Chapitre 9

21 minutes de lecture

~ POINT DE VUE NICOLE ~

Ce matin, le temps est vraiment différent. Il fait un temps à rester sous la couette devant un bon feu. Quand je me suis réveillée, mon père était déjà parti et Éric avait pris son poste. Le plateau du petit déjeuner est posé sur la table et n’attend que moi pour être mangé. Je me redresse sur le lit, avance la table et commence à manger. Éric jette des coups d’œil dans la chambre et aux alentours pour vérifier que tout va bien.

L’aide-soignante passe une heure plus tard pour récupérer le plateau, pendant que l’infirmière vient vérifier l’état de mes blessures. Elle m’enlève les bandages à l’épaule et l’examine puis c’est au tour de ma cuisse.

— C’est parfait tout ça, tout a l’air d’aller bien. Je vais vous retirer les bandages. Si ça vous fait mal, vous sonnez.

— Je vous remercie.

Une fois les bandages enlevés, je passe à la salle de bain pour me doucher et m’habille avec les affaires que j’ai dans le sac. Alléluia enfin une bonne douche sans ces fichus bandages !!

Lorsque je sors, je vois Natasha qui essaie de convaincre Éric de la laisser passer. Elle est censée être en cours, qu’est-ce qu’elle fait là ?

Natasha, c’est la fille de Stéph et ma filleule. On est très proches, elle est comme ma fille.

— Qu’est-ce qui se passe ? demandais-je.

— Cette jeune fille voudrait vous voir, mais comme vous n’étiez pas disponible, elle a commencé à devenir hystérique, me répond Éric.

Mon regard se porte sur Natasha.

— Tu n’es pas censée être en cours ?

— J’ai un trou dans mon emploi du temps, alors je me suis dit : « tiens, je vais aller faire un bisou à ma marraine préférée » et me voilà.

— Ton père sait que tu es là ?

— Je n’ai pas besoin de lui dire ce que je fais de mon temps libre et il faut que je te parle d’un truc.

— Bon, viens, lui dis-je.

Éric la laisse passer et je referme la porte.

— Voilà, il faut qu’on parle de mon père.

— Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il a ?

— Justement, je ne sais pas trop. Il est bizarre depuis un moment. Il rentre de plus en plus tard, le soir.

— Ça a commencé quand ? lui demandais-je, en fronçant les sourcils.

— Depuis qu’il est revenu de votre mission à Bordeaux. Quand il rentre maintenant, il pue l’alcool à plein nez.

— Il s’est remis à boire ?

— J’ai l’impression, oui. Je sais que tu n’as pas le droit de parler de tes enquêtes, mais qu’est-ce qui s’est passé là-bas ?

— Tout ce que je peux te dire c’est qu'on est allés à Bordeaux pour une infiltration. On s’est fait passer pour le couple d’acheteurs que l’on avait coffré.

— Oh …

— Je savais qu’on n’aurait jamais dû faire ça tous les deux.

— Mais c’était pour le boulot.

— Oui … mais ça va plus loin que ça.

— Pourquoi ?

— Comme tu le sais ton père et moi, on se connaît depuis l’école primaire … et quand on était en troisième au collège, on a commencé à sortir ensemble et ça a duré presque deux ans.

— Pourquoi vous vous êtes séparés ? demande Natasha, intriguée.

— Nous n’avions que dix-sept ans et je suis tombée enceinte. Je ne me sentais pas prête à avoir cet enfant même si ton père se sentait prêt et qu’il voulait le garder.

— Tu as avorté ?

— Oui.

— Il est venu avec toi le jour où...

— Il est resté du début à la fin.

— Et c’est après ça que vous vous êtes séparés ?

— Oui. J’ai eu beaucoup de mal à aller vers lui et on a préféré prendre chacun notre route en restant amis.

Je marque une pause de quelques secondes, car les souvenirs de cette période remontent à la surface. Ça me fait toujours quelque chose quand j’y repense.

— Quand nous sommes allés à Bordeaux, nous avons dû jouer un rôle et on a échangé un baiser.

— Mais c’était pour le travail. Alors pourquoi …

— C’est comme ça que je voyais les choses, mais ton père les a vues autrement.

— Il a cru que tous les deux, c’était encore possible ?

— J’ai tenté de lui faire comprendre, mais il s’est braqué.

— Et c’est là que la descente aux enfers a commencé.

— Je ne pensais pas que c’était à ce point, lui dis-je.

— Mais après votre séparation, il a rencontré ma mère et ils se sont mariés. Donc c’est qu’il a tourné la page, non ?

— Peut-être qu’il avait tourné la page à ce moment-là, mais quand ta mère est décédée, il était au bord du gouffre. Il buvait énormément, alors j’ai essayé de l’aider, mais apparemment je n’ai fait que l’enfoncer un peu plus dans sa douleur.

— C’est compliqué votre histoire.

— C’est lui qui complique les choses, mais je vais lui demander de passer et je discuterai avec lui. On va arranger les choses.

— Merci.

Elle me serre dans ses bras et part.

~ POINT DE VUE STEPH ~

Avec Matt, nous sommes passés au bureau récupérer le fax du procureur ainsi que les adresses des anciens compagnons de cellule de Chris qui sont sortis. Nous allons aller sur le terrain. Voyons voir si ce que nous lui avons appris est ancré dans sa tête.

Je me mets au volant de la voiture et prends la route en direction de la prison des Beaumettes dans le 9ème arrondissement. Nous allons commencer par interroger tous les anciens compagnons de cellule de Chris dans une salle de parloir.

— C’est toi qui va faire les interrogatoires.

— Tu penses que je suis prêt ? questionne Matt.

— C’est en étant sur le terrain que tu le sauras. Et tu as assisté à tous les interrogatoires depuis que tu es là. Tu as pu voir plusieurs formes d’interrogatoires, tu t’es forgé ta propre opinion sur la méthode à utiliser. Tu en as mené certains et tu t’es très bien débrouillé.

Je me gare devant l’entrée principale des Beaumettes. Ça me fait toujours quelque chose quand je suis obligé de m’y rendre, je n’aime pas trop cet endroit … qui l’aimerait d’ailleurs.

Ce Centre Pénitentiaire comporte quatre bâtiments destinés aux hommes et un seul destiné aux femmes dans lequel sont également incarcérées les détenues mineures. Cette maison d’arrêt a une superficie de 30 000 m2 et une capacité de 1380 prisonniers.

Après avoir apprécié la vue et suite à ce petit aparté historique, nous entrons et allons à l’accueil.

— Bonjour, Commandant Camelin et Agent Bennett. Nous avons un parloir avec ces détenus, dis-je, en montrant ma plaque, pendant que Matt sort l’autorisation de parloir du procureur.

— Bienvenue à vous, messieurs. Si vous portez des armes, il me les faut. Sinon, vous pouvez y aller.

Nous sortons nos armes de leur étui et les donnons à la femme de l’accueil puis nous franchissons la barrière de sécurité et allons dans la salle de parloir, accompagnés d’un vigile.

Matt s’installe à la table et pose les dossiers dessus en attendant Kévin Ross. Il a fermé son visage, on dirait Nicole … hum, j’espère qu’il ne va pas trop s’inspirer d’elle. Lorsque le premier détenu arrive dans la salle, Matt se lève et je reste dans le fond de la pièce. Je n’interviens que si nécessaire. Le vigile de l’autre côté lui enlève les menottes et il s’assoit sur la chaise devant la table. Matt s’assoit à son tour et prend le dossier Ross.

~ POINT DE VUE MATT ~

— Je suis l’agent Bennett et je vous ai convoqué au sujet de Chris Cook.

— Je ne sais absolument rien à propos de Chris Cook.

— Vous allez me dire que durant les trois mois que vous avez passés avec lui, il ne s’est pas confessé ? Je ne vous crois pas.

— Je ne peux rien pour vous.

— Nous allons voir ça.

Stéph ne dit rien mais je sais qu’il écoute attentivement et qu’il observe mon mode opératoire.

— Comment s’est passée votre collocation en cellule ? demandais-je à Kévin.

— Il aimait bien s’étaler. Il avait de l’autorité dans la cellule et le centre.

— Vous le laissiez faire ?

— C’était une tête, ici. Il obtenait ce qu’il voulait dans la minute qui suivait.

— Il parlait avec vous ?

— Pas vraiment.

— C’est-à-dire ?

— C’est plutôt dans son sommeil qu’il parlait.

— Qu’est-ce qu’il racontait ?

— Il voulait se venger, finir une chose qu’il n’avait pas accomplie.

— Vous savez pourquoi il voulait se venger ?

— Il ne parlait pas de ça quand il dormait. Il répétait toujours la même chose : la vengeance.

— Vous n’avez pas été curieux ? Vous ne vouliez pas savoir pourquoi il souhaitait se venger ?

— J’ai fouillé dans ses affaires pendant qu’il était à la douche.

— Et vous avez trouvé quelque chose ?

— Il avait une photo, cachée dans un livre. Si je me souviens bien, elle représentait un homme brun aux yeux verts avec une femme à ses côtés, me répond Kévin.

— Elle ressemblait à quoi, la femme ?

— Elle était brune, yeux marrons.

J’entends Stéph s’avancer et sortir son téléphone de sa poche.

— C’était elle ? lui demande-t-il.

— Ouais, lui répond Kévin, après avoir bien regardé la photo sur le téléphone.

— Vous êtes sûr ?

— C’est une très jolie fille et jamais je n’oublie le visage d’une aussi belle fille, nous répond-il, en souriant.

Si Nicole était là et qu’elle venait d’entendre ça, elle lui aurait arracher les yeux sur place.

Stéph me montre la photo et je poursuis.

— Il y avait quelque chose d’autre sur la photo ? lui demandais-je.

— Il y avait des dates derrière.

Je prends un stylo et ouvre mon calepin.

— Je vous écoute.

— 31-12-07, 14-01-09, 26-11-16 et 05-05-27.

— Vous savez ce que ça représente ?

— C’est vous les flics, pas moi.

— S’est-il rendu compte que vous fouilliez dans ses affaires ?

— Il m’a saigné à coups de rasoir. Quand je suis sorti de l’infirmerie, ils m’ont changé de cellule.

— C’est tout ce que vous avez sur lui ?

— Je vous ai déjà dit que je ne pouvais rien pour vous deux.

— Vous nous avez pourtant donné de bonnes informations. Vous pouvez y aller.

Kévin se lève et frappe à la porte. Le vigile l’ouvre, lui remet ses menottes et fait entrer la seconde personne qui répond au nom de Sam Bell. J’attends patiemment que Sam soit installé et commence l’interrogatoire une seconde fois.

— Bonjour monsieur Bell, je suis l’Agent Bennett. Je vous ai fait venir aujourd’hui pour que vous me parliez de Chris Cook quand il partageait votre cellule.

— Pourquoi croyez-vous que je vous parlerais ? me demande Sam.

— Parce que si vous ne le faites pas, vous ferez une obstruction à une enquête de police, ce qui rallongera votre peine … en revanche, si jamais vous coopérez, je pourrais m’arranger pour une petite remise de peine.

— Vous feriez ça pour moi ? questionne Sam, qui semble intrigué.

— Faut voir. Si ce que vous me dîtes est utile, je pourrai revoir la question. C’est à vous de voir.

Il a l’air de réfléchir un instant à la question et semble vouloir coopérer. Ma proposition l’a intéressé.

— Je vous dirai tout ce que vous voulez savoir.

Je prends le dossier de Sam Bell et l’ouvre puis le pose sur la table. Je commence alors à poser ces questions.

— Qu’est-ce que vous pouvez me dire sur Chris Cook ?

— Ça dépend de ce que vous voulez savoir, me répond Sam.

— Comment était-il avec vous et les autres détenus ?

— Il faisait régner la loi, ici. Tout le monde se poussait sur son passage.

— Il faisait si peur que ça ?

— Il avait tout ce qu’il voulait en un claquement de doigts. Alors, il valait mieux faire ce qu’il disait.

— Vous savez pourquoi il était ici ?

— Tout le monde le savait. Mais on ne connaissait pas les détails. Du moins, quand il était réveillé.

— Qu’est-ce que vous voulez dire ?

— Il parlait en dormant. On pouvait lui faire dire n’importe quoi.

— Je parie que vous avez essayé.

— Je lui ai tiré les vers du nez. Il n’y a aucun mal à ça, non ?

— Au contraire, ça m’intéresse. Qu’est-ce que vous avez appris ? lui demandais-je, en souriant.

— Apparemment, il a kidnappé un homme qui l’avait identifié lors d’une de ses magouilles. Il a voulu en finir, mais il s’est fait coffrer.

— C’est le père qui l’a coffré.

— Il avait un complice qui travaillait pour lui, dehors. Il le tenait informé chaque fois qu’il venait le voir, nous informe-t-il.

— Vous avez un nom ?

— Vous le trouverez sûrement dans le registre des visiteurs.

— Nous y jetterons un œil. Que savez-vous d’autre ?

— Il n’avait pas beaucoup d’affaires mais il gardait toujours un livre sur lui.

— Quel livre ? lui demandais-je.

— Je crois que c’était un livre sur les meurtres.

— Vous connaissez le nom de l’auteur ?

— Non.

— À votre avis, pourquoi gardait-il ce livre ?

— Ce n’était pas un gros lecteur. Peut-être qu’il avait une certaine valeur à ses yeux, répond Sam.

— Vous savez s’il y avait quelque chose à l’intérieur qui aurait pu lui donner des idées ?

— Vous voulez parler de son évasion ? Il n’a pas eu besoin de son livre pour ça.

— Pourquoi ?

— Il s’est procuré les plans de la prison et du bâtiment. Il avait tout planifié à l’avance, avoue t-il.

— Comment s’est-il procuré ces plans ?

— Il avait accès à la bibliothèque, aux ordinateurs. Peut-être que son visiteur lui a fourni ? Allez savoir.

— Nous allons vérifier tout ça.

— Vous parlerez pour moi, dites ? C’est toujours d’accord ?

— Je parlerai pour vous, ne vous inquiétez pas, affirmais-je.

— Merci, monsieur l’agent.

— C’est nous qui vous remercions, lui répond Stéph.

J’attends que Sam soit parti pour parler avec Stéph.

— Comment je m’en sors ?

— Très bien. Tu poses les bonnes questions, ta méthode est bonne.

— Qu’est-ce que vous pensez de ce qu’ils viennent de nous dire ?

— On va pouvoir avancer. Mais attendons de voir ce que Coprah dira, me répond Stéph au moment où Patrick Coprah arrive.

Il n’a pas l’air sympathique et encore moins accueillant. En le voyant s’installer, je savais qu’il serait compliqué de le faire coopérer avec nous. Peut-être faut-il user de ruse ?

— Bonjour, je suis l’Agent Bennett et je vous ai convoqué pour parler de Chris Cook.

— Connais pas, me répond Patrick, d’un ton sec.

Alors, effectivement ça va être compliqué mais je ne m’avoue pas vaincu. S’il y a bien une chose que j’ai appris, c’est qu’il a toujours un moyen de faire parler quelqu’un.

— Vous ne connaissez pas l’identité de votre ex-compagnon de cellule ?

— Vois pas de qui vous parlez.

— J’adore qu’on se foute de ma gueule.

— Tant mieux. J’adore jouer à ce jeu, me dit Patrick, en souriant.

— Si vous ne coopérez pas, vous tomberez pour obstruction à une enquête de police.

— J’en ai rien à foutre.

— C’est dommage pour vous. J’aurais pu faire jouer mes relations pour vous accorder une remise de peine.

— Je connais très bien toutes vos astuces pour nous faire parler, mais vous n’obtiendrez rien de moi. Je ne suis pas une balance.

— Ah non. Vous connaissez très bien toutes leurs méthodes, mais les miennes certainement pas, lui répondis-je, en lui montrant Stéph du doigt.

— Et vous, vous comptez vous y prendre comment ?

— Tout dépend de vous. C’est vrai qu’il existe plusieurs méthodes d’interrogatoires. Le bon et le méchant flic, ou alors on vous met tout sur le dos et vous finissez par tout balancer.

— C’est quoi, votre méthode ?

— Avec vous, j’utiliserai la psychologie.

— La psychologie ? C’est quoi, ça ?

— C’est l’étude des phénomènes psychiques des individus. Il s’agit d’étudier la relation entre une situation et une personnalité.

— Et vous croyez que ça fonctionne ?

— Ça a déjà fait ses preuves. Mais revenons à vous. Que pouvez-vous nous dire au sujet de Chris Cook ?

— Rien du tout. Vous n’obtiendrez rien de moi, réplique Coprah, en se levant et en avançant sa tête contre celle de Matt.

Je sens Stéph bouger, mais il s’arrête net lorsque je lève la main pour le stopper.

— Vous ne me faites pas peur, Monsieur Coprah. Alors, asseyez-vous ou c’est moi qui le ferai à votre place.

Patrick ne bouge pas le petit doigt. Alors, je prends les devants. Je sais que ça ne va pas plaire à Stéph mais je m’en fiche. Je bouge ma jambe d’un geste si rapide que Coprah s’assoit aussitôt. En effet, ma jambe a touché celle de Patrick si brutalement qu’il a été obligé de se rasseoir.

— Je vais vous reposer cette question une dernière fois. Qu’avez-vous à me dire sur Chris Cook ?

— Connais pas.

— Très bien. Vous ne voulez pas coopérer ? Ça ne fait rien. Nous allons passer à la vitesse supérieure.

Coprah est tellement sûr de lui, tellement sûr que j’allais craquer avant lui. Mais il déchante lorsque je sors son dossier. J’ai fait des recherches sur les trois personnes que nous devions voir aujourd’hui. Ce que j’avais trouvé ne figure pas sur le dossier de Coprah.

— J’ai fait des recherches sur vous.

— Tant mieux pour vous. J’espère que vous avez pris votre pied ? me demande Coprah en rigolant.

— J’ai déjà vu bien pire que ça. Je ne pense pas que le procureur soit au courant de certains de vos actes passés.

— Tout ce que j’ai fait est inscrit dans mon dossier, non ? réplique-t-il, avec ironie.

— Pas tout. Il y a des faits qu’il ne sert à rien d’insérer au dossier.

— Comme quoi ?

— La paternité, par exemple, lui répondis-je.

Le regard de Coprah change d’un coup. J’ai tapé dans le mille, on dirait.

— Vous voyez, c’est là que la psychologie va faire son entrée. Si je décrypte bien votre regard, je dirais que j’ai visé juste.

— Je vous préviens que si vous touchez à mon fils ou même à ma femme, vous le regretterez.

— Vos menaces ne me font pas peur.

— Si vous touchez à ma famille, je toucherai à la vôtre.

— Mes parents sont décédés, je suis fils unique et je n’ai ni femme ni enfants, mentis-je.

Le regard de Coprah est devenu si noir que je suis sûr que Stéph se demande si je n’ai pas été

trop loin. Évoquer la famille d’un prisonnier n’est jamais une bonne solution.

— Votre fils sait-il que vous êtes ici ? lui demandais-je.

— Non.

— Quel âge a-t-il ?

— Quatre ans.

— C’est un bel âge. Vous avez déjà raté les trois premières années de sa vie, ça serait dommage de perdre encore du temps.

— Ça, c’est à moi d’en juger.

— En effet, mais si vous voulez voir grandir votre fils, participer à son éducation et à sa vie autrement que dans un parloir, une fois par semaine, je vous conseille de coopérer avec moi, et maintenant.

— Et si je vous parle, qui me dit qu’il ne va pas essayer de me tuer, moi ou ma famille ? Quelles garanties pouvez-vous me donner ?

— Je n’ai malheureusement aucune garantie à vous donner, mais vous tenez à votre fils bien plus que vous ne le croyez.

Coprah semble réfléchir. Voir son fils grandir est très important pour lui et apparemment, j’ai réussi à le faire changer d’avis.

— D’accord, je veux bien coopérer, mais vous allez protéger ma famille.

— Je vous le promets.

— Qu’est-ce que vous voulez savoir ?

— Tout ce qu’il a fait depuis qu’il est entré dans votre cellule. Tous ses moindres faits et gestes.

— Chris Cook n’est resté que trois mois, les trois derniers mois qu’il a passés ici, aux Beaumettes, il s’est procuré des plans du bâtiment.

— Comment se les est-il procurés ?

— Aucune idée, mais il recevait de la visite, une fois par semaine. Le même jour à la même heure.

— Vous a-t-il donné un nom ?

— Il ne m’a jamais beaucoup parlé. Mais il pouvait rester toute la nuit debout à mettre en place son plan.

— Ça lui arrivait souvent ?

— Il a commencé à veiller durant plusieurs nuits depuis le premier jour où il est entré dans ma cellule.

— Est-ce qu’à un moment donné il vous a demandé de l’aide ?

Coprah esquisse un sourire.

— Vous n’avez jamais eu affaire à Chris Cook, on dirait ? demande Coprah, en souriant.

— J’espère n’avoir jamais à le faire. Répondez à ma question, s’il vous plaît.

— À partir du moment où il est entré aux Beaumettes, il n’a plus jamais travaillé en équipe. Après ce qui est arrivé à son équipier, c’est normal.

— Est-ce qu’il a contacté quelqu’un ? questionnais-je.

— Sachez que c’est un homme qui parle beaucoup quand il dort. Et apparemment, il a entendu parler d’une femme qui a un compte à régler avec le type qui l’a envoyé au trou.

— Eva Cox ?

— Vous êtes déjà au courant, on dirait, répondit-il.

— Est-ce que vous avez vu un livre qu’il gardait près de lui ?

— Oui.

— Vous l’avez ouvert ? interrogeais-je.

— Jamais de la vie. Je tiens à rester en vie et il a été très clair à ce sujet. Je ne devais en aucun cas toucher à ses affaires.

— Savez-vous pourquoi il voulait sortir ?

— Il n’a jamais supporté d’être enfermé. J’ai appris de source sûre qu’il voulait finir un travail inachevé. explique Coprah.

— Quel travail ?

— D’après ce que j’ai compris, il a quelqu’un à supprimer.

— Vous avez un nom à me donner ?

— David Bernard, me répond Coprah.

— Vous êtes sûr ? intervient Stéph.

— Absolument certain. Et je sais qu’il avait un carnet où il a noté des adresses.

— Et bien évidemment, il a gardé ce carnet ?

— C’est loin d’être un mec débile. S’il sent une embrouille, il l’éliminera.

— Je vous remercie d’avoir coopéré. Vous pouvez y aller, monsieur Coprah.

— Vous avez intérêt à tenir votre parole, sinon je m’occuperai de vous.

— Je tiens toujours une promesse.

Coprah sourit et sort. Je referme le dossier de Patrick Coprah et reprends les autres. Je me lève et me tourne vers Stéphane.

— Nous avons du boulot.

— On va s’occuper des deux qui sont sortis et on s’y met. Tu as fait du très bon travail, me dit Stéph.

— Merci, chef.

— Je t’ai déjà dit de ne pas m’appeler chef.

— Bien sûr, Commandant.

Nous rejoignons la voiture, trempés jusqu’aux os par la pluie qui tombe.

— C’était quoi, ton truc avec ta jambe ? me demande Stéph.

— Oh ça... je l’ai vu lors d’un interrogatoire assez musclé entre le Commandant Bernard et un suspect. Elle m’a montré comment faire et où frapper.

— Ne le refais jamais plus.

— C’était juste pour lui montrer qu’il ne pouvait pas faire ce qu’il voulait.

— J’avais bien compris, mais tu n’es pas obligé de suivre l’exemple de Nicole. Du moins, sur certains points, et celui-là en fait partie.

— Je vous promets que je ne recommencerai plus.

— Où habite Philippe Jeunet ? demande Stéph.

— Il vit dans un appartement situé dans le 8ème arrondissement.

— Le nom ?

Je prends le dossier Philippe Jeunet et l’ouvre.

— C’est la rue Cyrano. Le numéro du bâtiment est le cinq.

Stéph prend la direction de la rue Cyrano. Elle est à cinq bonnes minutes de la prison des Beaumettes.

~ POINT DE VUE STEPH ~

La sonnerie de mon téléphone m’arrache à mes pensées. Je décroche sans vraiment regarder qui c’est.

— Camelin, j’écoute.

— Oui, c’est Nicole.

— Qu’est-ce qui t’arrive ? Ça va ?

— Ça peut aller. Il faudrait que tu passes me voir à l’hôpital.

— Pourquoi ?

— J’aimerais qu’on règle certaines choses, avant que ça n’aille trop loin.

— Tu veux que je passe aujourd’hui ?

— Si c’est possible, oui.

— Dès qu’on a terminé nos interrogatoires, je passe.

Avant que ça n’aille trop loin ? Qu’est-ce qu’elle veut dire par là ?

Je range mon téléphone car nous sommes arrivés chez Philippe Jeunet. Je me gare un peu plus loin car toutes les places sont occupées.

Arrivés devant la porte de l’immeuble, Matt appuie sur la sonnette qui indique le nom Jeunet.

Philippe Jeunet répond à l’interphone sans tarder.

— Oui ?

— Bonjour monsieur Jeunet, Agent Bennett et Commandant Camelin. Nous avons des questions à vous poser sur Chris Cook. Pouvons-nous entrer ? lui explique Matt.

Il y a un instant de silence puis la porte s’ouvre.

— Troisième étage. Le nom est marqué sur la porte.

Je pousse la porte et nous entrons. Il n’y a pas d’ascenseur, génial !!! Allez c’est parti pour monter les trois étages à pied. Une fois en haut, plusieurs portes s’offrent à nous. Nous nous partageons les deux côtés pour trouver l’appartement de Philippe Jeunet. Malheureusement pour moi, il est situé au bout du couloir que Matt a pris.

— Commandant, je l’ai trouvé, me dit Matt à travers tout l’étage.

Je dois refaire tout l’étage pour arriver à Matt qui s’empresse de frapper à la porte. Philippe Jeunet vient l’ouvrir et nous fait entrer. Il nous invite à nous asseoir autour d’une table.

— Je ne voudrais pas paraître impoli, mais j’aimerais voir vos plaques.

Avec Matt nous nous regardons et sortons nos plaques. Philippe les regarde et nous les rangeons.

— Pourquoi nous faire entrer, si vous n’êtes pas sûr de nos identités ? lui demandais-je.

— On est plus fort chez soi, au cas où ça tournerait mal.

— Vous savez pourquoi nous sommes ici. Nous voudrions vous parler de Chris Cook.

— Demandez-moi ce que vous voulez, je répondrai à toutes vos questions.

Matt commence à poser ses questions. Il reprend à peu près les mêmes que celles posées aux Beaumettes. Nous avons souvent les mêmes réponses que pour les autres, mais Philippe Jeunet nous a fourni d’autres informations sur Chris. Des informations qui pourraient nous être très utiles pour la suite. Au bout d’une heure et demie, nous prenons congé tout en le remerciant de sa coopération. Nous redescendons les trois étages au pas de course, puis rejoignons la voiture.

— Maintenant c’est au tour de Mickaël Martin qui loge dans un quartier assez mal fréquenté et il se trouve à deux minutes d’ici. C’est le numéro quatorze.

Je me gare devant le portail d’entrée et nous sortons. Je pousse le portillon et nous marchons en direction de la porte d’entrée. Arrivés devant celle-ci, je frappe à la porte tout en nous présentant. Tout à coup, nous entendons un bruit de verre. Je regarde par la fenêtre, mais ne vois rien.

— Passe par-derrière et fais très attention. Il nous le faut vivant.

Matt acquiesce d’un signe de tête, sort son arme et part de son côté. D’autres bruits de verre ont retenti, laissant penser qu’il y a bien quelqu’un à l’intérieur. J’espère qu’on n’est pas tombés dans un guet-apens.

J’ai essayé de déverrouiller la porte, mais elle semble fermée à clef. Je sors donc mon couteau suisse et tente de la forcer. Au bout de quelques secondes, elle laisse découvrir l’intérieur de la maison. A partir de maintenant, il va falloir être encore plus vigilant. Je range mon couteau avec hâte pour sortir mon arme et entre dans la maison. À cet instant, j’entends la porte de derrière s’ouvrir à la volée. C’est Mickaël Martin qui tente de s’enfuir avec un énorme sac.

~ POINT DE VUE MATT ~

Je n’ai pas anticipé cette action et j’évite de peu la porte dans la tête.

— Police, ne bougez plus. Lâchez ce sac et mettez les mains derrière la tête, lui ordonnais-je.

Mickaël lâche le sac pendant que j’appelle Stéph pour qu’il nous rejoigne dehors.

— Commandant, je l’ai attrapé.

Au moment où Mickaël lève les mains, il me fait une prise qui me désarme et me donne un coup de poing sur le visage. C’est tellement rapide que je n’ai pas le temps de répliquer et je m’effondre sur le sol recouvert de boue pendant que Mickaël en profite pour prendre la fuite. Stéph arrive et voit Mickaël courir. J’arrive à me relever tant bien que mal quand je vois Stéph se mettre à la poursuite du fuyard et le rattraper au bout de quelques secondes.

Comme ce serait plus simple si tout se passait bien mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué hein ? Mickaël a décidé de ne pas se faire prendre facilement, alors il engage le combat. Vu mon niveau au combat rapproché, je préfère laisser Stéph gérer et il le maîtrise au bout de quelques minutes.

— Ton cinéma s’arrête ici et maintenant, lui balance Stéph, en lui mettant son arme pointée sur le visage.

Il l’aide à se relever puis l’agrippe par le bras pour qu’ils puissent avancer. Je balance le sac jeté dans la boue par Mickaël par-dessus mon épaule.

Quand nous arrivons à la voiture, Stéph ouvre la portière arrière et fait asseoir Mickaël à l’intérieur lorsqu’une voiture de couleur noire remonte la rue. J’ai juste le temps de pousser Stéph à terre quand des coups de feu retentissent sur nous. Nous essayons de riposter, mais nous ne pouvons pas sortir de derrière la voiture. Au bout d’un moment, les coups de feu s’arrêtent et la voiture file à toute allure.

Nous nous relevons et voyons Mickaël couché sur la banquette arrière. Je le retourne et vois qu’il a été touché. Je fais un point de compression, pendant que Stéph prend le volant.

Avec ce qui vient d’arriver, je me pose beaucoup de questions et je suis certain que Stéph pense pareil. Nous sommes sur la bonne voie.

Touchons-nous au but ? Mickaël Martin possède-il des informations pouvant mettre un terme aux agissements de Chris ? Va-t-il rester en vie jusqu’à ce qu’il ait donné ces informations ?

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Claire Dorigneux ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0