Chapitre six : Je suis en colère./Ira sum.

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-Ha, Nathan ! Tu es levé ! s'exclama la servante en me voyant finir de descendre les escaliers. Monsieur Wolf a demandé à ce que tu ailles le voir dans son bureau, une fois sorti du lit.

-Je suis désolé. Je ne pensais pas dormir aussi longtemps. J'ai bu quelque chose de bizarre, hier soir et...

-Tout va bien. Tu n'as pas à te justifier. Monsieur Wolf nous a expliqué. Allez, ne le fais pas attendre, dit-elle, souriante en me désignant de sa main, le couloir à emprunter.

Résigné, je hochai la tête et partis vers le bureau de Wolf. Je n'avais aucune envie de le voir, je me sentais extrêmement gêné par ce qu'il s'était passé cette nuit dans ma chambre... Dans mon lit... Je n'avais pas assez bu pour avoir oublié et je crois que j'aurais préféré. Nous avions dormi ensemble... Et pas que cela... Je ne me souvenais que trop bien de sa chaleur, de sa douceur que je ne comprenais toujours pas, de sa main sur moi, sur mon ventre... De la chaleur de sa peau contre la mienne alors qu'il imprimait un rythme rapide à ma main sur mon sexe... Oui, je me rappelais que j'avais laissé un homme, -mon dominum[1], ce qui était pire que tout-, me toucher. Je lui avais donné la possibilité d'abuser de moi. Comment avais-je pu être aussi inconscient ?! Cet homme était étrange et arrivait à me faire baisser ma garde. Je me devais d'être plus vigilant ! Toujours être sur ses gardes ! Toujours ! Ma santé mentale et ma survie en dépendaient depuis tellement d'années, maintenant.

Tout à mes réflexions, le chemin jusqu'à son bureau me parut court et j'arrivai bien vite, à mon grand dépit, devant la grande porte en bois. J'hésitai un moment avant de finir par taper dessus.

-Entrez, fit une voix grave et autoritaire.

J'ouvris la porte, le cœur battant et les yeux baissés. Je n'osais pas le regarder, je me sentais si gêné. Trouverai-je une lueur de contentement dans son regard pour m'avoir presque fait plier ? Pourquoi n'avait-il pas profité de la situation ? J'avais senti qu'il était dur contre moi. N'importe quel autre de mes dominorum[2] précédents ne se serait pas retenu pourtant...

Alors que j'étais debout devant la porte que j'avais refermée derrière moi, j'attendais, je ne bougeais plus, ne parlais pas et ce qui m'étonnait grandement était qu'il en faisait de même. Aucun bruit, aucune voix... Intrigué, je finis par relever la tête et me yeux se retrouvèrent piégés par un regard sombre et déterminé. Il ne dit rien, se contentant de se lever sans me lâcher du regard et avança vers moi, lentement, comme un prédateur voulant attraper sa proie... Il ne s'arrêta qu'à quelques centimètres de mon corps pétrifié.

-Comment te sens-tu ?

Hein ? ! Quoi ? J'avais dû mal entendre... Semblant voir mon désarroi, il répéta sa question et je n'eus plus aucun doute. Je ne comprenais pas pourquoi il me demandait cela. Quel dominus[3] s'inquièterait de l'état de son esclave, le lendemain d'une soirée ?...

-Je... Je vais bien. Tous les... effets de l'absinthe sont passés, répondis-je en rebaissant les yeux, c'était trop gênant de faire référence à ce qui s'était passé dans mon lit avec lui.

Un doigt me releva le menton mais je me reculai, je ne voulais pas sentir son contact. Je vis alors ses yeux se durcir, ce qui n'était pas bon signe.

-Tu ne supportes toujours pas que je te touche... Pourtant, je ne suis pas sûr que tu aurais continué de refuser, la nuit dernière...

Ses yeux se posèrent ensuite sur mon cou, là où se trouvait la marque qu'il m'avait laissée avec sa bouche, hier soir, pendant qu'il me donnait du plaisir. Mes joues s'enflammèrent sous ce regard, ravivant ces souvenirs humiliants que je désirais oublier mais également sous la gêne en entendant ses mots et ce qu'ils suggéraient, et la colère augmenta dans mon cœur.

-Bien. Je suis rassuré sur ton état, tu vas pouvoir m'accompagner, dit-il d'une voix dure en retournant s'asseoir derrière son bureau.

Quoi ? Je relevai la tête et le regardai. De quoi parlait-il ? On allait partir ? J'allais sortir d'ici ?

-Ce soir, tu prépareras tes affaires, je te ferai apporter une petite valise. Prends des vêtements pour quelques jours, nous allons chez mon père.

-Votre père ?

Lui qui s'était remis à son travail, ne semblant plus s'intéresser à ma présence, releva la tête pour me regarder.

-Oui, mon père et tu n'as rien à savoir de plus. Tu es mon esclave, tu m'accompagneras. Maintenant, retourne travailler, je suis occupé, alors fais ce que je t'ai dit. Nous partirons à 20 heures.

Le ton coupant qu'il employa me fit presque sursauter. Ok... Il était sans doute vexé par mon rejet. Tant mieux, je ne voulais pas l'encourager ! À quoi s'attendait-il ? Cette nuit, je n'étais juste pas dans mon état normal, et il fallait qu'il le comprenne. C'était apparemment chose faite. Je fis donc ce qui m'était ordonné. Je repartis avec les domestiques pour accomplir mes tâches devenues habituelles en peu de temps et la journée passa assez rapidement. Après le dîner, je montai dans ma chambre pour préparer mes affaires. Une petite valise noire m'y attendait. Je ne savais pas où nous allions, alors pour les vêtements, je pris un peu de tout en petite quantité : pulls, t-shirts...

Cette sortie m'intriguait et même si elle me surprenait, elle me faisait un peu plaisir. Ces dernières années, j'avais eu si peu l'occasion de sortir ! Voir de nouveaux endroits, de nouveaux paysages, me faisait terriblement envie. La seule chose qui m'angoissait un peu était les personnes que j'allais côtoyer. Allais-je devoir leur obéir ? Ou au contraire, faudrait-il que je me fasse discret ? Allais-je être traité avec encore plus de mépris ? Ou bien encore, Wolf allait-il me prêter à... son père ? En tant qu'esclave depuis de nombreuses années, je ne me faisais aucune illusion et j'envisageais toutes les possibilités afin de me préparer au mieux à me défendre ou à essayer de fuir s'il le fallait.

-Nathan ?

Complètement absorbé par mes réflexions, je sursautai lorsque le majordome m'appela à l'entrée de ma chambre. Je ne l'avais même pas entendu ouvrir la porte ni taper s'il l'avait fait car après tout, je n'étais pas un domestique mais un esclave et le seul de cette maison. J'étais au plus bas de l'échelle sociale...

-Désolé, je ne voulais pas te faire peur mais monsieur Wolf m'a fait monter te chercher. Il t'attend dans le hall.

Je hochai la tête, fermai ma valise et le suivis jusqu'à Wolf. Alors que je descendais l'escalier, le beau regard aux yeux bridés de celui-ci se fixa sur moi, faisant rosir mes joues sans que je ne puisse l'empêcher, ce qui le fit sourire. Je pouvais noter qu'il paraissait plus détendu que tout à l'heure dans son bureau et ça me rassura un peu.

Sans tarder, nous sortîmes de la maison pour monter dans sa grosse voiture noire qui avait l'air d'être blindée. Qui était-il réellement pour craindre pour sa vie ? Je ne savais rien sur cet homme à part qu'il devait sans doute faire partie de la famille du Gouverneur et qu'il était influent. Son attitude désinvolte lorsqu'il m'avait acheté le prouvait mais était-ce suffisant pour que sa vie soit toujours en danger ? J'en apprendrai sans doute plus sur lui durant ce voyage...

Nous roulâmes pendant ce qui devait être quelques heures dans le silence le plus complet, Wolf ne me parlant pas, occupé à étudier des documents. Parfois, il me jetait un coup d'œil mais je ne semblais pas plus l'intéresser et ça me soulageait. Cela me permit de profiter avec plaisir du paysage qui s'offrait à mes yeux. Des champs de blés à perte de vue, d'autres remplis de jolies fleurs colorées et...

-Un champ de coquelicots ! m'écriai-je sans pouvoir me retenir, émerveillé par toute cette terre colorée d'un joli rouge.

Me rendant compte de mon attitude, je rougis violemment et me tournai vers l'homme aux yeux sombres assis à côté de moi mais la banquette était si grande que nous ne nous touchions pas. Je fus surpris de rencontrer un regard doux et pas plein de colère comme je m'y attendais pourtant, alors que j'avais osé m'exclamer ainsi. Les esclaves n'avaient pas le droit de tromper la tranquillité de leur domini et pas tellement le droit non plus de parler sans y être invité. Troublé et comprenant que je ne serai pas frappé ou puni, je me retournai rapidement vers la vitre, essayant de calmer les battements de mon cœur qui s'était emballé sous la peur mais aussi sous ce regard doux dont je n'avais pas l'habitude...

Me forçant à ne plus y penser, je me reconcentrais sur le paysage. Il y avait à présent de nombreux arbres. Cependant, ils laissèrent bien vite la place à des lumières artificielles illuminant les énormes et imposants bâtiments de la ville, la rendant presque irréelle. Oui, je me délectais de ce qui s'offrait à mon regard. Après tout, qui sait si j'aurai de nouveau l'occasion de sortir ainsi, sans être enchaîné mais confortablement installé ! Sans doute, jamais...

Nous finîmes cependant par ralentir jusqu'à nous arrêter devant un très bel hôtel.

Vu l'architecture pompeuse, il s'agissait d'un hôtel pour bourges de la haute société qui devaient posséder des esclaves comme moi, pensai-je avec dédain en suivant Wolf jusqu'au hall décoré de dorures étincelantes et de personnes en tenues extravagantes qui puaient l'argent. Je ne fis pas attention à ce qu'il disait à l'accueil, trop occupé à regarder autour de moi et en voyant qu'il avançait vers l'ascenseur, je mis fin à ma contemplation et le suivis.

-Nous allons passer la nuit dans cet hôtel, me dit-il alors que les portes se refermaient. Nous repartirons tôt demain matin, vers 7 heures. Si mon père avait été dans sa résidence principale, le trajet n'aurait pris qu'une petite demi-heure mais il se trouve en ce moment dans sa résidence secondaire, ce qui ne l'a pas empêché de me faire venir...

Il termina de parler en soupirant et je fus étonné de ses paroles et du ton sur lequel il les prononça. Quels étaient ses rapports avec son père ? À première vue, je dirai que leur relation n'était pas terrible... Ils ne devaient pas être très proches. Pourtant, Wolf était prêt à faire plusieurs heures de trajet pour répondre à son invitation. Était-ce pour le travail ? Ou... Avait-il seulement eu le choix ?...

Pour la première fois, je le regardai différemment. Je ne vis plus que le dominum autoritaire et riche en lui mais j'entrevis quelque chose de plus humain, de peut-être plus... fragile... Cet homme n'était-il pas que le monstre d'arrogance que je voyais depuis le début, lui qui m'avait acheté, moi, un être humain et non un objet sans émotions ? Mais également lui qui n'avait pas profité de mon état de faiblesse, la nuit dernière... Je ne savais que penser mais une chose était sûre, avec cet homme, il fallait que je sois encore plus sur mes gardes...

[1] Accusatif singulier de "dominus"=maître.

[2] Nominatif pluriel de "dominus"=maîtres.

[3] Nominatif singulier de « dominus »=maître.

[4] Génitif singulier de "dominus"=maître.

[5] Accusatif singulier de "dominus"=maître.

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