Cyrion (Tanith Lee)

4 minutes de lecture

Résumé : Dans une auberge où coulent le vin et le miel, un voyageur offre une fortune à qui pourra lui apprendre comment trouver Cyrion, le légendaire guerrier qui arpente villes et déserts sans jamais se fixer. À la table de Roilant se succèdent les personnages les plus imprévus : sorciers, hétaïres, soldats et esclaves… tous disent avoir aperçu, ou du moins entendu, une bonne histoire sur Cyrion. On apprend qu’il est beau comme un ange, plus intelligent que tous les sages, mais également que c’est une fine lame doublée d’un mage. Plus encore que son épée, c’est sa tête qu’il utilise en priorité pour résoudre les affaires terribles et épineuses qui se présentent à lui : malédictions pesant sur des ruines, trahisons familiales sur fond de poison et autres problèmes impliquant dragons et démons. Roilant comprend rapidement que Cyrion est l’homme de la situation, celui qui pourra l’aider. Mais où se cache-t-il ? Viendra-t-il à lui ? Et pourquoi Roilant le cherche-t-il ?

Cyrion est l’un des jalons « heroic-fantasy » (penchant un peu vers le sword & sorcery) marquants de mon marathon Tanith Lee (l’un de mes grands thèmes de lecture cette année). Pourtant simple et inégale, cette histoire possède un je-ne-sais-quoi de charme qui rend cette lecture très agréable. Si le postulat est basique (un homme menacé recherche un héros légendaire), le traitement l’est un peu moins.

À travers les personnages, tout d’abord. Le narrateur – qui parle à la troisième personne – n’est pas Cyrion, mais Roilant, un personnage d’apparence insignifiante qui va rechercher son aide. Ce procédé consistant à faire découvrir au lecteur le héros à travers le regard d’autres personnages (ayant parfois des avis contradictoires) permet la création d’un protagoniste très charismatique et nuancé : il est en effet difficile de faire passer son protagoniste pour un héros invincible lorsque le narrateur adopte son point de vue. Tanith Lee est très douée pour distiller le mystère et la fascination avec subtilité, à travers une petite description en deux mots au détour d’une action ou une tournure ciselée. Et elle excelle dans la construction des personnages masculins hypnotiques. L’autre caractéristique de cette auteur (et qui fait la force de ses romans) est justement le female gaze qu’elle pose sur des tropes plutôt virilistes à la base. Cyrion est le chevalier itinérant typique, qui, dans un bouquin d’Abraham Merritt dézinguerait des dragons épée au poing et déflorerait des vierges. Il aurait peut-être un côté un peu niais ou brut de décoffrage. Cyrion, au contraire, est plus un personnage à la Moorcock, sans le côté maudit : il réfléchit avant de dégainer, se pose des questions, et préfère remporter un combat avec son intellect qu’à la force de sa lame (alors qu’il est un guerrier quasi invincible, possiblement surhumain).

Le deuxième point fort du livre est l’ambiance. Comme souvent chez Tanith Lee, le décor est merveilleux, évoquant une sorte de dimension parallèle à notre monde, différente, mais suffisamment proche pour qu’on puisse s’y immerger sans laborieuse explication préalable. On comprend rapidement que la ville de Héruzala est une deuxième Jérusalem, que les chevaliers de l’Ordre de l’Ange sont les Templiers (auxquels Cyrion est peut-être lié ?), que les Rémusains sont les Romains, etc. Tous ces détails, en plus de nous faciliter l’immersion dans ce monde particulier, nous permettent de relier les histoires de Tanith Lee entre elles, puisque cette histoire de réalité parallèle, proche de la nôtre, mais différente est présente dans presque tous ses récits.

Malheureusement, en dépit de ses qualités évidentes, ce livre m’a déçu de plusieurs manières.

Les points de vues multiples, et notamment ceux entre Cyrion et Roilant (qui échangent leurs identités dans la seconde partie du récit) rendent la narration un peu confuse par moment. Parfois, on ne sait plus trop qui est qui, ou qui parle. Il semblerait que ce soit voulu (les transformations, les faux-semblants et le changement d’identité sont un thème central du livre), mais cela m’a un peu détaché de l’histoire par moments, surtout dans la dernière partie.

Cette dernière partie apparaît à mon avis comme l’un des points faibles de ce livre. La première moitié du bouquin, composée de légendes concernant les exploits de Cyrion rapportées par les témoins dans l’auberge, est très solide. L’auteur nous plonge au cœur de cet onirisme magique dans lequel elle est passée maître. Mais la seconde partie est nettement plus faible. J’ai été déçue de perdre Cyrion, qui s’efface au profit de personnages nettement moins intéressants. J’ai également eu l’impression que l’auteur s’embourbait dans une intrigue et des détails qui n’apportaient rien au roman. Pour finir, j’ai trouvé que cette dernière partie déséquilibrait grandement la structure narrative : on change de registre, de décor, de temporalité, même, puisqu’on passe d’une seule journée servant de base à de multiples allers-retours dans l’espace et le temps à une séquence longue qui suit l’action de façon chronologique. On dirait presque qu’elle a été rajoutée après, ou que l’auteur avait au départ le projet de continuer l’histoire avant de s’arrêter abruptement.

La fin, justement, est très décevante. Tout le long du récit, les différents protagonistes entretiennent le mystère sur Cyrion, nous font sentir qu’il y a un secret à découvrir. Or, le lecteur n’en saura jamais plus qu’eux. Cyrion ne révèle pas ses secrets et on referme le livre frustré. Mais là encore, c’est l’une des recettes les plus efficaces de Tanith Lee : cultiver le mystère et ne jamais l’expliquer. C’est bien l’envie de découvrir ce quelque chose qui me fait dévorer ses bouquins les uns après les autres, quelle que soit leur disparité !

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