Chapitre 3

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~ POINT DE VUE MARK ~

En arrivant au commissariat, je croise mon gendre … enfin futur gendre mais bon, ça fait presque 20 ans qu’il est avec ma fille, c’est pareil. Il continue à marcher en direction de sa voiture sans faire attention à moi. Quand je fais mon entrée dans le commissariat, je sens que l’atmosphère a changé, elle est glacée.

— Qu’est-ce qui se passe ?

— Mon meilleur élément qui pète un plomb et qui décide de faire cavalier seul pour arrêter le plus grand criminel du pays. Rien de plus normal quoi.

Laurent se retourne et demande le silence.

— Écoutez-moi tous.

Tout le monde se tait et écoute.

— Je voudrais que tout le monde m’écoute. Cette enquête de braquage de galerie d’art va très vite prendre un autre tournant et il va vous falloir une très grande prudence.

— En quoi ça va la faire tourner ? demande Stéph.

— Disons qu’elle va faire ressortir des zones d’ombres sur plusieurs d’entre nous, dis-je.

— Vous voulez parler de qui ? interroge Greg.

Laurent me regarde et je réponds à sa place.

— Matthews et Cook.

— En quoi cette enquête les concerne ? demande Stéph.

— Il y a dix-sept ans, un homme du nom de Chris Cook a commencé à assassiner des passants dans la rue en leur arrachant le cœur.

— C’est une image ou... commence Greg.

— Ce n’est pas une image, ça s’est vraiment passé, lui dit Stéph.

En entendant cela, les autres se raidissent comme si leur sang les refroidissait.

— Cet homme leur arrachait le cœur avec un couteau. Mon fils est passé dans une ruelle à ce moment-là et il a tout vu. Il a été capable d’identifier deux personnes, mais on n’a jamais pu retrouver le corps de cet homme. Un après-midi, il est venu à la maison et cet homme l’a enlevé pendant que l’autre... poursuivis-je.

— Tu n’es pas obligé de continuer, me dit Stéph.

— Ils doivent savoir ce que cet enfoiré est capable de faire.

Je détache mon regard de Stéph et pose mes yeux sur les autres. Des larmes commencent à couler sur mes joues. J’essaie de faire comme si de rien n’était mais c’est pas si simple quand on est flic et père de se dire qu’on n’a pas mené à bien la promesse qu’on avait faite.

—...Ils ont tué mon voisin qui était venu aider mon fils en lui ouvrant la poitrine avec un couteau. J’ai vu ma fille allongée par terre qui gisait dans son sang pendant que Weiss avait sorti son couteau. Son t-shirt était déchiré et il s’apprêtait à la tuer, alors j’ai accouru et j’ai vu ma femme lui tirer dessus et il s’est effondré juste à côté de Nicole.

Je m’arrête quelques secondes pour reprendre mon souffle et mes esprits … personne ne parle ni ne bouge.

— Quand Nicole a été transférée à l’hôpital, elle a été opérée, transfusée parce qu’elle avait perdu beaucoup de sang et elle est tombée dans le coma pendant quelques semaines. Les plus longs jours de toute notre vie et à son réveil, un mois plus tard, elle se souvenait de tout ce qui s’était passé.

— Quel est le rapport avec Matthews et Cook, monsieur ? demande Matt.

— J’y viens.

— Excusez-moi.

— Ne jamais s’excuser, car...

— ... c’est un signe de faiblesse, monsieur, finit Matt.

Je souris et poursuis.

— Quelques temps après, elle est sortie de l’hôpital et elle a rencontré un jeune homme de dix-neuf ans. Elle en est vite devenue folle et elle l’est toujours d’ailleurs. Le jour où elle nous l’a ramené à la maison, elle nous l’a présenté sous le nom de John Matthews. À première vue, il avait l’air d’être un garçon bien, mais comme tous les pères flics, je me suis renseigné sur lui.

— Qu’est-ce que tu as trouvé ? demande Stéph.

— Que Matthews était le nom de jeune fille de sa mère et j’ai découvert le nom de son père. C’est à ce moment que j’ai fait le rapprochement.

Je vois les collègues de ma fille froncer les sourcils mais pas Stéph. Il a compris où je voulais en venir … il a toujours eu cette capacité à analyser les choses plus rapidement que les autres.

— Lequel des deux était son père ? interroge Stéph.

— Celui que ma femme a envoyé à la morgue, lui répondis-je, en le regardant dans les yeux.

— Qu’est-ce que vous avez fait ? demande Greg.

— Rien … je n’ai rien fait. Je l’ai observé pendant des jours et des jours, puis il est venu me voir.

— Qu’est-ce qu’il voulait ? questionne Matt.

— Me parler de son passé, de lui. Il m’a expliqué pourquoi il s’était rapproché de Nicole.

— Pourquoi il a fait ça ? demande Matt.

— Par vengeance, lui répond Stéph.

— Pourquoi ne pas s’attaquer directement à vous au lieu de s’en prendre à elle ? demande Greg.

— Le meilleur moyen pour n’importe qui de m’atteindre, c’est de s’attaquer à mes enfants. Et c’était pour lui, à l’époque, le meilleur moyen de me faire comprendre à quel point il avait souffert de la disparition de son père.

— Qu’est-ce que vous avez fait ? interroge Matt.

— Je lui ai interdit de revoir ou même de s’approcher de ma fille, mais elle n’a pas vraiment apprécié. Elle est venue me voir et elle m’a clairement dit que je devais arrêter de me mêler de sa vie et qu’à l’avenir, je devais la laisser faire ses choix.

— Vous l’avez écoutée ? demande Greg.

— Je lui avais promis, et je tiens toujours mes promesses. Du moins, j’essaie de les tenir mais je l’ai quand même surveillé pendant un moment et quand j’ai compris qu’il ne lui ferait rien, j’ai lâché l’affaire.

— Pourquoi ? demande Stéph.

— Il en était tombé amoureux et maintenant qu’elle était capable de se défendre toute seule et de lui faire la tête au carré au moindre problème, je lui faisais confiance.

— Ça se comprend, réplique Matt avec un petit sourire avant de croiser mon regard bleu perçant.

Son sourire s’efface aussitôt.

— Je veux dire par là que c’est normal, dit-il en bégayant

— Normal ?

— Bah, on est tous d’accord pour dire que Matthews est un petit veinard.

— Elle ne s’est jamais aperçue de rien ? intervient Stéph.

Je sens à son ton qu’il est agacé. Je peux le comprendre puisqu’il est sorti avec ma fille juste avant qu’elle ne craque pour John.

— Elle sait qu’il lui cache quelque chose, mais elle ne sait pas que c’est par rapport à son passé. Mais je ne voudrais pas me trouver là, le jour où elle l’apprendra.

— Je pense que personne n’a envie de l’être, dit Stéph.

— Maintenant, nous allons pouvoir bosser plus facilement. Notre première priorité est de retrouver au plus vite Cook senior pour l’empêcher de nuire à nouveau, dit Laurent.

Inconsciemment je me mets à sourire et Laurent comprend que Nicole a déjà mis son grain de sel.

— Qu’est-ce qu’elle a encore fait ? demande-t-il, exaspéré.

— Elle a monté une souricière.

— Qui a eu l’honneur de lui rendre ce service ?

Même si je ne lui réponds pas, il comprend ce qu’elle a mis en place.

— De mieux en mieux, ta fille. Je peux concevoir qu’elle ne respecte pas le règlement sachant que tu es son père, mais là... elle a battu tous les records. Où a-t-elle eu cette merveilleuse idée ? demande-t-il, ironiquement.

— C’est lui qui a eu l’idée.

— Encore mieux.

— Tout ce qu’elle veut, c’est qu’on lui fasse confiance, lance Stéph, le regard noir.

Il n’a jamais supporté qu’on touche à Nicole et ça depuis qu’ils se connaissent.

— À elle, ou à lui ? lui demande Laurent.

— Elle a toujours su ce qu’elle faisait.

— Je l’espère pour elle, sinon ça va lui coûter extrêmement cher.

— Ça veut dire quoi, ça ? intervins-je.

— Elle les enchaîne une par une, depuis qu’elle est là. Ils ont décidé de la faire partir.

— J’espère pour toi que tu plaisantes, prévins-je.

— C’est ta fille, c’est à toi de faire en sorte qu’elle aille sur le droit chemin.

Je m’apprête à lui répondre mais Stéph est plus rapide que moi.

— Pourquoi vous voulez la faire partir ?

— Elle s’est mise dans la merde toute seule. Je n’y suis pour rien.

— Vous leur avez expliqué qu’elle n’est pas la seule à être comme ça ? Tout le monde ne respecte pas le règlement à la lettre. C’est évident que si vous ne regardez que le mauvais côté, tout le monde y passe, mais est-ce que vous leur avez dit que c’est un excellent élément malgré sa manière de mener ses enquêtes ? Elle a toujours obtenu les renseignements qu’elle voulait pour arriver au but.

— Comment mène-t-elle ses interrogatoires quand elle ne veut personne dans la pièce de derrière et qu’elle coupe les caméras ? Vous le savez-vous ?

— Tout le monde sait qu’elle réussit là où nous on échoue. Personne ne s’est jamais plaint et n’a reçu de coup.

— C’est ce qu’elle vous a dit ?

— Non, c’est ce qu’on remarque chez les prévenus, lui répond Matt.

— Ce n’est pas comme ça que ça marche et vous le savez très bien.

— Ah. Comment ça marche, alors ? Pour être bien vu par les supérieurs, il faut être de parfaits petits soldats qui obéissent au règlement à la lettre, c’est ça ? s’énerve Stéph.

Laurent ne répond pas, mais il le regarde droit dans les yeux.

Stéph se tourne vers tout le monde.

— Si quelqu’un a déjà suivi le règlement de ce commissariat à la lettre, qu’il lève la main, demande-t-il.

Personne ne lève la main, même pas les deux élèves qui sont présents.

— Vous voyez, même vous, vous ne le respectez pas. Alors, arrêtez de regarder sans arrêt la méthode de travail que l’on utilise et concentrez-vous plutôt sur le résultat final, dit-il en fixant Laurent.

Je vois que tout le monde se regarde. Ça doit être la première fois qu’il parle comme ça à quelqu’un et à un supérieur.

— Je te conseille de ne pas partir sur ce terrain-là, prévient Laurent.

— Vous croyez qu’en passant des heures et des heures à essayer d’avoir les aveux d’un des plus gros receleurs de la ville, on aurait obtenu quelque chose ? On avait tout essayé, mais aucun résultat. Nicole a obtenu leurs aveux en une heure. Peut-être qu’elle ne nous a pas dit comment elle avait fait, mais aucun des prévenus n’a eu de coup et ne s’est plaint, réplique Stéphane.

Il marque une petite pause pour reprendre sa respiration et poursuit.

— Elle a toujours été là pour nous tous, que ce soit pour des raisons professionnelles ou personnelles. Si c’est comme ça que vous remerciez les personnes qui vous aident, je ne veux plus faire partie de ces personnes.

Je regarde que toutes les personnes présentes acquiescent d’un signe de tête et il continue sous mes yeux.

— On mènera tous cette enquête pour Nicole et John, mais de la façon que l’on jugera bonne pour nous et pour eux … même si elle ne vous convient pas.

Je les regarde à tour de rôle en souriant.

— Je pense que tout le monde préférerait que ce soit Mark qui dirige les affaires, juste le temps que vous régliez le problème de Nicole.

— Je n’ai pas d’ordre à recevoir de vous, aussi nombreux que vous soyez, réplique Laurent en regardant tout le monde.

— Nous non plus, lui répond Stéphane, sèchement.

Pendant un moment qui paraît long, le silence règne, comme si un courant d’air glacé était venu s’installer dans la pièce principale. Personne n’ose bouger.

— Comme vous voudrez, leur balance Laurent en levant les mains, puis il part.

Pendant qu’il sort, personne ne parle ni ne fait de bruit.

— Pourquoi toute cette violence ? demandais-je à Stéphane.

— Ce n’est pas la première fois qu’on lui fait la remarque. Ça fait trop longtemps que ça dure.

— Si tu m’avais parlé comme ça, je te promets que tu ne te serais pas relevé.

— Je ne me serais pas amusé à te parler comme ça. Je ne suis pas si fou que ça. Je tiens à la vie, quand même.

Les autres rigolent pendant que je réfléchis un moment.

— Nous allons travailler en formant deux groupes. Le premier travaillera sur le parcours de Cook du début jusqu’à maintenant. Le second groupe travaillera sur les agissements de John et d’Alex.

— Comment tu comptes travailler sur le parcours de Cook ? demande Stéph.

— John a gardé le dossier dans ses affaires et il doit y avoir une copie informatisée. On va aller en salle de réunion pour faire le point et vous commencerez à travailler.

Quand j’ai terminé, tout le monde se lève et prend de quoi noter puis nous nous rendons à la salle de réunion.

Lorsque tout le monde est installé, j’allume l’écran qui est accroché au mur. J’attrape la télécommande et commence à décrire le personnage qu’est Chris Cook.

— Chris Cook habitait au 93, rue des Oliviers à Aix-en-Provence avec sa femme Nadia Emire et son fils Alexandre. Comme vous pouvez le voir à l’écran, il a un casier plus long que le bras avec notamment plusieurs braquages et cambriolages, et n’oublions pas les meurtres. Malheureusement pour nous, on n’a jamais pu remettre la main sur la totalité des corps.

— Combien de victimes compte-t-il ? demande Stéph.

— D’après les informations qu’on a eues à cette époque, je dirais une cinquantaine.

— Et personne ne sait où se trouvent les corps ?

— Non. C’est pour cela que je vous demande d’être extrêmement prudents. Il est classé numéro un parmi les plus gros criminels du pays.

~ POINT DE VUE JOHN ~

Il faut que je protège Nicole et que je la mette en sécurité. Je suis revenu à l’hôpital et j’ai fait sortir Nicole. Elle n’est plus toute seule maintenant.

Avant que le personnel médical ne s’aperçoive de sa disparition, nous serons à l’abri. Je l’aide à monter dans la voiture et nous partons.

~ POINT DE VUE MARK ~

Je reçois un appel de Diane. Elle travaille à l’hôpital où Nicole est hospitalisée et c’est une amie de longue date.

— Oui allô.

— Mark, c’est Diane. Il faut je te parle, c’est important.

— Deux petites minutes.

Je donne mes directives aux autres en leur demandant de commencer leurs recherches en formant deux groupes.

— Qu’est-ce qui se passe ? demandais-je.

— Elle n’est plus dans sa chambre.

— Elle est peut-être allée faire un tour.

— Avec la dose d’antalgiques qu’elle a, elle ne peut aller nulle part toute seule, précise-t-elle.

— Où est-elle alors ?

— Aucune idée. Le gars que tu as fait venir a été retrouvé inconscient dans la chambre, m’informe-t-elle.

— Est-ce que quelqu’un l’a vue sortir ?

— Une aide-soignante a vu un homme avec elle. Au vu de sa description c’était John.

— Merci de m’avoir averti.

— Il n’y a pas de souci.

Je raccroche et retourne voir les autres au moment où mon téléphone sonne de nouveau.

— Allô ?

— Salut, avant que tu ne dises quoi que ce soit, je veux te rassurer. Nicole est avec moi, informe John.

— Où est-ce que vous êtes ?

— A l’abri, pour quelque temps.

— Comment elle va ? demandais-je.

— Elle est fatiguée, mais ça va. Je m’occupe d’elle, ne t’inquiète pas.

— Tu peux me la passer ?

~ POINT DE VUE NICOLE ~

Il me passe le téléphone et me demande de ne pas lui dire où nous sommes.

— Nicole ?

— Papa, tout va bien, dis-je.

— Tu es sûre ?

— Oui, ça va.

— Qu’est-ce que vous comptez faire ? questionne mon père.

— Je ne peux pas te dire, mais pour l’instant je me repose.

— Faites attention à vous.

— Je t’aime papa, dis-je.

— Moi aussi, poussin.

Je raccroche et donne le téléphone à John qui le met dans la poche arrière de son jean.

— C’est l’heure de prendre tes médicaments.

— Il aurait pu nous aider tu sais.

— Je sais, mais il a d’autres choses à faire pour l’instant.

Deux jours passent puis John se décide enfin à me parler.

— Il faut que je te parle d’une chose.

Son visage s’assombrit à ses paroles. Je ne l’ai jamais vu comme ça et il me fait un peu flipper.

— C’est grave ? lui demandais-je.

— Assez, oui. De toute façon, j’aurais dû te le dire avant.

— Me dire quoi ?

Pendant que je lui parle, il s’est éloigné et a installé une distance de sécurité entre nous.

— Matthews est le nom de jeune fille de ma mère.

Euh ok, si c’est ça son super secret stressant …

— Pourquoi tu as pris le nom de ta mère ?

— Parce que j’avais honte de porter celui de mon père.

— Explique-toi, lui dis-je.

Ca y est, il a éveillé mes soupçons.

— Mon père s’appelait Matthias Weiss.

En entendant le nom de son père, mon visage change d’expression.

Je sens la colère monter en moi tout à coup et la conversation reprend.

— Je ne t’ai rien dit avant, parce que j’avais honte d’avoir un parent comme ça, de ce qu’il a fait subir aux gens.

— Et tu as attendu dix-sept ans pour me le dire ? dis-je, en essayant de ne pas crier.

— C’est la décision que j’ai prise parce que je voulais te protéger, nous protéger. Je n’avais pas le choix.

— On a toujours le choix dans la vie. Et pour ton information, je sais me défendre toute seule.

Je le regarde dans les yeux et si je pouvais le tuer rien qu’en le regardant, il serait mort sur le coup, mais tout ce que je lui fais c’est un œil au beurre noir après m’être approchée de lui et l’avoir frappé au visage.

— On avait un pacte, tu te souviens ? Jamais de mensonge entre nous et tu n’as pas respecté cet engagement, lui dis-je.

— Je suis désolé...

— Tu es désolé ? C’est tout ce que tu trouves à me dire ?

— Qu’est-ce que tu veux que je te dise d’autre ?

— La vérité, pour changer.

— Bon, OK. Mon père, aussi loin que je m’en souvienne a toujours été un malfrat et je me suis dit qu’avec le temps, il allait changer, mais je me suis rendu compte que non. Il m’a dit qu’il ferait son dernier coup et qu’après c’était fini.

— C’était liquider tous les témoins, sa dernière fois ? lui demandais-je, ironiquement.

— Il m’avait dit que c’était sa dernière affaire et qu’après, tout serait terminé, mais il n’est jamais rentré à la maison. Le lendemain matin, j’ai lu dans le journal qu’il avait été abattu par la femme d’un policier à son domicile alors qu’il avait tué un homme et qu’il avait essayé de tuer une jeune fille de dix-sept ans.

— Il n’a eu que ce qu’il méritait, lui dis-je d’un ton sec.

— Je ne dis pas le contraire.

— Et toi dans tout ça ?

— J’ai cherché à me venger et pour ça, j’ai voulu m’en prendre à ce qu’il avait de plus précieux, et c’était toi.

Je veux lui répondre mais aucun son ne sort de ma bouche, tellement je suis choquée par ses propos.

— J’ai voulu me venger même si je savais que ce que mon père t’avait fait subir était mal. Je me suis rapproché de toi et j’ai gagné ta confiance.

— Tu as joué avec moi, c’est ça ?

— Non … plus maintenant en tout cas. Quelque temps après t’avoir rencontré, j’ai commencé à avoir des sentiments pour toi que je n’avais pas prévu.

— Pourquoi ? Les personnes de ton genre ne doivent pas avoir des sentiments pour les autres ?

— Attends, ce n’est pas ce que j’ai voulu dire...

— Trop tard, c’est ce que j’ai compris, lui répondis-je.

Les larmes commencent à monter, mais j’essaie de faire de mon mieux pour me contenir.

— La situation a changé parce que plus je passais de temps avec toi et plus j’oubliais ma douleur. Tu as réussi à me faire changer.

— Le plus drôle dans tout ça, c’est que je pensais avoir trouvé la perle rare. Mais là… Je viens de me rendre compte que je me suis laissée embobiner par mes sentiments, une fois de plus. Tu es comme les autres en fait, tu t’es bien foutu de ma gueule.

— Nicole...

— NON, TU LA FERMES. TU T’ES ASSEZ AMUSE SUR MON COMPTE COMME CA. TU ME DEGOUTES, criais-je.

— S’il te plaît.

— Je ne veux plus t’entendre, lui dis-je, énervée.

Je vais dans la chambre et claque la porte, d’un coup sec. Quelques heures après, je l’entends ouvrir la porte.

— Le repas est prêt. Si tu veux manger, tu peux venir.

Je sèche mes larmes et me lève du lit. Quand j’arrive dans la salle à manger, je vois qu’il a préparé mon plat préféré : le poulet à l’indienne. Ok, il essaie de se faire pardonner, mais ce n’est pas avec ça qu’il va y parvenir.

Je m’assois sur une chaise et il me sert.

— Merci, lui dis-je.

Quand il a fini de servir le repas, il s’assoit à sa place et nous commençons à manger. Il ne cesse de me regarder. Peut-être espère-il que je dise quelque chose ?

Quand j’ai fini de manger, je l’aide à débarrasser la table, toujours en silence. John retourne dans la salle et prend des feuilles ainsi qu’un stylo puis s’installe de nouveau à table. Je décide d’aller me coucher quelques heures plus tard et John est toujours penché sur sa copie et a beaucoup écrit, apparemment. Je vais de nouveau dans la chambre et éteins la lumière en espérant trouver le sommeil au plus vite. Plus tard dans la nuit, John ouvre la porte tout doucement et regarde à l’intérieur. Je sens son regard se poser sur moi, mais je ne me retourne pas et il la referme. Le lendemain matin, quand je me réveille, je vois que le soleil est déjà levé. Je me lève et va dans la salle à manger. En passant devant le salon, je vois que John s’est installé sur le canapé et dort toujours. Son téléphone est posé sur la table basse et je profite de ce moment pour le lui prendre. Je retourne dans la chambre et compose le numéro de Stéph et attends qu’il décroche, en ayant laissé la porte entre-ouverte. Au bout de quelques secondes, il prend l’appel.

— Allô ?

— C’est moi...

— Tu vas bien ? me demande-t-il.

— Ça pourrait aller mieux. Tu as de quoi écrire sous la main ?

— Oui, vas-y.

— Gamma Pi Sigma.

— C’est tout ?

— C’est tout ce que je peux te donner.

Je raccroche et vais reposer le téléphone sur la table alors qu’il se réveille. Une demi-heure après, nous mettons nos blousons, prêts à partir.

— Où va-t-on ? lui demandais-je, toujours en colère.

— Prendre des affaires pour se camoufler un peu.

Il ouvre la porte et sort le premier puis revient me chercher avec la voiture. Je vérifie que ma capuche est bien mise et monte dans la voiture. Il s’arrête quelques minutes plus tard devant une petite boutique qui portait le nom de The Funny Wig pour y prendre nos déguisements. Il s’apprête à sortir de la voiture quand je pose ma main sur son bras.

— C’est mon domaine.

Ne voulant pas me contrarier plus que ce que j’étais, il me laisse y aller.

— Tu restes dans mon champ de vision.

Je sors de la voiture, claque la portière et entre dans la boutique. Il ne me faut que quelques minutes pour faire mon choix.

La caissière est grande, aux yeux marrons. Elle a une alliance à la main gauche qui ressemble étrangement à celle que ma mère avait donnée à mon frère.

Lorsqu’elle prend ma commande, elle se fige sur place et je la reconnais également.

— Erika ?

Elle me fixe pendant un petit moment et me répond avec une voix tremblante.

— Vous devez faire erreur. Je m’appelle Sonia.

Après m’avoir répondu, elle jette un rapide coup d’œil à la pièce qui se trouve à ma droite et qui est recouverte d’un rideau de couleur claire.

— Passez une bonne journée.

— Vous de même. En espérant vous revoir bientôt.

Je ressors de la boutique et remonte en voiture. Cela fait un moment que nous roulons, lorsque j’aperçois une voiture de couleur sombre derrière nous. Sur le coup, la tête du conducteur ne me dit rien, mais au fur et à mesure qu’il avance derrière nous, son visage se dessine plus nettement.

— Tourne à droite, dis-je à John.

— Ce n’est pas la route.

— Nous sommes suivis depuis un petit moment, alors tourne à droite.

Il fait ce que je lui demande et la voiture sombre en fit de même.

— Appelle ton père.

Je sors le téléphone de sa veste et un coup de feu est tiré. Le pare-brise arrière a éclaté en mille morceaux.

— Allô ?

— Tu es au bureau ?

— Oui.

D’autres coups de feu retentissent et le rétroviseur intérieur ainsi que le pare-brise avant éclatent.

— Vous êtes où ?

— Pas très loin.

— Venez, on va vous couvrir.

~ POINT DE VUE MARK ~

Je raccroche et dis aux autres de se placer dans la rue de façon à attraper leur poursuivant.

Ils prennent tous leur arme et nous allons nous poster dans tous les coins que nous pouvons en dégageant la rue.

~ POINT DE VUE NICOLE ~

Quelques instants après, nous arrivons. Mon père sort de derrière une voiture, nous aide à entrer dans le commissariat, mais John veut rester pour aider. À l’instant où j’entre, je vois une femme qui sort de derrière le comptoir d’accueil. En la regardant de plus près, je la reconnais.

— Vous ? Qu’est-ce que vous faites ici ? demandais-je.

— J’avais une petite course à faire, avant de partir.

— Vous croyez que je vais vous laisser sortir comme ça ?

— Pas avec ton père dans les parages.

— Par où êtes-vous entrée ?

— Comme tout le monde, par la porte, me répond-elle, en souriant.

En la voyant se débarrasser de sa veste, je comprends qu’elle veut engager le combat. J’ai un bras en moins, le combat risque de ne pas être favorable pour moi mais tant pis, je ne peux pas la laisser s’en tirer comme ça.

Elle a la même technique de combat que moi. Au bout d’un moment, d’autres coups de feu retentissent dans la rue.

— Tu te bats bien.

— J’ai eu un bon professeur.

À un moment donné, je prends un mauvais coup.

~ POINT DE VUE MARK ~

— Nicole, tout va bien ? demandais-je, en entendant un bruit de chute.

Purée, je n’aime pas quand elle ne répond pas. Je demande à John de me couvrir.

— Pas de souci, vas-y.

Je ne mets pas longtemps à arriver.

— Pose ton couteau sur le sol et éloigne-toi de ma fille, tout de suite, lançais-je avec fureur.

— Très bien, comme ça j’aurais toute la famille, réplique-t-elle pour elle-même.

— Je ne le répéterai pas une troisième fois. Pose ton couteau et éloigne-toi de ma fille, tout de suite.

Je tire trois fois de suite et les balles l’atteignent sur le torse. Le couteau tombe à terre et elle s’effondre sur le sol. J’accours à ses côtés et l’aide à se relever.

Alors que nous atteignons mon bureau, John arrive au pas de course, alerté par les coups de feu que j’ai tirés.

— Qu’est-ce qui s’est passé ?

— Disons pour faire court qu’elle ne tuera plus personne.

Mais ce que nous ignorions, c’est qu’elle portait un gilet par balle et qu’elle était en train de se relever.

Elle s’élance en courant sur nous, mais John est plus rapide qu’elle et elle s’effondre de nouveau à terre.

Les autres arrivent dans la pièce au moment où John a tiré.

— Vous allez bien ? demande Stéph.

— Embarque-la, avant qu’elle ne revienne à elle, lui dis-je.

Il range son arme dans son étui et va la relever.

— Vous êtes en état d’arrestation pour tentative de meurtre sur la personne du commandant Nicole Bernard et de Mark Bernard. Tout ce que vous direz sera retenu contre vous devant le tribunal. Vous pouvez faire appel à un avocat et si vous n’en possédez pas, un commis d’office sera appelé.

Après lui avoir passé les menottes, il l’amène en cellule le temps que tout le monde reprenne ses esprits.

~ POINT DE VUE NICOLE ~

John vient me voir, angoissé.

— Ça va ?

— Tout va bien.

— Viens t’allonger un peu.

— Fiche-moi la paix, s’il te plaît, lui dis-je.

Je m’assois sur le canapé puis une envie de vomir me vient. Je me précipite à la poubelle pour y vomir.

— Ça va ? me demande John.

— Arrête de poser cette question. J’ai l’air d’aller bien ?

— Non, bien sûr que non. répond-il, inquiet.

— Alors pourquoi tu demandes ?

— Je vais t’emmener à l’hôpital.

— On reste là, ordonnais-je.

— Tu viens de vomir dans la poubelle donc je t’emmène à l’hôpital. Tu ne discutes pas.

— J’ai dû recevoir un coup dans l’estomac. C’est le contrecoup.

— Dans ton état, ce n’est pas bon de te laisser comme ça, insiste John.

— Je vais très bien.

Il va chercher un verre d’eau et je le bois afin qu’il me laisse tranquille.

— Mark, elle avait ça sur elle, lui dit Stéph.

Je le vois lui donner une enveloppe qui contenait une lettre de quelques mots.

Chère petite famille,

J’espère que vous avez pris ceci pour un premier avertissement de ma part. Si vous continuez à fouiller les restes du passé, je peux vous assurer que vous le regretterez. Je vais vous dire tout de même un petit secret, qui, je crois, ne vous enchantera guère. Je sais où se trouve ma proie et je n’hésiterai pas à m’en prendre à lui et à sa charmante petite famille. Je vais commencer par punir votre charmante épouse puis viendra votre tour.

Votre Ami du passé

~ POINT DE VUE MARK ~

Je me lève d’un bond et sors au pas de course. Je monte dans ma voiture et pars comme un voleur. Je dévale la route comme si j’étais dans une course de Formule 1, mais j’arrive trop tard. Je ne trouve qu’un morceau de papier qui indique un nouveau message.

Encore une fois, vous êtes arrivé trop tard Mark, et vous avez laissé votre précieuse femme sans surveillance. La tuer ne sera pas une chose difficile pour moi, mais ce n’est pas elle que je veux pour l’instant.

Votre Ami du passé

Je reste un moment sans bouger devant ce morceau de papier.

— EH MERDE !!! ENFOIRE !!!

Je remonte dans la voiture et reviens au commissariat.

Je fais un signe à John pour qu’il me rejoigne dans son bureau et il ferme la porte.

— Tu veux toujours te racheter ? lui demandais-je.

— Oui. Pourquoi cette question ?

— Il a enlevé Mélissa et il va la tuer. Il faut que tu entres dans son réseau.

— Je ne peux pas faire ça, rétorque John.

— Pourquoi ?

— J’ai parlé à Nicole et je n’ai aucune envie de lui faire revivre ça.

— Je comprends mieux d’où vient ton œil au beurre noir, lui dis-je.

— Je suis désolé, mais c’est non.

— Imagine ce qu’elle va te faire le jour où on retrouvera le corps de sa mère. Je peux t’assurer que l’état de ton œil ne sera rien comparé à ce qu’elle va te faire subir, répliquais-je.

Je le vois réfléchir un instant en pesant le pour et le contre. C’est la bataille dans sa tête, ça se voit.

— Bon d’accord. Je vais le faire.

Je passe devant lui et sors du bureau, le laissant seul.

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