De quai en quai
Sur les rives du Léthé au creux des Asphodèles
Les voyageurs poursuivent leur errance
De quai en quai, de semaine en année
De cheveux blonds en cheveux blancs
Ils ont vécu sans jamais s’arrêter
À l’image des ombres aussitôt oubliées
Ils sont nés
Ont grandi
Ont voyagé de port en port
La passerelle était là, qui reliait le bastingage au quai
Les villes d’autrefois
Grouillantes et dangereuses
Exhibaient leurs atours
Les draps cuits de soleil
Les seins de vieilles catins
Les rires de garnements.
Les voyageurs sont restés sur le pont
Parfois sous les regards outrés
Un fou descendait
Se perdait dans les labyrinthes
À lui les Enfers ou les Champs Élysées
Le destin des héros ou des pires crapules
Plus rarement, une fois franchie la digue
Un poète se jetait à l’eau
En quelques brasses incertaines rejoignait les vivants
Ruisselant et fourbu sur les appontements
Il croisait des amants, des princes de légende
Des mères et leurs enfants riant de facéties
Un lecteur allongé récitant Baudelaire
Des artistes oubliés
À chaque fois, une étrange sensation l’envahissait
Ce choc sourd, répétitif, dans la poitrine
Un cœur qui bat ?
Au loin, le bateau s’éloignait
De quai en quai, sans jamais s’arrêter
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