Chapitre 13

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Tandis que la fatigue le dominait, Ansfrid esquiva une énième fois le coup d’Eldrid. Ce dernier continua d’enchaîner les attaques jusqu’à ce que le brun trébuche et tombe sur ses fesses.

« Déjà épuisé ? Ricana Eldrid, un sourire moqueur au coin des lèvres. »

Cela faisait maintenant treize heures que les deux individus combattaient sans relâche. Le corps engourdit, Ansfrid n’arriva plus à se relever et ses forces le quittèrent peu à peu.

« Faisons une pause de quinze minutes. Annonça le titan en rejoignant Yuko qui regardait silencieusement l’entraînement. »

Le brunette sauta sur ses jambes et se dirigea aux côtés d’Ansfrid. Elle lui envoya un sort de guérison et en une fraction de seconde, le jeune homme retrouva toute son énergie. Ce dernier jeta un regard plein de reconnaissance envers Yuko qui lui rendit son sourire. Puis, elle rejoignit Eldrid, mécontent.

« Pourquoi cette expression fermée ? Demanda-t-elle en l’examinant des yeux afin d’apercevoir ne serait-ce qu’une trace de fatigue.

-Arrête de le soigner à chaque fois, il deviendra dépendant.

-Alors arrête avec tes entraînements de titans, contrairement à toi, il n’a pas trois poches d’énergie. Répliqua-t-elle sèchement.

-C’est pour son bien que je fais ça, de plus, nous n’avons pas beaucoup de temps. »

Il finit sur ces mots avant d’annoncer à Ansfrid de reprendre les combats. Ce dernier hocha de la tête sans se plaindre. A vrai dire, il n’avait aucun droit de rechigner s’il désirait ardemment retrouver ses compagnons. Depuis ce qu’Eldrid lui avait avoué la veille, son seul désir était de les retrouver en chair et en os.

« Ils sont en vie, je vous ai séparé parce que votre proximité causait des ennuis, ici comme en haut. »

Ses mots résonnèrent plusieurs fois dans la tête d’Ansfrid. Il les avait entendus, mais les avait-il réellement compris ? Il resta là, à fixer Eldrid. Il le regardait, mais ne le regardait pas en même temps. Son cœur battit la chamade, son gorge se noua tandis que ses yeux piquèrent. Tout se mélangeait en lui ; la joie de les savoir en vie, la tristesse de ne pas les avoir cherchés plus tôt, l’espoir de les trouver en bonne santé et la colère contre ce titan qui l’avait manipulé comme un vulgaire pantin. A ce moment même, tout ce qu’il désirait c’était d’abord de foutre le roux sept pieds sous terre, puis, retrouver ses chers compagnons.

Eldrid, devinant les intentions du jeune homme, se racla la gorge afin d’attirer l’attention sur lui.

« Je sais que, quoi que je dise, tu ne me croirais sûrement pas. Alors je te propose une offre, aussi bénéfique pour toi, comme pour moi.

-Je ne pense pas que tu sois en mesure de proposer quoi que ce soit, titan. Répliqua Ansfrid en grinçant les dents.

-Oh que si. Maintenant écoute-moi, tu n’es pas en mesure de reprendre cette quête, tu n’es pas assez puissant, comme tes camarades d’ailleurs. Vous, qui n’avez jamais mis un pied hors de votre chère petite île, ne savez rien de ce qui vous attend. Ce n’est pas une simple bataille, c’est une guerre ! La plus grande guerre que l’humanité n’a jamais vécue ! Le Ciel et les Enfers ne pardonneront plus aucun affront venant des humains. Tuer une déesse est un péché impardonnable et justice doit être faite.

-Si les dieux veulent tant venger leur semblable, pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Pourquoi maintenant ? Demanda Ansfrid.

-Tu la vois, Holda ? Jusqu’à ce jour, personne ne sait ce qu’est l’origine de ce peuple. Il n’est ni humain, ni dieu. Ce sont des créations faites dans le seul but d’ensevelir les dieux défunts. Pour cela, il faut minimum dix ans pour qu’un réceptacle soit choisi.

-Choisi ? N’importe qui ferait l’affaire, non ?

-Non, tout dépend le dieu qui meurt. Prenons le dieu de la guerre, les citoyens de ce peuple devront s’entraîner jour et nuit pour développer des sens aiguisés, endurcir leurs corps et endurances. Parce que si le dieu est mis dans le mauvais hôte, ce dernier explosera en mille morceaux et la puissance divine se transformera en un cauchemar pour l’humanité.

-C’est-à-dire ?

-Les pouvoirs deviendront une créature sans nom, dotée d’une force phénoménale. Personne ne peut les vaincre, même pas les dieux. »

Un silence s’installa dans la pièce. Aage et Yuko écoutaient la discussion avec beaucoup d’attention tandis qu’Holda s’était endormie sur le lit réservé à Ansfrid. Ce dernier se tourna vers la gamine aux cheveux blancs.

« En vaut-elle le coup ? Demanda le brun sans détourner le regard.

-Aider les dieux est un acte honorable, tu gagneras leur bénédiction et exauceront un de tes souhaits comme…

-Ce sont des génies maintenant ? Se moqua Ansfrid en coupant la parole au titan.

-Comme donner une jambe à ta mère. »

Ansfrid se tut. A ce moment, personne ne se doutait que les propos d’Eldrid avaient ouvert une blessure profonde dans le cœur du jeune homme. Ses pensées repassèrent le jour de l’incendie, lorsqu’une poutre était tombée sur la jambe de sa chère mère. Le brun ne pourrait jamais, ô grand jamais oublier le désespoir qui l’avait envahi ce jour-là. Il prit une grande inspiration, puis se tourna vers l’homme à la chevelure écarlate ;

« Quel est ton plan ? »

Depuis ce jour, Eldrid et Ansfrid s’échangeaient des coups, apprenaient à s’entendre et se comprendre, ce qui ne fut pas une tâche facile. Ils se disputaient tout le temps ; l’un provoquait tandis que l’autre répondait avec le poing, et une bagarre commençait.

Cette routine dura trois mois.

Un matin, lorsqu’Ansfrid s’apprêtait une énième fois à dévier l’attaque d’Eldrid, ce dernier s’arrêta net, il recula de quelques pas et annonça :

« Je pense qu’il est temps de le faire sortir. »

Il fallut quelques minutes au brun pour qu’il comprenne de quoi parlait le titan. La chose qui sommeillait en lui n’était pas apparu depuis ce fameux jour, quand il avait perdu le contrôle et blesser la personne qui avait pris le plus soin de lui. Ansfrid regrettait toujours, bien que la jeune Yuko lui avait bien fait comprendre qu’elle lui avait pardonné, il n’arrivait pas à faire taire cette culpabilité qui le rangeait.

« D’après mon constat, tu prends ta seconde nature lorsque tu fais fasse à une pression psychologique ; peine, colère, stress….

-Comment comptes-tu la faire sortir ? Demanda la brunette. »

Au lieu de lui répondre, Eldrid lui lança un regard dont le sourire laissa Yuko encore plus perplexe. Son frère avait été un homme doux et gentil, mais, après son changement d’homme à titan, il avait changé ; il était devenu une personne sans cœur. Enfin, c’était ce que la fillette pensait à ce moment-là, lorsqu’Eldrid provoquait Ansfrid en lui balançant des atrocités concernant sa personne, sa famille, ses compagnons, sa faiblesse, son manque de puissance, qu’il était un raté fini, que son existence n’était que futile dans ce monde. Sans oublier les insultes, Yuko entendit des jurons qu’elle n’entendra probablement jamais durant sa longue vie. Elle voulait que son frère arrête ; voir le brun accumulait la colère et peu à peu sombrer l’effrayait. Ses jambes commencèrent à trembler tandis que son souvenir de ce jour refaisait surface. Sans attendre une seconde, elle sauta sur pieds et tourna les talons, se dirigeant vers la maison où son grand-père méditait.

Quant aux jeunes hommes, le roux continuait à rabaisser l’ego et la fierté d’Ansfrid. Ce dernier avait du mal à retenir sa colère, bien qu’il sache que ses actes étaient purement intentionnels.

« Ta mère aurait dû se jeter dans un gouffre au lieu de perdre son temps à attendre un mari infidèle. Quelle femme pathétique ! »

Ce fut les paroles de trop ; Ansfrid éclata et laissa sa colère prendre le contrôle. Le jeune homme était déjà grand de taille, plus d’1m80, toutefois, en prenant cette apparence obscène et monstrueuse, il gagnait un autre mètre. Son corps entier se teintait d’une couleur noire dont la texture ressemblait à de la fumée qui s’évaporait dans l’air. Ses mains étaient devenues longues tandis que ses ongles s’étaient étirés en griffes acérées. Et que dire de ses beaux yeux turquoises ? Ils avaient gardé cette nuance bleutée, néanmoins, leur forme ainsi que celle de sa bouche ressemblaient à celles des démons qu’on trouvait dans les histoires pour enfants ; abominables.

« Que la fête commence. »

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