MYSTERIA (5/5)

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Vingt minutes plus tard, Jacob se gara dans l'allée, escalada le portail et se rua au domicile des Rouchet. Sur le coup, il crut à un cambriolage. Violent, vu le saccage des lieux, qu'il connaissait bien. Mais les traces, tant sur les murs que sur les plafonds, l’interpellèrent. Envisageant la potentielle présence de vandales, il fit un détour par la cuisine dans laquelle il s'arma du grand couteau laissé dans l'égouttoir. Mission difficile sur un sol glissant, de surcroît juché de verre et de morceaux en tout genre.

Une odeur pestilentielle, en provenance de la salle de bain, lui agressa les sinus. Jacob s'arrêta net après avoir franchi le coin du mur.

— Oh mon Dieu ! Qu'est-ce que c'est que ça ?

Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'il discerna Émilia, exsangue, étendue sur le tapis duveteux au centre de la pièce. Décharnée. Il se pencha sur son corps inanimé. Quelque chose bougeait dans sa cavité abdominale. Écartant avec dégoût la peau déchirée, il trouva, nichée entre les circonvolutions intestinales, une autre plante.

— Émilia ! Non, c'est pas possible !

Sur le point de composer le numéro des secours sur son téléphone, il sentit un lien s'enrouler autour de son cou depuis l'arrière, et le lui écraser si fort qu'il perçut un « crac » dans son larynx. Presque en simultané, deux extrémités pointues lui perforèrent les chairs jusqu'à serpenter à l'intérieur de sa cage thoracique. En une poignée de secondes, le cœur de Jacob flancha. Puis le portable vola, pulvérisé sur la crédence. À ce choc ultime succéda un calme funèbre, troublé par quelques gargouillis et bruits de succions.

La plante logée dans les entrailles d'Emilia émergea, emportant avec elle une partie des intestins dans lesquels elle s'était enracinée pour en drainer le sang et le contenu. Mysteria plongea une de ses extrémités au-dessus du nombril de Jacob afin d'y abandonner un morceau de racine nue, comme elle l'avait fait avec Richard. Ce n'était plus qu'une question de temps avant qu'une troisième Mysteria ne voie le jour.

Les heures passant, la lune regagna son trône obscur. Les grenouilles coassaient, accompagnés par quelques hululements qui s'évanouirent dans le lointain. Le village s'était endormi. De rares lampadaires éclairaient l'impasse au bout de laquelle les Rouchet s'étaient installés douze ans auparavant. Et dans le halo de ces lampadaires s'invitèrent soudain trois Shiva caricaturales encore parées de viscères isolés. Elles rampaient au beau milieu de la rue, côte à côte, couvrant l'intégralité de l'espace entre les deux trottoirs. D'autres pavillons occupaient la zone, et d'autres portails en protégeaient l'accès, rapidement escaladés par de nouvelles ombres tentaculaires. Derrière elle, les plantes semaient les restes macabres, progressant vers la départementale.

Les premiers hurlements de détresse émanèrent par-delà les murs d'enceinte et les haies végétales du coin. Puis des coups de fusil éclatèrent. Les chiens se mirent à aboyer. Les sirènes, à retentir, annonçant l'arrivée des secours et de la gendarmerie. Sous la lueur d'une lune gibbeuse, la colonie de Mysteria se concentrait sur la grand-route, pour mieux s'organiser et se déployer dans toute la commune.

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