toujours des insultes reçues et de toutes les violences auxquelles elle eut affaire.

Toujours face à son miroir, elle observa la pièce dans laquelle elle se trouvait. Les rideaux de soie blancs laissaient passer quelques rayons de soleil baladeurs, le lit soigneusement plié donnait envie de s'allonger dessus et le gris clair des murs faisait ressortir tout le beau mobilier. Pour une chambre d'hôtel londonienne, elle était bien luxueuse. La jeune fille n'avait jamais connu un endroit aussi accueillant.

— Louise, arrêtez un peu de les regarder. Cela vous fait plus souffrir qu'autre chose.

Elle pivota légèrement et croisa le regard de l'homme. Il était toujours sur le lit. Celui qui l'avait sauvée de tous ces monstres. Qui lui avait donné la liberté de vivre. C'était son héros, son sauveur, celui qu'elle admirait et respectait plus que tout. Celui qu'elle considérait comme un père.

James Wilcox.

Cet homme était arrivé au cirque il y a quelques semaines de cela, discret, tentant de se fondre dans la foule. Louise avait compris qu'il n'était pas un simple spectateur depuis le début. Sa manière d'observer, et de passer inaperçu avait justement suscité la curiosité de la petite fille.

— Bon, dit James en se levant, et si j'allais nous chercher quelque chose à manger ? Je parie que vous mourez de faim !

Louise ne répondit pas, à nouveau plongée dans le reflet de ses yeux. Bleus, pétillants, ils ressemblaient à deux océans sans fin. Il y a quelques jours, elle aurait donné cher pour s'y noyer, et disparaitre entre les vagues. Aujourd'hui, ce qu'elle désirait c'était vivre. Librement, et explorer le monde qu'elle n'avait jamais connu. Mais elle savait bien que c'était impossible ; après une telle fuite elle allait devoir rester cachée.

— Louise, ajouta l'homme avant de partir, pourriez-vous vous habiller, s'il vous plait ? Je pense que cela vous permettra d'arrêter de regarder ces marques. Et en plus, vous allez attraper froid à rester en sous-vêtements.

Elle tourna doucement son visage vers le sien. L'homme partit après cela en refermant la porte. Elle ignorait tant de choses sur lui, si c'était un simple sorcier ou s'il travaillait pour le ministère de la magie. Et pourtant, elle lui faisait maintenant une confiance aveugle.

Brun aux yeux bleus, elle le trouverait extrêmement séduisant si elle était plus âgée. Une légère barbe sur les joues, des sourcils soigneusement tracés, il avait un air malicieux dans le regard, toujours à l'affût des moindres détails. Elle ne lui donnait pas plus de trente ans. Souriant, il savait exactement ce qu'il faisait et ne commettait jamais une erreur. Et elle ne l'avait pas vu perdre son sang-froid, même au cours de leur fuite.

Louise soupira et marcha lentement vers le lit. James y avait laissé une robe. Elle la prit et la leva devant elle. Elle était totalement différente de son ancienne, qu'elle portait tout le temps. Celle-ci était beaucoup plus jolie et plus colorée. James venait sûrement de l'acheter ; elle était neuve. Encore une délicate attention de sa part.

Elle prit la petite robe bleue et l'enfila par les épaules d'un geste rapide. Elle y glissa ses bras puis ajusta la taille. La robe dépassait à peine ses genoux, laissant visible les égratignures qu'elle s'était faite. Elle remua les orteils sur le parquet froid, les pieds couverts de blessures et de vilaines croûtes.

Louise retourna devant le miroir, admirant ce verre qui renvoyait son image. Dans le cirque, il n'y en avait pas. Enfin, pas pour elle en tout cas. Ceux qui y travaillaient avaient une loge, où des ampoules clignotaient autour. Elle n'avait le droit qu'à une cage, dans laquelle elle pouvait tenir debout, mais pas s'allonger au sol entièrement. Son lit était de la terre battue, et son ancienne robe était horriblement sale.

Mais les gens ne payaient pas pour voir une jolie petite fille. Ils payaient pour voir un monstre se transformer.

— La robe vous plait ?

James était revenu. Elle ne l'avait pas entendu entrer. Il ferma délicatement la porte et posa un plateau-repas sur le lit. Louise lui sourit et s'assit juste à coté de lui. Avec lui, elle se sentait en sécurité, comme l'était un enfant dans les bras de sa mère. Bien qu'elle n'ait jamais connu une personne qu'elle aimait comme lui, on ne peut pas dire qu'elle donnait sa confiance au premier venu. Beaucoup de gens lui avaient fait croire qu'ils ne voulaient que son bonheur, mais jamais ce ne fût la vérité. Jusqu'à ce qu'il arrive.

Elle acquiesça. Oui, la robe lui plaisait beaucoup. D'un bleu marine brillant, elle donnait plus de couleur à son visage. Au cirque, les danseurs pomponnaient leur face de paillettes et de maquillage, au point où on ne voyait même plus leur véritable peau. Alors que le sien était couvert de la terre sur laquelle elle dormait, et ses cheveux étaient rarement coiffés. À part le directeur qui la battait et l'obligeait à se transformer, tel un monstre de foire, les autres n'étaient pas méchants. Ils ne lui adressaient cependant presque pas un mot, ni même un regard, et ne la touchaient encore moins. Peut-être étaient-ce les ordres ?

— Louise, il faut que je rende mon enquête. Voulez-vous bien répondre à mes questions ? demanda-t-il d'un air sérieux.

Louise sortit de ses pensées et fixa James. Ainsi, c'était bel et bien un auror. La version magique d'un policier moldu, travaillant pour le ministère et se battant contre les forces du mal. Avait-il eu pour mission de la libérer ? Mais alors, pourquoi ne lui avait-il rien dit ? Il lui avait toujours laisser croire que ce n'était qu'un simple sorcier, bien qu'elle en ait toujours douté.

— Vous êtes un auror, n'est-ce pas ? répondit Louise. Si vous m'avez aidée, c'est uniquement pour une enquête ?

Sa voix tremblait malgré la douceur du son. Elle n'était pas vraiment habituée à parler. Un numéro de cirque, ce n'était pas en parlant. Ainsi, si elle ouvrait la bouche pour dire le moindre mot, elle était aussitôt refermée par le claquement d'un fouet ou d'une cravache. C'est pourquoi elle parlait peu. Même avec James, elle n'osait pas laisser le son sortir de ses lèvres trop souvent.

— Louise, sachez que je ne vous ai pas menti. Si je vous ai sauvée, c'est par attachement pour vous. Mais c'est également pour la loi. Il est inacceptable qu'on méprise quelqu'un comme ça. Même une Maledictus ne doit pas subir cela.

Elle frissonna en entendant ce mot. Cela lui rappelait son dur destin. Jamais elle ne l'accepterait. Il y avait tellement de choses à découvrir dans ce monde. Mais sa triste malédiction l'en empêcherait, bien trop tôt.

— Mais c'est vrai, oui, continua-t-il, je suis un auror. J'ai eu pour mission d'enquêter sur le cirque ambulant. Quelque chose de louche s'y passait. Le directeur faisait des trafics illégaux, dont vous. Au départ, je n'aurais pas cru que cela se terminerait de cette manière. Mais je suis content de vous avoir aidée.

Il lui sourit, sincèrement. Au moment où il parlait à Louise, elle semblait différente de la jeune fille qu'il avait rencontrée au cirque. Une jeune fille maltraitée, toujours sur les gardes, apeurée et faible. Elle était aussi méfiante ; elle avait refusé les aliments qu'il lui avait proposés. Puis, peu à peu, une complicité s'était créée entre eux deux. Il venait la voir le plus souvent possible, secrètement, et assistait toujours aux représentations, au cas où quelque chose se passerait. Mais l'enquête avançait rapidement, et il fallait faire vite. Alors un soir, il lui avait annoncé le plan. Ils allaient partir. Tous les deux. Bien sûr, au début, elle ne l'avait pas cru.

— Voulez-vous bien répondre à mes questions maintenant ? redemanda t-il.

Louise acquiesça d'un signe de tête. Oui, elle était prête. Elle pouvait à présent dire toute la vérité. Son passé, son destin. Ses sentiments, ses peurs. Elle voulait tout dénoncer. Dénoncer ce monstre, dénoncer sa vie. Mais après tout, que pouvait-elle faire d'autre ?

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