LA 7EME PORTE (3 / 5)

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Le chronomètre affichait 46m34s. Souffle retenu, Nérine tenta sa chance avec la porte qui faisait face à la précédente. Elle l'ouvrit doucement.

Une pièce vide, ou presque. Un canif pendait au bout d'une ficelle, à hauteur de visage. Quelle version allait-elle offrir à Rouge, restée dans le couloir, prostrée ? Elle cacha l'arme dans sa poche droite, puis referma aussitôt derrière elle.

— T'as fait vite. Y avait quoi dedans ?

— Bizarrement, rien du tout. C'était peut-être un piège pour enfermer quelqu'un. Qui sait ? Allez, à ton tour d'en ouvrir une. On est plus que deux. Si la récompense est partagée à la fin, il faut quand même que tu te mouilles. Après tout, tu étais volontaire aussi...

Yuko adressa un regard de chien battu à Rose, un regard qui la suppliait de ne pas lui imposer pareille épreuve. À son grand dam, la jeune femme n'était clairement pas décidée à revenir sur sa position. La mort dans l'âme, Yuko se fit violence, non sans gémir :

— Laquelle ?

— C'est du pif. Choisis au feeling.

L'asiatique filiforme déglutit, comme elle s'avançait vers la dernière porte à droite. Elle hésita, regarda Nérine une dernière fois, espérant l'amadouer avec son faciès décomposé et ses petits yeux brillants. En vain. Elle ouvrit, avec circonspection.

— Alors ?

— Il y a quelqu'un avec…

Yuko vacilla, au bord du malaise vagal, avant de laisser glisser son dos contre le mur. Elle peinait à conserver le contenu de son estomac.

Nérine s'enquit de la présence mystère, complétant dès lors le morceau de phrase manquant. « Avec un bras en moins , inconscient et un uniforme jaune privée d'une manche ». Pourtant, quelqu'un avait soigné son moignon. En attestait un bandage imprégné de sang et des restes de Bétadine sur l'épaule. L'homme, cagoulé et ligoté sur une chaise elle-même scellée au sol, respirait encore. Sur son crâne était collé un post-it que Nérine récupéra :

— Yuko, tu m'écoutes ? Je te lis ce qu'il y a d'écrit sur le papier.

— Oui, ok.

— « Je sais ce qu'il y a dans les sept pièces ». Comment ça, « sept » pièces ? Eh oh !

Nérine retira la cagoule d'une main tout en secouant l'homme de l'autre, lequel émergea difficilement. Elle le détailla : teint exsangue, lunettes, chauve, barbe de trois-quatre jours, stature et corpulence moyennes, petite quarantaine.

— Que… Qu'est-ce qu… Mon… Mon bras !

— Pourquoi t'as été mis à part ?

— J'en sais rien. Je… J'étais volontaire pour l'expérience.

— Ouais, nous aussi. Vu ta tenue, j'avais déduit. Comment tu t'appelles ?

— Stanislas.

— Moi, c'est Nérine. Et dans le couloir, c'est Yuko. Bon, venons au fait. Y avait ce post-it sur ton front. (Elle lui montra ce qu'il y était écrit). C'est vrai ?

— Ouais, ils m'ont tous dit avant de me droguer. Je me souviens avoir bu un verre d'eau avec un drôle de goût, puis plus rien.

— On a déjà fait les deux pièces du milieu avant celle-là...

Nérine s'apprêtait à lui demander ce qu'elles renfermaient lorsqu'elle se ravisa, de peur que Stanislas ne révèle à Yuko l'existence d'un couteau dans la deuxième. Elle modifia donc sa question in extremis :

— Alors tu vas pouvoir me dire ce qu'il y avait dans la pièce du milieu, côté gauche.

— Mon bras, je crois.

— Exact. Et tu sais pourquoi ils t'ont fait un truc pareil ?

— Non. Je ne savais même pas qu'ils me le couperaient.

De nature défiante, Nérine suspendit la conversation pour vérifier l'état de Yuko, au cas où elle aurait affaire à une simulatrice attendant le moment propice pour l'enfermer à son tour. Bien au contraire, l'asiatique attendait, assise par terre, atone.

— Il nous reste à ouvrir les deux premières portes en arrivant, et la dernière à gauche. Y a quoi dedans ?

— Détache-moi d'abord.

— Eh oui, logique ! Il faut bien une monnaie d'échange, hein ?

— Moi aussi, je suis dans la partie. Et puis tu crains quoi ? J'ai perdu un bras et du sang. Je sais même pas si je vais pouvoir me lever sans me casser la gueule juste après.

Nérine réfléchit. Laisser Stanislas sur sa chaise et ouvrir les portes restantes à l'aveuglette ou le délivrer et obtenir davantage d'informations ? Encore que…

— Qu'est-ce qui me garantit que tu vas coopérer une fois libre ?

— Rien du tout.

— Je peux aussi te laisser là. Après tout, on en a déjà ouvert trois. Le seul danger, au final, c'étaient surtout les autres.

— Certes, mais je peux te dire que vous avez eu du bol, car celles qui restent sont beaucoup moins sympathiques. À toi de voir, poulette.

— Merci pour l'info. Ciao.

— Tu veux même pas savoir pour la septième ?

— Non.

— Bon ben, à tout à l'heure alors. Peut-être.

Nérine fronça les sourcils. Bluffait-il ? Elle quitta la pièce et referma derrière elle.

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