Chapitre quatre : Je suis désiré./Cupior. (Partie 1)

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Tout le monde était en ébullition aujourd'hui. Le personnel courait partout car tout devait être parfait et prêt pour ce soir, les invités commenceront à arriver à 18 heures. Avec les préparatifs pour la soirée, j'avais pu découvrir la plus grande salle de la maison de Wolf. Il s'y trouvait plusieurs grands sofas fabriqués à la mode antique, plusieurs tables basses sur lesquelles des corbeilles de fruits avaient été posées ainsi que des petites amphores dont certaines contenaient de l'absinthe et d'autres, toutes sortes d'alcools forts. C'était une belle salle joliment décorée avec de grands draps dans des couleurs pâles qui étaient suspendus un peu partout afin de donner l'illusion d'intimité entre les sofas et les coussins qui reposaient sur le sol. Oui, c'était joli mais ça n'atténuait pas ce qui allait se dérouler ici…

Même ma tenue me rappelait qu'aujourd'hui n'était pas un jour comme les autres dans cette demeure. Après avoir terminé le nettoyage, j'avais dû prendre une nouvelle douche et revêtir une tunique blanche à manches longues qui ne cachait pas grand-chose de mon torse car elle était ouverte jusqu'au nombril et maintenue par une sorte de lacet noué au milieu. Et surtout, ce qui était très gênant, cette tunique descendait jusqu'aux genoux, je ne devais donc pas porter de pantalon mais j'avais aux pieds des spartiates dont les lanières montaient presque jusqu'au milieu de mes jambes, ce qui m'aidait à me sentir moins nu... D'ailleurs, hier après-midi, un vendeur de chaussures était passé pour moi et j'avais à présent, 5 paires de chaussures. Je n'en avais jamais eu autant !

L'équipe que Wolf engageait pour ses soirées était là et deux domestiques, deux jeunes femmes vêtues pour l'occasion de longues robes banches à la mode antique, allaient m'aider à servir les invités même si tout était déjà posé sur la table. Nous devions servir l'alcool dans leurs verres, être disponibles pour leur apporter quelque chose qui ne serait pas ici et faire en sorte que les corbeilles et les plats soient toujours remplis.

Nous y étions, les premiers invités venaient d'arriver, une des domestiques était chargée d'aller ouvrir et de les mener à la salle pendant que moi et l'autre servante étions dans un coin différent de la grande salle, immobiles à attendre que l'on ait besoin de nous. Je n'avais pas revu Wolf depuis... l'incident dans le petit salon, hier. Était-il toujours fâché contre moi ? Sans doute mais c'était mieux ainsi. Il fallait qu'il comprenne que je n'étais pas intéressé par ce genre de choses répugnantes, que je ne voulais pas qu'il me touche ou pire encore et que je ne céderai pas.

Par contre, je savais que cela voudrait dire qu'à un moment, il perdrait patience et me ferait ramener à mon esclavagiste, ce qui n'était pas bon pour moi. Ici, j'avais une chambre, un lit confortable, une salle de bain, des vêtements, je mangeais à ma faim, me lavais quand j'en avais besoin. Je n'étais pas pressé de repartir auprès de ce porc qui me frappait dès que je ne lui obéissais pas... De plus, j'avais toujours pour projet de m'enfuir et d'essayer de retrouver ma famille et pour cela, je devais reprendre des forces, étudier cet endroit ainsi que le roulement des gardes et il y en avait beaucoup autour de cette maison ! Ça ne faisait que deux jours que j'étais arrivé, je n'étais pas encore prêt, je ne devais pas faire la même erreur que les autres fois où je m'étais fait attrapé ! Alors... Je devais prendre sur moi, être patient et faire attention de ne pas trop vexer Wolf même si ça allait être apparemment dur, vu son attitude d'hier...

-Serve[1] ! Remplis mon verre !

Et voilà, la soirée était bien commencée... pensai-je en soupirant et en marchant vers cet homme qui venait de m'appeler. Je le servis pendant qu'il parlait à un autre invité et sans qu'il ne me jette un regard mais ça m'allait très bien, je ne désirais pas attirer l'attention. Alors que je me retournai, prêt à retourner à ma place, je buttai légèrement contre un torse. Je relevai les yeux et découvris que j'avais déjà vu cet homme qui me faisait face. Il s'agissait de l'homme blond qui était en compétition avec Wolf pour m'acheter lors de la vente aux enchères !

-Ex... Excusez-moi, monsieur.

-Il n'y a pas de mal ! Je suis ravi de te revoir. Tu as l'air en meilleure forme que la dernière fois, dit-il en me souriant et me dévorant des yeux, ce qui me mettait très mal à l'aise même s'il n'avait pas l'air méchant et ne tentait pas de me toucher.

Je le regardai alors plus attentivement. Il avait un regard doux avec de beaux yeux bleus. Il paraissait plus avenant qu'à la vente aux enchères. Mais en quoi était-ce étonnant ? Pour moi, à ce genre d'événements, tous ces riches idiots et imbus d'eux-mêmes se ressemblaient... Contrairement à la dernière fois où je l'avais aperçu, il ne portait pas de vêtements à la mode antique mais un pantalon et des chaussures noirs, ainsi qu’une chemise du même bleu que ses yeux, ouverte de quelques boutons. Il avait indéniablement beaucoup de charme, je ne pouvais pas penser le contraire.

-Heu... Avez-vous besoin de quelque chose ?

-Non, pas pour l'instant. Mais peut-être plus tard... répondit-il avec un sourire en coin plein de sous-entendus.

Les joues en feu, je me dépêchai donc de regagner la place qui était la mienne. Sur mon chemin, mon regard croisa celui de Wolf qui venait d'arriver. Il portait un pantalon blanc et une chemise blanche également, mettant en valeur sa chevelure noire et ses beaux yeux bridés et sombres. La moitié des boutons étaient ouverts, dévoilant son torse musclé et avec surprise, le début d'un tatouage que je ne pouvais pas bien discerner, ses manches étaient relevées jusqu'aux coudes et ils portaient des spartiates aux pieds mais sans lanières montantes. Ce style décontracté lui allait particulièrement bien et je pouvais même admettre qu'il était...sexy... Ça devait être la première fois de ma vie que je trouvais un homme ou même une personne, sexy !

Il me détailla d'un œil appréciateur et me sourit légèrement avant de rejoindre ses invités. Je ne savais pas pourquoi mais mon cœur s'était emballé durant ce bref moment.

Calme-toi, Nathan, calme-toi. Respire un bon coup et repars discrètement à ta place !

La soirée se déroula dans un brouhaha de conversations animées, de rires, de bonne humeur sous un rythme léger de musique jouée par des musiciens qui était arrivés en milieu de soirée, une fois que l'ambiance était devenue plus légère. D’ailleurs, je commençais maintenant à percevoir que l'ambiance changeait encore. Je le voyais aux caresses furtives ou même plus appuyées de certains, aux baisers légers échangés ou juste déposés sur l'épaule ou le cou de son ou sa partenaire…

Au milieu de cette sensualité éveillée, Wolf trônait dans un grand fauteuil au style ancien. Il avait passé le début de soirée en conversation avec ce qui ressemblait à des hommes d'affaires. Cela devait être pour le travail mais maintenant que tout le monde était plus détendu, il était bien installé au fond de son fauteuil, un verre à la main à contempler les personnes autour de lui. Il ressemblait à un roi qui trônait, entouré de sa cour…

Un homme attira soudainement sa compagne contre lui afin de l'embrasser à pleine bouche devant tout le monde. Ce fut le déclic pour que d'autres commencent à s'embrasser et se caresser, s'allongeant pour certains sur les sofas ou même sur les couvertures mises à disposition sur le sol. Les servantes allumèrent alors les nombreuses bougies éparpillées dans la grande salle et éteignirent les lumières artificielles. Elles déroulèrent également certaines bandes de tissus suspendues qui étaient restées enroulées, afin qu'en se déroulant, celles-ci cachent certains couples, créant un peu plus d'intimité pour ceux qui désiraient se trouver un peu isolés des autres. Je voyais toujours Wolf, il regardait d'un œil satisfait la scène érotique qui se déroulait sous ses yeux. Puis ne m'y attendant pas, son regard croisa le mien et ne me lâcha plus, faisant de nouveau, accélérer les battements de mon cœur. J'avais l'impression qu'il n'y avait plus que nous, que les invités en pleine débauche avaient disparu. Malheureusement, notre échange fut finalement interrompu par l'homme blond à l'air avenant que j'avais rencontré tout à l'heure et qui vint vers moi, cachant Wolf de mon champ de vision.

-Tiens, bois un verre avec moi, me dit-il en me tendant un verre de ce qui devait être de l'alcool.

Ce n'était pas une bonne idée de boire. Je n'en avais pas l'habitude, en plus. Un seul verre risquait d'avoir trop d'effet sur moi. Et puis, avais-je le droit de toute façon ? Mais... en même temps, je ne devais pas vexer les invités, surtout que jusque-là, tout s'était déroulé sans problèmes !

En pleine réflexion, je l'entendis rire, ce qui me ramena à la situation.

-Tu vas encore hésiter longtemps comme ça ? Ce n'est qu'un verre que tu n'es même pas obligé de boire en entier, tu sais. Goûte au moins.

Il avait l'air gentil, il était souriant et de plus, je pouvais ne boire qu'une gorgée comme il me l'avait suggéré. Alors je pris le verre et y trempai mes lèvres. C'était bon ! Ça avait un goût sucré et fruité ! J'en bus finalement plusieurs gorgées, je ne savais pas si j'aurais d'autres occasions de goûter de nouveau à ce genre de boissons, après tout. Il but également le verre qu'il tenait tout en me regardant. Pour une fois qu'un invité était gentil avec moi et venait me parler plutôt que d'essayer de me toucher sans mon consentement, autant en profiter un petit peu !

Bavarder avec une autre personne normalement, boire un verre comme le font les personnes libres... Quel mal y avait-il à cela ? Pourquoi faudrait-il forcément que je le regrette ou que je sois sur mes gardes durant chaque seconde de chaque minute de chaque heure de chaque journée ? C'était si fatiguant à force... Parfois je me sentais tellement épuisé de tout ça. Huit années de calvaire, loin de ma famille.... Comment est-ce que mes domini[2] ne pouvaient pas me voir comme un autre être humain mais seulement comme un outil pouvant leur être utile ? Comment cette perception de l'Homme était-elle possible ? Je ne comprenais vraiment pas cette nouvelle société dans laquelle je vivais. Celle que j'avais connue, enfant, me manquait terriblement...

Est-ce qu'un jour, je pourrai être libre et auprès des miens ? Est-ce que moi aussi, j'avais le droit au bonheur ? Je n'avais même pas pu connaître le genre de choses simples et amusantes comme les premières cuites ou même les premiers flirts que vivaient la plupart des ados durant la fin de mon adolescence ! Alors oui, pour une fois que j'en avais l'occasion, autant en profiter un petit peu. Juste un petit moment d'oubli dans ma vie d'esclave. Espérons que je ne le regretterai pas...

[1] Vocatif singulier de « servus »=Esclave !

[2] Nominatifs pluriel de « dominus »=maîtres.

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