Diamants (Vincent Tassy)

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Résumé : Dans un royaume pâle où la magie disparaît peu à peu, un ange descend parmi les Hommes. Aussi beau qu’hiératique, il représente un mystère vivant. Qui est-il ? Qu’est-il venu faire ? Alors que les manciens et les archivistes cherchent une réponse, certains décident d’agir. Le jeune Mauront, un jardinier dont les compositions florales relèvent de la féérie, se présente au concours pour devenir le Laquais de celui qu’on appelle l’Or Ailé. Le conseiller Dolbreuse, l’un des rares à avoir conservé une parcelle de magie, doit remplacer une reine que la perte de son amour a vidée de toute envie de gouverner. Mais trois rois mages des pays voisins se présentent à la Cour… leur visite annoncerait-elle le crépuscule du royaume ?

Diamants est le deuxième livre de Vincent Tassy que je lis. Ce jeune auteur présente un univers particulier et d’une grande beauté, une nouvelle voix dans le paysage des littératures de l’Imaginaire en Hexagone, entre fantasy et esthétique gothique.

Encore une fois, cet opus se montre très inventif et soigné au niveau de la forme, avec une langue très travaillée, un rythme poétique, des métaphores et des images bien trouvées. Le travail sur les couleurs, la lumière et l’ombre (le noir est envisagé comme la radiance absolue), mais aussi les champs lexicaux récurrents, comme celui des volatiles (un regard de poule, une transparence de cygne…) témoignent de l’originalité et de la qualité de l’écriture. Bien entendu, à l’instar de tout texte, celui-ci n’est pas exempt de petites paresses de-ci de-là, des répétitions notamment. Mais elles sont très rares, et étonnent au vu du niveau de langue déployé par l’auteur, à tel point qu’ils ne paraissent pas être un défaut, mais plutôt un style, qui m’a rappelé celui de Tanith Lee. Les quelques facilités dans l’exposition du cadre complexe de l’intrigue (le coup du miroir, bien connu des jeunes romanciers) sont sublimées et apparaissent comme le parti pris narratif d’un auteur qui maîtrise son art.

L’univers est aussi inventif que le reste, tout en faisant écho à des mythes lointains et bien connus (là encore, comme chez Tanith Lee). L’histoire se déroule dans un royaume où les questions de genre ne se posent pas : les hommes et les femmes peuvent avoir exactement les mêmes métiers, le futur époux de la reine est « choisi » par la reine mère comme le serait une concubine, et l’homosexualité, très répandue dans l’intrigue (il y a plus de couples gay qu’hétéros), n’est pas un sujet d’étonnement. En choisissant de mettre en scène ces caractéristiques culturelles sans chercher à les définir ou les expliquer, l’auteur fait preuve d’un vrai naturel dans son traitement du genre.

Vincent Tassy a réussi, au fil de son œuvre, à créer un univers singulier et original : on reconnaît à la fois sa patte et ses influences. Ses romans sont émaillés de références à la culture gothique, imaginaire et mythique : dans le choix des noms de lieux et de personnages, notamment (Théodora Siddal, qui rappellera la rousse évanescente qui fut la muse des préraphaelites et des poètes ésotéristes victoriens). Le choix de noms classiques et angéliques donnent un parfum de conte au récit et certaines sous-intrigues évoquent le Cabinet des Fées. Le rythme, les ellipses nombreuses, le refus de l’auteur de rentrer dans des considérations techniques ou logiques (jusque dans les problèmes relationnels des personnages) contribuent à renforcer cet aspect de conte de fées, hors de la réalité. Le monde qu’il nous dépeint ici est onirique, plein de mélancolie, de langueur. On y retrouve certains de ses thèmes récurrents : la posture de l’artiste rêveur comme observateur détaché de la vie, qui n’y participe pas (comme dans Apostasie), une vision de la vie comme un songe décalé, un isolement choisi, avec le danger qu’il y a à s’extraire du réel pour vivre un bonheur illusoire, coupé du monde, à l’image de l’exil volontaire de l’un des personnages clés du roman. En outre, le livre est émaillé de réflexions intéressantes et profondes sur l’Histoire, l’art, la politique, qui tombent toujours à propos et ne sont jamais indigestes.

J’ai eu un peu de mal à entrer pleinement dans l’imaginaire éthéré de Vincent Tassy, mais, une fois dedans, j’ai eu de la peine à le quitter. C’est un livre qui se savoure lentement, mais qui suscite également le mystère et l’envie d’en savoir plus. Malgré sa conclusion très bien amenée, il m’a laissé sur les lèvres un goût d’inachevé. Je serais bien restée plus longtemps à Œtrange, ou dans les forêts d’Anthée… Certaines questions demeurent sans réponses. Mais il ne faut pas trop en savoir sur les anges, nous dit-on...

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