Chapitre 17

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Complexe du Refuge, jardins, 7 avril 2010, milieu d'après-midi.

Cynthia était dans les jardins, en train de faire de la balançoire. Cette fois-ci, elle ne chantait aucune comptine. Elle réfléchissait. Ce que son père lui avait dit la veille l'avait profondemment bouleversée. Il semblait avoir de grands projets pour elle, et pour ce mystérieux garçon. Mais ce qu'elle n'arrivait pas à comprendre était pourquoi est-ce qu'on ne lui avait pas laissé le choix ?

Elle ne savait pas si elle serait capable d'assumer le rôle que son père lui avait attribué. Il la voyait comme une future "défenseuse" d'Exotis. Une sorte de super-héroïne en quelque sorte. Mais ces dernières semaines, elle avait plutôt l'impression de l'avoir profondemment déçu et de ne pas être à la hauteur de ce qu'il attendait. Même si de son côté, lui, semblait continuer de croire en elle. Ce qui ne semblait pas être le cas du docteur Rathburn.

Elle savait que son père ne comptait pas la retenir dans ce complexe éternellement et que lorsqu'elle serait prête, elle pourrait enfin sortir et explorer le monde. Mais quand sera-t-elle prête ? Etait-ce une question de semaines ? De mois ? D'années ? Maintenant qu'elle savait que "dehors" n'était pas vraiment comme ce qu'on lui avait toujours raconté, elle ne pouvait plus attendre. Elle voulait sortir.

Elle arrêta la balançoire puis leva les yeux au ciel, vers ce dôme de verre blindé qui était censé la protéger mais qui l'empêchait également de sortir. Elle se demanda s'il elle ne pouvait tout simplement pas le briser et voler de ses propres ailes comme le faisaient ces oiseaux qui passaient au dessus du dôme. Mais même si elle en était sûrement capable, elle savait qu'il y avait un risque. Peut-être n'arriverait-elle pas à stopper tous les débris lors de leur chute, les faisant alors s'écraser sur elle. Non. Si elle voulait sortir d'ici, elle devait trouver un autre moyen, plus sûr.

Mais rien n'était simple. Intérieurement, elle était tiraillée entre deux petites voix. L'une lui disant de tout faire pour sortir du Refuge et tenter de retrouver Jo. L'autre lui disant de ne rien faire, de rester là où elle était et de laisser du temps au temps. D'attendre le jour où son père jugerait qu'elle serait enfin prête. Après tout, elle savait qu'elle ne risquait rien ici. En revanche, elle ne savait pas ce qui l'attendrait une fois dehors.Elle ne savait pas à quel point les gens seraient hostiles envers elle. Ni-même s'ils le seraient d'ailleurs.

Elle quitta la balançoire pour retourner dans sa chambre. Aucun test, aucun cours n'était prévu pour aujourd'hui. À vrai dire, elle pensait qu'à cause de ce qu'elle avait fait la veille, son père avait voulu qu'on la laisse tranquille. Sa petite colère de la veille lui avait vallu une journée de vacances en quelque sorte.

Une fois dans sa chambre, elle retira ses petites bottines qu'elle posa méticuleusement au pied de son lit. Après quoi elle tira sur les couvertures avant de se glisser à l'intérieur.

Elle prit le carnet de croquis et les crayons de couleur qui étaient sur sa table de chevet, pour réaliser quelques dessins du garçon en armure terrassant les monstres des histoires pour enfant à coup d'épée ou à coup de fusil. Ainsi elle en fit un ou on le voyait combattre les monstres qui apparaissaient dans Angoisse Nocturne, l'une de ces histoires qu'elle aimait tant lire, un autre où il tuait le monstre du marais, créature tirée de l'histoire du même nom, et enfin un dernier où il affrontait une mystérieuse ombre aux yeux rouges tout droit sortie des légendes selon lesquelles certaines personnes la voyait apparaître dans leur chambre la nuit. Sur chacune de ces représentations, l'armure faisait preuve de violence pour venir à bout de ces monstruosités.

Après avoir réalisé ces dessins, Cythia s'endormit sans avoir pris la peine de les déposer sur sa table de chevet. Elle plongea progressivement dans un profond sommeil dans lequel elle fit l'un des rêves les plus étranges qu'elle fit jusqu'alors.

***

Elle se revoyait le jour de l'intrusion, faire face à cette vitre derrière laquelle s'était trouvé le garçon en armure lorsqu'elle lui indiqua le chemin à prendre pour sortir. Sauf que cette fois-ci, ça n'était pas lui qui se présenta face à elle, mais elle-même. Elle fut surprise de se retrouver confronter à son double qui cherchait visiblement à s'échapper du complexe. Elle ne savait pas quoi dire ou quoi faire. Comment était-ce possible ? Comment pouvait-elle se retrouver en face d'elle-même ? Son double posa la main sur la vitre, attendant d'elle qu'elle lui vienne en aide. Les deux filles étaient terrifiées. L'une à cause de l'incompréhension, l'autre à cause de ce qui lui courait après.

Plusieurs gardes arrivèrent et neutralisèrent la fuyarde. Cynthia tenta d'utiliser ses dons pour briser la vitre et venir en aide à son double, mais sans succès. C'était comme si on venait de lui prendre ses pouvoirs. Là encore ça n'était pas logique.

—Non ! cria Cynthia qui assistait impuissante à la scène.

Les hommes emmenèrent la fugitive. Sans doute en salle de réveil, comme son père avait l'habitude de faire avec elle.

Puis elle entendit la porte de sa chambre s'ouvrir. Elle se tourna vers elle et vit son père entrer dans la pièce.

—Cynthia ? fit ce dernier. Tout va bien ?

—Qu'est-ce que vous allez lui faire ? demanda la petite fille en sanglots.

—Comment ça qu'est qu'on va lui faire ? De qui tu parles ?

Le visage de son père se troubla. Comme s'il était en train de se changer en quelqu'un d'autre. En un instant, la petite fille se retrouva non plus face à son père, mais face au docteur Rathburn.

—Non, dit Cynthia. Non... C'est pas possible.

—Qu'est-ce qui n'est pas possible ? demanda Rathburn. Toi qui élargit constamment le champ des possibles.

—Sortez moi de là, dit la petite paranormale en reculant. Sortez moi de ce cauchemar !

Elle finit par heurter quelque chose. Ou plutôt quelqu'un. Elle se retourna pour voir de qui il s'agissait. À sa grande surprise, il s'agissait de l'armure X. En la voyant, l'espoir la regagna.

—Aide-moi s'il te plait, lui dit Cynthia.

—Il ne t'aidera pas, lui dit Rathburn. Il ne peut rien pour toi. Ce n'est qu'un sale petit voleur qui a dérobé l'armure de ton père avant de s'enfuir avec. Il est parti. Et il ne reviendra jamais.

Cynthia se retourna à nouveau vers le docteur Rathburn qui s'approcha d'elle.

—Mais nous ne commettrons pas la même erreur deux fois. L'armure nous a échappé, mais toi... Toi tu resteras ici.

***

—Non ! cria la petite fille en se réveillant.

Sa colère souleva ses couvertures, projetta ses dessins et ses crayons et fit tomber quelques livres de sa bibliothèque. La lumière de sa chambre, grésilla.

—Qu'est-ce qui m'arrive ? se demanda-t-elle à voix basse.

La première chose qui lui vint à l'esprit fut ce cauchemar qu'elle avait fait il y a quelques jours, dans lequel elle blessa mortellement un petit garçon. Ses dernières paroles raisonnèrent dans sa tête. "Tu es un monstre", "Tu es un monstre", "Tu es un monstre".

—Non je ne suis pas un monstre, dit la petite fille en portant les mains sur son visage, souhaitant que tout ceci sarrête.

"Tu es un monstre"

—Non... non.

"Tu es un monstre", "Tu es un monstre".

—Non ! hurla-t-elle, fracassant les meubles de sa chambre. Je... ne... suis... pas... un MONSTRE !

Les alarmes se déclenchèrent. Il ne s'agissait pas de celles signalant une intrusion, mais celles qui se déclenchaient lors d'un incident proche de la chambre de la petite fille.

—Oh non, dit la petite paranormale, qui comprenait en être à l'origine. Non, non, non.

Elle commença à pleurer. Elle savait qu'une équipe d'intervention était en chemin et qu'ils lui administreront une nouvelle fois ce produit qui l'empêchait d'utiliser ses dons et qui lui donnait une grosse migraine. Elle savait qu'ils feraient ça pour la calmer et l'empêcher de se faire du mal, à elle ou à autrui. Mais elle ne voulait pas revivre ça à nouveau. Elle en avait assez d'être considérée comme une simple expérience. Un projet ambitieux de son père. Elle voulait connaître la liberté.

Elle décida de sécher ses larmes, de renfiler ses chaussures et de faire face à la porte de sa chambre. Les gardes arriveraient dans une poignée de secondes. Une trentaine tout au plus. C'était le temps qui lui restait pour choisir. Choisir entre laisser les gardes la neutraliser à coup de tranquilisant et de drogue, ou se battre pour sortir du complexe. Elle repensa alors au cauchemar qu'elle venait de faire. Son double qu'elle vit se faire capturer après une tentative d'évasion, n'était-ce pas là quelque chose de prémonnitoire ? N'avait-elle tout simplement pas vu son propre échec ?

Elle entendit les gardes approcher, de l'autre côté de la porte. Elle pouvait ressentir les battements de leurs cœurs. Ils étaient six. Ils venaient d'ouvrir le sas qui conduisait à sa chambre, la porte qui s'était ouverte toute seule, l'autre jour, lors de l'intrusion. Elle sentait que les gardes approchaient. Son cœur se mit à battre plus vite et plus fort. Elle était terrifiée. Les hommes de la sécurité avançaient prudemment vers l'entrée de sa chambre. Ils étaient de plus en plus proches. L'alarme continuait de crier. Les gardes étaient juste derrière la porte. Cynthia recula de quelques pas. La poignet de sa porte s'abaissa. Plus le temps de réflcéchir.

La porte s'ouvrit.

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