Chapitre 19

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- Franck, peux-tu dire aux derniers élèves de se rapprocher s’il te plait ? demanda Gwenaelle.

- Ok, je vais les chercher.

Les élèves de la classe de CM1-CM2 de Franck faisaient une sortie biologie dans le potager d’une association pour le maintien de l’agriculture paysanne, une AMAP. Gwenaelle y travaillait comme maraichère avec son associé Jonathan, depuis maintenant trois ans, à Peyrieu, dans l’Ain. Elle avait développé une activité en collaboration avec l’éducation nationale française pour les écoles primaires du secteur, ceci dans le but d’expliquer les principes de l’agriculture biologique aux enfants. C’est comme cela qu’elle avait rencontré Franck, jeune professeur des écoles, et qu’elle vivait désormais avec lui. Il lui amenait sa classe les jeudis après-midi depuis le début du printemps.

- Si vous voulez comprendre pourquoi les légumes que vous mangez à la cantine sont aussi bons pour la santé, vous devez expliquer à vos camarades quels auxiliaires de travail en agriculture biologique vous avez découvert dans le potager. Est-ce que chaque groupe a pris une photo avec sa tablette, et a terminé sa recherche sur internet ?

- Oui ! répondirent les enfants assis autour d’elle sur des bancs, à l’ombre de la grange.

- Je vous rappelle que l’objectif de la séance était de prendre en photo une petite bête, ou une grosse, et de trouver son rôle dans le potager pour aider les maraichers. Les compétences s’informer et raisonner sont importantes aujourd’hui, car vous devez rechercher et sélectionner l’information en vue de répondre à une question. Alors, qui veut commencer ?

- Nous, répondirent Marlène, Charline et Léa en levant leur tablette et leurs doigts bien haut.

- Ok, on vous écoute les filles.

- Et bien voici notre photo, dit Marlène en tendant les bras en hauteur pour montrer l’image sur sa tablette à ses camarades, tout en faisant un tour sur elle-même. Tu nous as dit que c’était un bourdon. Nous, au début, on croyait que c’était une abeille.

- Oui, ajouta Léa, et c’est même un bourdon terrestre. Il joue le même rôle qu’une abeille d’après nos recherches. Et c’est un champion de la po-lli-ni-sa-tion. C’est-à-dire qu’il vient prendre le pollen des fleurs pour se nourrir, et au passage il le transporte de fleur en fleur, ce qui permet de les féconder. On a trouvé ça sur internet.

- Et après l’avoir fécondé, que se passe-t-il pour la fleur ? demanda Gwenaelle.

- Je ne sais pas, répondit Léa.

- Je crois que la fleur se transforme en fruit ? C’est ça ? dit Charline inquiète.

- Exactement. Le pollen permet la fécondation d’un ovaire d’une autre fleur de la même espèce. Puis cet ovaire se transforme en fruit. C’est comme cela qu’on peut avoir des cerises, des pommes, mais aussi des tomates et des courgettes. Car ce sont aussi des fruits issus de la fleur d’une plante. Et plein d’autres choses à manger. Même le cacao du chocolat a besoin d’une abeille, d’un bourdon ou d’un papillon pour être fécondé et former un fruit. Si vous pouvez manger du chocolat c’est grâce au travail de ces insectes ! Plus de 80% des plantes à fleurs dépendent des insectes pour la pollinisation. Donc on peut dire merci à qui d’après vous ?

- Merci les insectes ! répondirent les enfants en cœur.

- Le service que ces petites bêtes nous rendent est gratuit et indispensable à notre alimentation, car elles sont présentes dans la nature, c’est pour cela qu’il ne faut pas mettre de pesticides dans les cultures, dans les jardins et dans les villes. Aucun pesticide ! Il ne faut surtout pas les tuer. Certains papillons aussi peuvent jouer ce rôle, ainsi que des coléoptères, des petites bêtes volantes avec des ailes rigides.

- Nous, on en a trouvé un, dit un jeune garçon en levant sa tablette.

- Montre-nous sa photo Younes. Viens au milieu du groupe et lève bien ta tablette.

- C’est une… cétoine… dorée, de la famille des coléoptères, c’est toi qui nous as dit son nom. Alors on a cherché sur internet et on a trouvé que les coléoptères sont parmi les plus vieux pollinisateurs, ils existaient déjà il y a, heu… 200 millions d’années, je crois, avant les abeilles.

- Et les coccinelles font aussi partie de cette famille d’insectes, les coléoctères, ajouta Marius qui était dans le même groupe de garçons.

- Pas tout à fait coléoctères. Lis correctement son nom sur la tablette Marius.

- Ah, oui, co-lé-op-tères.

- Bon, je sais que beaucoup de groupes ont fait des photos et des recherches sur les abeilles, les bourdons, et même les papillons qui sont des insectes pollinisateurs, mais est-ce qu’un groupe a trouvé quelque chose de vraiment différent à présenter à la classe ?

- Oui, nous, dit Emilie. On a pris une photo de la jument Galipette, avec Julie et Antoine.

- Vous vous êtes trompés ! Il fallait rechercher des insectes ! intervint Younes à voix haute.

- Non, ils m’ont demandé tout à l’heure s’ils pouvaient la prendre en photo comme animal utile au maraicher, et je leur ai dit que oui. Antoine, peux-tu nous dire pourquoi votre choix était justifié ?

- Et bien on a cherché, et on a trouvé que la jument est très utile pour le jardin, car elle produit du fumier, qui est un très bon engrais pour nourrir les plantes. Cela permet de se passer de produits chimiques pour avoir de bons et gros légumes, grâce au caca de cheval !

Tout le groupe éclata de rire.

- Il a raison ! Le caca de cheval est très bon pour les légumes !

- Mais, on mange du caca de cheval alors, quand on mange des légumes qui ont poussé dessus ? demanda Charline d’un air dégouté.

- Non, on ne mange pas de caca de cheval. La plante puise dedans uniquement ce dont elle a besoin pour bien grandir, et elle laisse le reste. Cela s’appelle des nutriments, en particulier la potasse et l’azote. En parlant de cheval, ça va être l’heure de rentrer chez vous, il faut atteler la jument pour le ramassage scolaire. Car Galipette, en plus de produire du fumier, permet aussi d’aller vous chercher et de vous ramener dans les hameaux autour du village. Et elle travaille également au jardin, en tirant certains outils pour aérer le sol ou pour arracher les herbes qui gênent les cultures.

- Rendez-moi les tablettes s’il vous plait, avant de vous approcher de la jument, cela évitera la casse, intervint Franck. Puis il ajouta plus discrètement à l’oreille de Gwenaelle : « demande à Cassandre de t’aider à curer les pieds de la jument, elle est vraiment timide et en retrait, il faut lui donner un peu confiance en elle ».

Gwenaelle alla chercher le matériel d’attelage et commença à le poser sur le dos de la jument. Puis elle appela Cassandre.

- Cassandre, viens par ici pour m’aider à curer les sabots de Galipette, s’il te plait.

- Moi ? dit Cassandre, qui sembla se recroqueviller sur elle-même comme pour disparaître dans le sol.

- Oui, toi. Viens, je vais t’expliquer. Les autres, reculez un peu s’il vous plait ! Laissez-nous respirer !

Cassandre s’approcha lentement de Gwenaelle qui était près de la patte avant du cheval.

- Tu peux le faire, ne crains rien ! Moi je pèse soixante kilos, et cette jument en fait presque sept cents, pourtant c’est moi qui m’en occupe et qui la conduis où je veux. Le secret, c’est qu’il faut lui parler gentiment. Avant de faire quelque chose avec elle, tu viens la voir, tu la caresses en lui parlant, et après tu lui demandes de lever le pied. Regarde. Galipette, c’est moi Gwenaelle. Pied Galipette ! Pied ! Et tu lui pousses un peu la patte pour lui faire comprendre. Vas-y, essaye.

- Bonjour Galipette, dit Cassandre tout doucement en caressant le haut de la jambe de la jument qui paraissait une colonne de temple grec à côté d’elle. Puis elle se baissa, lui poussa le sabot en arrière comme l’avait fait Gwenaelle, et dit : « Pied Galipette, pied… s’il te plait Galipette, pied ! »

- Tu vois, elle fait ce que tu demandes. C’est une vielle jument, elle a l’habitude des enfants. Maintenant gratte le dessous de son sabot avec la pointe en fer du cure-pied.

- Cela ne va pas lui faire de mal ?

- Mais non ! Rien à craindre, vas-y, gratte ! Et donne un petit coup de brosse partout à la fin avec l’autre côté de l’outil pour terminer le ménage. Tu veux aussi faire les autres pieds ?

- Moi, Gwenaelle ! Moi ! s’exclamèrent plusieurs enfants.

- Hé, doucement autour de la jument, ne criez pas ! C’est à Cassandre de curer les pieds de Galipette aujourd’hui, elle n’avait jamais essayé avant.

Cassandre se mit à nettoyer les autres sabots, les grattant consciencieusement, les brossant parfaitement sous l’œil attentif de Gwenaelle. Puis, la jument attelée, les enfants montèrent à bord de la remorque couverte pour rejoindre l’école, et ensuite les différents hameaux, le tout au pas tranquille de la jument.

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