Chapitre 5

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~ POINT DE VUE NICOLE ~

Mon père entre de nouveau dans la chambre.

— Comment tu vas ?

— Depuis tout à l’heure ? Ça va. Dis-moi, j’ai essayé d’appeler maman, mais elle ne répond pas. Tu sais pourquoi ?

— Euh ouais … je ne voulais pas t’inquiéter mais elle... euh... elle a été enlevée par Chris.

— QUOI ? ET C’EST MAINTENANT QUE TU ME LE DIS ?

— Et tu aurais fait quoi, si tu l’avais su avant ?

— Tu ne vas pas te mettre à me mentir aussi ?

Je le vois regarder par la fenêtre quelques secondes. Je sais qu’il va changer de sujet, il fait ça à chaque fois.

— Tu cherches quoi sur l’ordinateur ? me demande-t-il.

— Pourquoi tu changes de sujet comme ça ?

— On ne peut rien faire pour ta mère pour l’instant. John et Alex sont là-bas, ils veilleront sur elle.

Je m’apprête à lui répondre, mais il me regarde avec ses yeux d’un bleu perçant.

— Laurent m’a dessaisie de l’affaire.

— Et ça te gêne ?

— Pas vraiment. Je cherchais le positionnement de la voiture.

— Et qu’est-ce qui te fait penser que si tu retrouves la voiture, tu les retrouveras aussi ?

— Cette fille ne m’avait pas l’air très intelligente.

— Intelligente ou non, tout le monde sait qu’il faut abandonner une voiture après l’avoir volée ou après une prise d’otage.

Je me branche au réseau et donne l’immatriculation de la voiture. Quelques instants après, l’ordinateur trouve la voiture comme par enchantement.

— Tu disais ?

— Bon, tu as raison. Elle n’est pas si intelligente que ça.

— Merci, papa.

— Ils sont où ?

— Le chemin des Mésanges, lui répondis-je en le regardant.

Il fronce les sourcils en entendant l’adresse.

— C’est pas l’adresse de ton...

— Si.

— Mais qu’est-ce qu’ils font là-bas ?

— On va vite le savoir.

— Comment tu comptes t’y prendre ?

— Si je me souviens bien, David avait installé un système de caméra surveillance.

J’essaie d’entrer dans le système, mais il est protégé par un mot de passe.

— Il me faut un mot de passe.

— T’as pas une petite idée ?

— Peut-être qu’Erika le connaît.

Mon père sort son téléphone de la poche.

~ POINT DE VUE MARK ~

— Je vais demander à Stéph de nous l’amener.

Il compose le numéro et attend qu’il décroche.

— Oui allô...

— C’est Mark.

— Je n’ai encore rien trouvé. informe Stéph.

— Nicole a peut-être trouvé quelque chose, mais on a besoin d’un petit coup de main.

— Qu’est-ce que je peux faire ?

— Il faudrait que tu nous déposes Erika dans la chambre de Nicole.

— Je ne peux pas la faire sortir du commissariat comme ça.

— On n’a pas vraiment le choix.

— Et si c’est moi qui l’interroge ? propose Stéph.

— Je pense que ça marcherait mieux si c’est Nicole qui lui parle.

— Et en quoi elle peut vous aider ?

— Nicole a trouvé la position de la voiture et l’adresse à laquelle elle figure est celle où elle habitait avec mon fils. Il nous faut le mot de passe pour entrer dans le système de sécurité.

— Je vais voir ce que je peux faire, dit Stéph.

Il raccroche aussitôt, je fais de même et regarde ma fille.

— Quoi ?

— Il est bizarre.

— Qui ?

— Stéph.

— Il t’a parlé sèchement à toi aussi ? me demande-t-elle.

— Oui. Qu’est-ce qu’il a ?

— Je ne sais pas. Il a changé de comportement quand je lui ai dit que j’étais enceinte.

Je me redresse et regarde dehors. Un bon quart d’heure passe avant que Stéph n’arrive avec Erika.

Il ouvre la porte de la chambre et la pousse sans ménagement à l’intérieur puis referme la porte.

Je la regarde et elle baisse les yeux automatiquement.

— Je crois qu’on devrait les laisser. Tu veux un café ? demande mon père à Stéph.

— Non merci.

— Si, tu veux un café, et on va discuter.

Je prends Stéph par les épaules et le traîne en dehors de la chambre.

~ POINT DE VUE NICOLE ~

— Tu peux t’asseoir si tu veux.

Elle s’assoit et me regarde du coin de l’œil.

— Je suis désolée.

— Désolée de quoi ?

— De t’avoir tiré dessus, me répond-t-elle.

— Ce n’est pas important, j’en ai vu d’autres.

Elle essaie tant bien que mal d’esquiver mon regard.

— Tu sais que tu peux toujours me faire confiance, à mon père et à Stéph aussi. lui dis-je pour la mettre en confiance.

— Je sais, mais il m’a demandé de ne faire confiance à personne.

— Il faut qu’on le retrouve avant que ce ne soit les autres qui le fassent.

— C’est mon mari et le père de ma fille… je ne peux pas trahir sa confiance.

— Alors tu dois savoir ce que tu fais.

— Tu sais ce que ça fait de se lever le matin et de ne pas savoir si on va pouvoir se lever le lendemain matin ? Tu sais ce que c’est que de vivre avec la peur au ventre ? questionne Erika, en colère.

— Non je ne sais pas, mais ce que je sais moi, c’est que ça fait 17 ans que je vis avec quelqu’un que je pensais connaître par cœur et j’ai appris qu’il m’avait menti pendant tout ce temps. Et ce que je sais aussi c’est que ça fait 17 ans que je vis sans savoir si mon frère est vivant ou non.

— Ce n’est pas la même chose.

— C’est sûr, ce n’est pas la même chose mais à cause de son erreur, il s’est mis dans une position difficile pour me prouver à quel point il tient à moi.

— Désolé, mais j’ai promis. Et il ne faut jamais trahir une promesse que l’on a faite. C’est une des règles de ton père, tu devrais le savoir.

— Imagine que ce soit les autres qui le trouvent avant nous. Tu crois qu’ils le laisseront en vie après ce qu’il a vu ? interrogeais-je.

— Je ne sais pas où il se trouve.

— Ok, tu ne veux rien dire pas de soucis. Avant cette histoire vous habitiez au chemin des Mésanges...

— Oui.

— Il me faut le mot de passe pour entrer dans le système de sécurité, expliquais-je.

— Je n’étais pas d’accord pour qu’il le mette en place.

— Pourquoi ?

— Il était devenu parano depuis qu’on y vivait. Il voyait des gens qui le suivaient partout. ajoute-t-elle.

— C’est normal après ce qu’il a vu.

— Je lui ai demandé d’aller en parler à la police, mais il m’a dit que même s’il allait les voir, ils ne pouvaient rien faire.

— Il t’a dit ce qu’il avait vu ?

— Il n’a jamais voulu.

— Il a eu raison, affirmais-je.

— Dans un couple, on est censé tout se dire.

— Parfois, quand on aime quelqu’un, il vaut mieux ne rien dire pour la protéger.

— J’aurais préféré qu’il m’en parle.

— Si tu avais été au courant, ta fille ne serait pas ici et tu ne serais pas là à me parler.

— Bébéchou, lance Erika.

— Pardon ?

— Le surnom que vous aviez ensemble, c’est ça son mot de passe.

Il a osé mettre ce surnom ridicule comme mot de passe.

— La honte, je te jure.

J’entre le mot « bébéchou » dans l’ordinateur et des vidéos apparaissent. Je fais signe à mon père d’entrer.

— C’est bon ? me demande-t-il.

— Oui, mais je n’ai pas de son, je vais devoir lire sur leurs lèvres.

Je fais un gros plan sur eux pendant que Stéph s’avance près du lit.

Je me concentre et fixe mon regard sur leurs lèvres pour essayer de les comprendre.

— Chris demande à John de se tenir prêt pour faire quelque chose. Il veut qu’il revienne demain matin pour commencer la première partie de leur plan.

— Quel plan ? interroge mon père.

— J’en ai aucune idée. Il n’en a pas parlé.

Je regarde Erika qui détourne son regard.

— Pourquoi tu fuis le contact ?

— David m’avait dit que si cette histoire recommençait, il nous emmènerait loin d’ici.

— Il t’a dit où ? lui demandais-je.

— Non.

— Tu sais, si tu ne nous dis pas tout ce que tu sais, tu peux être arrêtée pour obstruction dans une enquête de police, lui dit Stéph.

Mon père et moi le regardons d’un mauvais œil.

— J’en suis sûre.

Mon père continue de le regarder.

— Tu devrais prévenir Laurent de l’avancement de la situation, lui dit mon père.

Stéph le regarde sans bouger d’un poil.

— Tout de suite.

Il sort de la chambre d’un pas nonchalant et referme la porte.

— Qui s’occupe de ta fille quand tu travailles ? demandais-je à Erika.

— C’est David, mais quand il bosse, c’est un des gars qu’il a engagé.

— Elle ne va pas à l’école ?

— Si.

— Il travaille dans quoi ?

— Il fait le DJ dans les boîtes de nuit.

— Pourquoi il va là où il y a beaucoup de monde ?

— Il n’y va pas comme tu l’as vu hier. Il se déguise tous les soirs.

— Et vous habitez où en ce moment ?

— Dans une villa, pas très loin d’ici.

Le docteur Cruz entre dans la chambre.

— Bonjour.

— Bonjour docteur.

— Je croyais qu’on était d’accord, une visite à la fois, pas trois.

— Nous allons y aller.

Mon père me dit au revoir.

— Je crois que tu devrais la prendre avec toi. Tu en auras besoin quand tu y seras.

— À plus tard, poussin.

Stéph est derrière la vitre et me regarde bizarrement. Je crois qu’il va falloir qu’on s’explique tous les deux. Je n’aime pas trop son comportement depuis qu’il est venu récemment.

— Nous n’allons pas nous entendre si vous faites ce que je vous interdis de faire.

— Désolée, lui dis-je, en fermant l’ordinateur.

— Comment vous vous sentez ce matin ?

— Bien.

— Très bien. Dans une heure au plus tard, je vais vous emmener faire une nouvelle échographie et, si tout va bien, vous pourrez rentrer chez vous.

— Pour de vrai ?

— Oui.

— Enfin une bonne nouvelle.

— Et ce n’est pas parce que tout va bien pour vous et pour vos embryons que vous pouvez vous surmener et vous mettre au plus mal, me dit-il.

— Ça n’arrivera plus.

— Si je vous retrouve dans mon service dans cet hôpital parce que vous vous êtes pris une balle ou autre chose, je vous jure que je vous attache à votre lit.

Je souris et une idée me vient en tête.

— Je peux vous poser une question personnelle ?

— Dites toujours.

— Vous avez quelqu’un actuellement dans votre vie ?

— Non.

— Est-ce qu’il y en a une qui vous plaît, dans votre service ?

— Pourquoi vous voulez savoir ça ?

— J’ai vu comment vous regardiez Marie et ce regard-là ne trompe personne.

— Et qu’est-ce que vous me conseillez ?

— Invitez-la à dîner. Marie aime bien quand les hommes font le premier pas. On dirait pas comme ça mais elle est timide aux premiers abords.

— C’est la première fois qu’une de mes patientes me conseille sur ce sujet.

— Après, vous en faites ce que vous voulez.

Ah bah tiens, quand on parle du loup.

Marie entre dans la chambre avec l’infirmière.

— Je reviendrai vous chercher dans une heure. À tout à l’heure.

L’infirmière me change mon pansement sur l’épaule.

— Votre plaie est très belle. Pas d’infection, belle cicatrice.

Elle enchaîne sur celui de la jambe.

— Là aussi, c’est joli. Mais vous allez garder encore quelque temps votre atèle.

— D’accord.

~ POINT DE VUE MARK ~

Pendant ce temps-là, avec Stéph et Erika, nous étions arrivés devant la maison qu’elle nous avait indiquée.

Je donne les ordres et les deux autres écoutent avec attention.

— Tu vas entrer comme d’habitude. Stéph et moi nous allons nous positionner devant et derrière la maison.

Ils acquiescent d’un signe de tête.

— Il va me demander pourquoi vous m’avez relâchée.

— Tu inventes quelque chose qui tienne la route.

— Comment je saurais si vous êtes en place ? demande-t-elle.

— Tu vas mettre cette oreillette. Tu as les cheveux longs, ça devrait aller. Dès qu’on est en place, on te le fait savoir grâce à l’oreillette.

— J’aime pas beaucoup lui mentir comme ça.

— Dis-toi que tu fais ça pour vous.

Elle a un moment d’hésitation et elle prend l’oreillette puis la place dans son oreille gauche.

Elle sort de la voiture et ouvre le portail. Elle le laisse à peine ouvert pour que nous puissions le franchir sans peine. Même de loin je la vois trembler de la tête aux pieds.

— Essaie de te détendre un peu, lui dis-je.

À ce moment-là, un homme surgit de derrière un arbre et elle sursaute.

— Vous m’avez fait peur. Qu’est-ce que vous faites là ?

— Votre mari m’a appelé. Je suis allé chercher votre fille à l’école et je l’ai ramenée.

— Ah.

— Vous avez eu de la chance que je vous reconnaisse.

— Pourquoi ?

— J’ai reçu des ordres. Je dois tirer sur tout ce qui bouge et qui entre sans permission.

— Heureusement pour moi, alors, lui dit-elle, en rigolant nerveusement.

— Vous m’avez l’air bien nerveuse ?

— Je m’inquiète pour ma famille. Ça vous pose un problème ?

— Pas le moins du monde.

— Vous êtes combien à être revenu bosser ?

— Tout le monde est là. Nous sommes 4, comme d’habitude.

— Merci.

Elle lui tourne le dos et poursuit sa route pendant qu’il avertit les autres qu’Erika est là. Elle arrive devant la porte d’entrée et l’ouvre.

— C’est moi, je suis rentrée.

— Ils t’ont relâchée ? demande David.

En entendant la voix de mon fils, je me raidis. 17 ans que je ne l’avais plus entendu …

— Pas vraiment. Stéph a emmené ta sœur à l’hôpital et je me suis enfuie. C’est pour ça que je ne rentre que maintenant.

— Elle va bien ?

— Je ne sais pas. Elle était dans les pommes, mais je pense qu’elle s’en remettra.

— Tu n’aurais pas dû lui tirer dessus.

— Le coup est parti tout seul quand j’ai entendu un bruit dans l’arrière-boutique.

— Comment tu as fait pour berner mon père ?

— Ton père n’était pas présent à la boutique. Il n’y avait que ta sœur et Stéph. Où est Shana ?

— Dans sa chambre, elle se repose.

Pendant qu’ils discutaient, Stéph et moi étions entrés et avions assommé les hommes postés autour de la villa. Nous sommes prêts à intervenir.

Au son de ma voix, Erika sursaute.

— Qu’est-ce que tu as ?

— J’ai froid, mentit-elle.

Un bruit résonne dans la cuisine. J’entends quelqu’un se lever du canapé. Je pense que ça doit être David. Je me risque à passer la tête par un coin de la fenêtre et je les aperçois. Je marque un temps de pause et admire ce qu’est devenu mon fils. Il a tellement changé.

Je le vois entrer dans la cuisine et voir sa fille.

— Qu’est-ce que tu fais là ?

— J’ai soif.

Il lui remplit un verre d’eau et le lui donne. En mettant le verre dans l’évier, je le vois ralentir son geste puis marquer la pause. Il doit avoir vu quelque chose.

— Je crois qu’il m’a vu.

— Mais merde. Je t’ai dit de faire attention.

Je vois que David est revenu dans le salon avec sa fille dans les bras. Sa fille lui ressemble étrangement.

— Dis-moi. Tu es sûre de ce que tu m’as dit tout à l’heure ? demande David.

— À propos de quoi ?

— De ta fuite.

— Oui, pourquoi ?

— Je suis sûr d’avoir vu Stéph dans notre jardin avec un flingue et il attend que nous sortons.

— J’ai tout fait comme tu m’as dit, je l’aurais vu si j’avais été suivie.

Il pose sa fille à terre, va à la porte d’entrée, l’ouvre et regarde dehors.

— Je sais que tu es là, tu peux venir papa.

J’hésite un court instant puis je sors de ma cachette. A quoi bon ?

— Comment tu as su que c’était moi ?

— J’ai vu Stéph du côté de la cuisine et vu que Nicole est à l’hôpital, il ne pouvait traîner qu’avec toi.

Je baisse mon arme et demande à Stéphane de nous rejoindre.

Je m’approche de mon fils et le serre fort dans mes bras.

— Tu m’as manqué.

— Toi aussi, papa.

Stéph finit par arriver et range son arme.

— Ah, comment vas-tu, mon beau-frère préféré ?

— Nicole et moi, c’est terminé depuis longtemps, mais ça va, merci.

— Ah, désolé.

Mon téléphone sonne.

— Excusez-moi.

Je m’éloigne un peu et décroche.

— Oui allô.

— C’est John, je ne vous dérange pas ?

— Tu peux y aller.

— Il compte faire un gros coup et il veut que je sois là, informe John.

— Je suis au courant.

— Comment ça, tu es au courant ?

— La villa où il se cache est l’ancienne adresse où mon fils était installé. Elle est truffée de caméras de surveillance et Nicole s’est fait une joie de lire sur vos lèvres, expliquais-je.

— Comment elle a fait pour nous trouver ?

— La balise GPS de la voiture.

— Ah.

— Ça a l’air de te surprendre ? demandai-je.

— Pas du tout. Mais on a un autre problème.

— Lequel ?

— Le soir où l’appartement a été saccagé, il nous a fait surveiller, répond John.

— Il te l’a dit ?

— Non, pas ouvertement, mais il me l’a fait comprendre.

— Ça ne veut pas dire qu’il vous a fait surveiller.

— Comment tu expliques alors qu’il sait ce que Nicole et moi avons fait le jour de son anniversaire ?

— Bon OK. Tu nous rejoins à l’hôpital ?

— Je ne préfère pas.

— Écoute, je sais que lui dire la vérité a dû te coûter cher, mais il faut que vous mettiez les choses à plat, conseillais-je.

— Tu penses qu’elle veut me voir ?

— Si tu as une chance de recoller les morceaux avec ma fille, fais-le. Si elle ne t’a pas arraché les yeux, c’est qu’elle ne t’en veut pas autant qu’elle le dit.

— Elle m’a quand même foutu un méchant coup de poing dans la figure.

— C’est le juste retour des choses, lui dis-je.

— Bon, d’accord. Je suis déjà sur la route, je vous attends devant sa chambre.

— Ça marche, lui dis-je.

Je raccroche et range mon téléphone dans ma poche de pantalon.

Je retourne auprès de mon fils quand je vois sa fille qui s’accroche à la jambe de son père.

— Tu dis bonjour à papy ? dit David à sa fille.

— C’est ta fille ?

— Oui. Elle s’appelle Shana, elle a 6 ans.

Je m’agenouille et la regarde.

Elle se cache derrière la jambe de mon fils.

— Je crois que ton célèbre regard pénétrant lui fait peur, lance Stéph.

— Ça ne fait rien. Elle ne me connaît pas, c’est normal.

Je me relève et les regarde tous.

— John nous attend à l’hôpital, dis-je à Stéph.

— En route, alors.

— C’est qui, John ?

— Une tête brûlée qui vit avec ta sœur depuis 17 ans, lui répondis-je.

Nous nous mettons en route pour l’hôpital. Je vois très bien que Stéph a l’esprit ailleurs.

Quand nous arrivons, Stéph sort rapidement de la voiture. Lorsque nous entrons dans le service où se trouve Nicole, nous rencontrons Marie qui discute avec le docteur Cruz.

Marie nous regarde les yeux grands ouverts. Je frappe à la porte de la chambre et nous entrons.

— Nicole n’est pas là ? demandais-je à John qui se trouve dans la pièce.

— Elle est allée passer son échographie. Elle n’en a pas pour longtemps.

— Ok.

Je vois John regarder autour de lui en fronçant les sourcils quand ses yeux se posent sur David et Erika.

— Oh, désolé. David, voilà John, et John, voilà David, dis-je.

— C’est toi la tête brûlée, alors ?

— Oui. Et c’est toi le grand frère que tout le monde voudrait ?

— Que tout le monde voudrait ?

— Ce sont les mots de Nicole quand elle me parle de toi.

La porte de la chambre s’ouvre de nouveau et Nicole entre. En reconnaissant son frère, elle reste sans voix et s’appuie contre le mur. Il y eut un moment de silence, qui est rompu par John.

~ POINT DE VUE NICOLE ~

— Tu devrais peut-être t’asseoir.

— Je pense, oui.

Il vient jusqu’à moi et m’aide à m’installer dans le lit.

— Merci.

Je ne quitte pas mon frère des yeux, de peur que ce ne soit qu’un mirage et qu’il disparaisse à nouveau.

— Je crois qu’on devrait aller se prendre un café, Stéph, John, Erika, on y va. lance mon père.

Ils sortent tous de la chambre, nous laissant David et moi.

Il vient vers moi et je le serre fort dans mes bras comme si je voulais m’assurer qu’il est bien là. Je sens les larmes me monter aux yeux au fur et à mesure que les secondes passent.

— Je pensais que jamais je ne pourrais te revoir, lui dis-je, en ne voulant plus le lâcher.

— Moi aussi, mais grâce au bon Dieu, on est de nouveau réunis. Comment tu vas ?

— Je t’ai enfin retrouvé alors ça va.

— Papa a dit que tu avais trouvé un mec qui arrive à te supporter, me dit-il en rigolant.

— Non seulement il arrive à me supporter mais on va se marier aussi et bientôt on ne sera plus deux.

Je pose mes mains sur mon ventre et il comprend aussitôt.

— Tu es enceinte ?

— Oui, de jumeaux.

— Oh bah, tu ne fais toujours pas les choses à moitié, si je comprends bien.

— Jamais. Je suis toujours égale à moi-même.

Il sourit.

— Tu ne sais pas combien de fois j’ai prié pour que je puisse revoir ce sourire-là, lui dis-je.

Il me prend de nouveau dans ses bras pendant que je fonds en larmes.

À travers la vitre, il voit que John nous regarde.

— Je crois que ton homme voudrait te voir.

Je le regarde également.

— Tu sais pendant un temps j’ai douté mais je me suis rendue compte que le plus important ce sont les sentiments que tu éprouves avec le cœur.

Il se lève et laisse la place à John qui lui serre la main pour le remercier.

— Je voudrais qu’on discute.

Il balance ses bras d’avant en arrière.

— Oui, moi aussi, j’ai bien réfléchi et je pense que...

—... que j’ai merdé ? Tu as raison, j’ai tout raté, mais je suis en train de tout rattraper.

— Je voulais juste te dire que je comprenais pourquoi tu ne m’avais rien dit, mais si tu penses que tu as tout raté ça te regarde.

— Tu me pardonnes ?

— J’ai envie qu’on passe à autre chose et qu’on pense à l’avenir avec nos enfants.

Il me regarde droit dans les yeux et me demande :

— Je peux venir t’embrasser ?

— Non seulement tu peux, mais je pense que tu as le devoir de le faire.

Il s’approche de moi et m’embrasse comme jamais il ne l’a fait avant. Lorsqu’il s’éloigne, il rayonne de bonheur.

— C’est la première fois que mes sentiments sont aussi forts pour quelqu’un et personne ne me fera dire le contraire … jamais.

Je mets ma main sur sa joue et l’embrasse à mon tour.

— Tu sais, l’échographie était parfaitement normale. Le gynéco a dit que je pouvais rentrer à la maison.

— Génial. Je vais aller faire les papiers de sortie, alors.

Il m’embrasse une dernière fois et je le vois aller au bureau d’accueil.

Quelques minutes après, tout le monde entre de nouveau dans ma chambre.

Stéph va en direction de la fenêtre et regarde ce qui se passe à l’extérieur.

— Je pense qu’on devrait tous y aller, lance-t-il, soudainement.

— Pourquoi ?

— Les emmerdes arrivent.

Mon père le rejoint à la fenêtre et je le vois froncer les sourcils. Ca s’annonce pas bon du tout.

— On va devoir vous laisser.

Il se tourne vers nous.

— Dès que tout ce petit monde est à l’abri, je vous rejoins à l’appart.

— Allez-y.

À peine furent-ils tous partis que Laurent arrive dans la chambre, accompagné de plusieurs hommes.

— Où sont-ils ?

— Merci de t’inquiéter pour nous, lui répondis-je.

— Où sont-ils ?

— Qui ?

— Ne me prenez pas pour un idiot. Je te parle de ton père et de toute sa bande.

— Tu as vu mon père avec une bande, mon chéri ? demandais-je à John.

— Ce n’est pas le style de ton père, il est plutôt solitaire.

— Arrêtez de vous payer ma tête, j’ai vu sa voiture dehors et mon témoin a disparu. Alors, je vais me répéter une dernière fois, où sont-ils ?

Je me redresse dans le lit.

— Ah, c’est ton témoin ? Parce qu’aux dernières nouvelles, c’est Stéph et moi qui l’avons appréhendée. Et on n’en est pas ressorti indemne, si vous voyez ce que je veux dire.

— C’est mon affaire.

— Je ne crois pas non plus. C’est marrant que tu t’attribues les bienfaits d’une affaire alors que tu ne bouges même pas le petit doigt pour aller sur le terrain. C’est surtout ton affaire, quand il y a un gros lot derrière, c’est désolant… En tout cas, ce n’est pas dans cette chambre que tu pourras les trouver.

Il sort de la chambre, furieux, suivi de ses hommes.

— Tu as été un peu dure.

— Je m’en fiche. Que ce soit ton beau-père ou non, j’en ai marre qu’il s’attribue les mérites de quelqu’un d’autre pour se faire mousser.

— Et ton père ?

— T’inquiète pas, ils sont déjà loin.

Il me regarde avec un air bizarre.

— Il sait ce qu’il fait.

Il m’aide à faire mon sac et nous sortons de l’hôpital. Nous disons au revoir à Marie et au docteur Cruz puis nous montons en voiture.

— Pour cette nuit, je te ramène à la maison, mais il faudra que je t’emmène dans la planque que ton père a choisie dès demain matin.

— C’est son idée ou...

— Il a été le premier à l’émettre, je l’ai approuvée et Stéph aussi.

— Vous vous faites trop de soucis.

— On ne te demande pas ton avis. Tu vas là où on te dit d’aller, sans discuter.

— Ce n’est pas le chemin pour rentrer, ça.

— On va s’arrêter chez le traiteur du coin. Tu veux manger quoi ?

— Chinois, pour changer.

Il se gare sur le bas-côté et ressort 10 minutes plus tard, les bras chargés.

— Pourquoi tu as pris autant de choses ?

— Bah, tu vas manger pour trois, alors j’ai rallongé la ration.

— Tu te fiches de moi ?

— Tu es enceinte et je me rappelle comment tu étais la dernière fois.

— J’ai pris de nouvelles résolutions.

— Tu dis ça maintenant, mais dans quelques mois, tu vas commencer à grossir et là, je ne pourrai plus rien faire pour sauver mon assiette.

— À grossir ? lui demandais-je, en me tournant vers lui.

— Arrondir. Je voulais dire arrondir.

Dix minutes plus tard, nous arrivons à la maison. Nous montons les escaliers quand mon père apparait.

~ POINT DE VUE JOHN ~

— Vous en avez mis du temps.

— Laurent nous a fait passer un interrogatoire et on s’est arrêté chez le traiteur.

— Lequel ?

— Le chinois. Tu veux rester manger ?

John ouvre la porte et nous entrons.

— Je suis juste passé pour voir comment ça allait.

— Pour le moment, tout va bien.

— Si ça va, je vais y aller.

— Ne pars pas maintenant, j’ai besoin de te parler.

Comprenant que je voulais discuter seul à seul avec son père, Nicole décide d’aller prendre une douche.

— Si tu as besoin d’un coup de main, tu m’appelles.

— OK, chef.

Je rigole et vais dans la cuisine avec Mark.

— De quoi veux tu me parler ?

— De Nicole.

— Tu as peur ?

— J’ai la trouille de ce qui va et de ce qui peut arriver.

— Il faut que vous en parliez.

— Je ne peux pas. Je ne veux pas qu’elle passe son temps à s’inquiéter.

— Que tu lui en parles ou non, elle va s’inquiéter, c’est comme ça… mais n’oublie pas une chose, même si elle ne veut pas comprendre, elle peut entendre.

— Elle ne voudra pas entendre.

— Ne la sous-estime pas. Tu sais de quoi elle est capable.

— Justement, je sais de quoi elle est capable et c’est ça qui me fait peur.

— Parlez-en. Je peux rien faire pour toi là, elle ne l’entendra pas de la même manière si c’est moi qui lui parle.

Il me salue et part.

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