LA 7EME PORTE (4 / 5)

4 minutes de lecture

Yuko s'était remise debout, lessivée.

— Allez, on va essayer la première à droite. Enfin, on… Tu.

— Oh non, Nérine, s'il te plaît !

— Je ferai la prochaine.

La japonaise se mit à pleurer comme une petite fille.

— Non ! Je ne le ferai pas !

— Si, tu vas le faire. Il te suffit d'un peu plus de motivation.

Rose sortit le couteau de sa poche.

— Je savais que tu avais un mauvais fond, je l'ai vu dans ton âme. Comme les deux autres.

— J'ai besoin de cet argent.

— Moi aussi, figure-toi, mais pas au détriment des autres.

— C'est la vie, il y a les proies et les prédateurs. C'est comme ça. Allez, bouge-toi le cul, avant que je te motive encore plus.

La colère se dilua dans la peur. Tandis que Yuko marchait en direction de l'entrée, elle se demandait si Nérine passerait vraiment à l'acte en cas d'insurrection. Elle préférait ne pas s'en assurer. La vendeuse prit une profonde inspiration puis ouvrit la quatrième porte. À l'intérieur, elle trouva une table sur laquelle était posé un pistolet. Sans attendre, Yuko se jeta dessus, réaction qui attira Nérine à l'intérieur de la pièce, aussitôt mise en joue.

— Fais chier, fulmina la prédatrice.

— Maintenant, tu vas poser ton couteau et le faire glisser vers moi.

— T'as pas les tripes pour tirer. C'est toi qui va me filer ce flingue, pauvre demeurée.

— Ah ouais ?

De ses mains tremblantes, Yuko appuya sur la gâchette. La balle siffla à l'oreille de Nérine, estomaquée. Puis la tireuse reprit :

— Assez motivée pour poser ce couteau ?

La brunette capta le doux fumet de la vengeance dans cette question. Elle n'était plus aussi persuadée que Yuko était une personnalité faible et peureuse, ni que la prochaine balle raterait sa cible. Nérine s'exécuta, sans broncher davantage. L'arme surfa sur le sol bétonné jusqu'aux pieds de Yuko, aussi nerveuse qu'enragée, qui la ramassa de sa main libre.

— Maintenant, tu vas prendre ma place. Si tu tentes quoi que ce soit, je t'en colle une.

De cet accent japonais émanait une promesse on ne pouvait plus sincère.

Yuko amorça le changement de place, pointant pistolet et couteau en direction de Nérine, qui l'imita. Lorsque chacune eut achevé sa rotation de centre-quatre-vingt degrés, Yuko regagna le couloir, à reculons, toisant la traîtresse une dernière fois avant de refermer la porte, fière d'elle. La proie venait d'inverser les rôles. Pourtant, au dernier instant, elle retint la porte, la rouvrit. Œil pour œil, dent pour dent. Le pistolet menaça derechef la tête de la captive pour accompagner la voix de Yuko :

— Tu vas ouvrir la porte d'en face.

Nérine rongeait son frein. Se faire avoir de la sorte par excès de zèle la faisait bouillir de l'intérieur. Elle se jurait que, si elle parvenait d'une façon ou d'une autre à reprendre le dessus, elle se débarrasserait de sa rivale, quitte à l'étrangler à mains nues au beau milieu du couloir. Plus de pitié. Plus d'erreur. Et à elle le magot. Après tout, tuer semblait faire partie des options autorisées dans ce trou à rats.

— Allez, ouvre ! réitéra Yuko, agitant le canon du pistolet.

Rose se rappela les derniers mots de Stanislas comme sa main approchait la poignée de porte. Peut-être disait-il la vérité ? Ou peut-être essayait-il simplement de sauver ses fesses ? Roulement de tambours.

Lorsque sa paume embrassa le métal, son corps se raidit instantanément, trémula, puis se mit à fumer, traversé en continu par plusieurs centaines de volts, sous le visage épouvanté de Yuko.

— Qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce que j'ai fait ? répéta-t-elle, assaillie par la culpabilité.

Nérine s'effondra subitement par terre. Quelqu'un venait de couper le courant. Une odeur de chair brûlée infiltra les narines de la japonaise, en pleine crise de panique. En envoyant son bourreau à l'abattoir, quand bien même ignorait-elle l'issue de ce choix, Yuko venait de s'imposer un passage en solo à la dernière porte accessible. Cette fois, le repas du midi remonta de plus belle avant de finir par terre.

Quelques instants plus tard, la dernière candidate en lice lorgnait les restes de nourriture, partiellement digérés, étendre leur territoire au sol, millimètre par millimètre. Elle s'essuya la bouche de la manche. À quoi en était-on réduit pour gagner beaucoup d'argent autrement qu'en travaillant et qu'en jouant au loto ? Une question qui la taraudait depuis de longues minutes déjà. À sa gauche, une jeune étudiante électrocutée ; à sa droite, une flaque de vomi ; au fond du couloir, à gauche, la dernière porte. Ou avant-dernière selon les dires de Stanislas. D'ailleurs, Yuko s'interrogea quant au devenir des prisonniers. Fallait-il qu'ils soient tous éliminés pour ne plus compter ? Au final, rien ne le précisait.

Dix minutes plus tard, Yuko consulta le chronomètre. La dernière demi-heure était entamée. Elle se décida enfin à franchir le cap, poussée par une soif tout aussi grandissante que son envie d'uriner. Pourvu qu'elle n'ait pas à se soulager par terre, filmée de surcroît, pensait-elle.

Devant la seconde porte du fond, elle récita une prière, pensa aux enfants qu'elle n'aurait jamais, conséquence d'une ablation précoce de son utérus malade, respira un grand coup et abandonna ses doigts sur la poignée. Ses dents cessèrent de se comprimer mutuellement lorsqu'elle réalisa que rien ne s'était produit. Elle était toujours de ce monde, prête à révéler le contenu de la pièce. Elle tira la porte.

À l'intérieur, face à elle, rien d'autre qu'un interrupteur mural rouge, semblable aux boutons d'alarme à incendie, sur lequel était noté au feutre noir le chiffre sept. Peu rassurée, Yuko appuya.

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