Chapitre 14

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Chambre de Cynthia, complexe du Refuge, 5 avril 2010

Cynthia réfléchissait à ce qu'elle avait fait lors de la dernière expérience. Bien que son père lui avait interdit d'étendre ses perceptions comme elle le fit ce jour-là, elle avait bien l'intention de réessayer. Peut-être pas autant que la fois dernière mais au moins pour ressentir ce qu'il se passait dans ce complexe.

La petite fille s'allongea alors sur son lit et ferma les yeux. Elle repensa à ce que lui avait dit son père lors du dernier test, de rester détendue. Elle attendit donc quelques minutes le temps d'évacuer toutes les tensions qu'il y avait en elle. Après quoi elle ressentit.

Elle pouvait alors percevoir les personnes présentes autour d'elle, les gardes postés autour de sa chambre, le médecin qui l'observait derrière la vitre teintée, ces deux personnes en train d'emprunter le couloir qui se situait à la perpendiculaire de l'entrée de sa chambre, le docteur Rathburn qui se trouvait probablement dans son bureau en train de travailler sur les prochains tests qu'elle lui ferait faire, ou alors remplissait-elle des comptes rendus à son sujet ? Impossible de savoir. Cynthia essaya d'étendre plus loin ses perceptions. D'autres gardes, la femme du réfectoire, d'autres scientifiques, mais pas ce paranormal qu'elle percevait parfois dans le Refuge. Normal, elle savait que c'était son père. Sauf que là, il n'était pas présent.

Elle se demanda ce que ce dernier avait prévu si elle devenait un jour un monstre. Que ferait-il si elle devenait soudainement dangereuse pour lui ou les autres personnes du complexe ? Oui les gardes avaient des armes chargées de tranquillisants qui l'empêchaient d'utiliser ses pouvoirs et qui lui lui donnait une migraine épouvantable, mais si elle devenait plus puissante ? Si elle prenait tous le monde de vitesse ? Si elle arrivait à désarmer tous les gardes avant qu'ils ne puissent tirer ? Qui l'empêcherait alors de faire du mal ? Son père ? Tant de si qui rendraient alors la situation cauchemardesque.

Toutes ces questions lui faisaient peur. Depuis quelques jours elle luttait contre elle-même. Une partie d'elle lui faisait croire qu'elle était un monstre, une autre partie lui disait qu'au contraire, elle était bien plus forte que ces derniers, qu'elle était une petite fille formidable dotée de dons qu'elle se devait de maîtriser.

Perdue dans ses pensées, elle n'avait pas senti que le docteur Rathburn avait quitté son bureau. Cette dernière, accompagnée de trois gardes, ouvrit la porte de sa chambre la faisant sursauter.

—Bonjour Cynthia. Je suis désolée si je te dérange.

La petite paranormale se leva et fit face au docteur. Cette dernière essayait de dissimuler sa peur. Mais elle ne pouvait pas duper Cynthia qui la ressentit et qui lui adressa un regard interrogateur.

—Pourquoi tu as peur ? demanda-t-elle.

Les gardes qui accompagnaient Rathburn mirent leur index sur la détente de leur fusil, tout en hésitant à la braquer. Après ce qui s'était passé ces dernières semaines, leur méfiance avait plus que décuplé.

—Tout vas bien soldats, les rassura la scientifique avant de répondre à la fille de son employeur. Je n'ai pas peur. Pourquoi aurais-je peur de toi ? Tu n'es pas un monstre.

Cynthia esquissa un léger sourire. Ce que venait de lui dire Kathleen l'amusait. Cette dernière semblait être suffisamment idiote ou du moins ignorante, pour croire qu'elle pouvait lui masquer ses émotions.

—Je venait voir comment tu allais, ajouta Rathburn.

—Je vais bien, lui répondit froidement la petite fille le regard toujours plongé dans les yeux de son interlocutrice.

—Très bien. Alors je ne te dérange pas plus longtemps.

Le docteur tourna alors les talons pour sortir de la chambre lorsque Cynthia la retint.

—Je peux aller aux jardins ?

Rathburn s'arrêta nette avant de se retourner vers la petite fille pour lui répondre.

—Oui.

La paranormale laissa alors celle qui se prenait parfois pour sa mère quitter sa chambre, suivie par les trois hommes de la sécurité.

Quelques minutes plus tard, Cynthia sortit à son tour de sa chambre pour aller dans les jardins. Mais alors qu'elle s'apprêtait à prendre la direction qui l'y mènerait, elle ressentit quelque chose d'étrange. Comme si quelque chose dans le complexe n'allait pas. Elle s'avança vers une grande porte métallique qui bloquait l'accès à un couloir qui menait sur une zone du complexe qui lui était interdite. Elle attendit devant sans que rien ne se passe. Pour l'ouvrir, il fallait disposer d'un pass que seuls les membres du personnel autorisé à venir la voir disposaient.

Soudain, la porte s'ouvrit toute seule, sans que Cynthia n'eut à utiliser ses dons. Sur le coup, elle trouva cela très étrange. Jamais cette porte ne s'était ouverte lorsqu'elle se présentait devant.

De l'autre côté, à quelques mètres se trouvaient le docteur Rathburn ainsi qu'un homme que le docteur appela "Hirsch" au cours de leur conversation. Cynthia écouta alors Rathburn discuter avec ce "monsieur Hirsch". Ils n'avaient pas entendu la porte s'ouvrir ou alors ils pensaient qu'il s'agissait de quelqu'un autorisé à la franchir. Ils ignoraient donc qu'elle était derrière eux à les écouter.

Ils parlaient de la raison pour laquelle son père était absent. Selon Kathleen, il était à l'inauguration de la "Ceinture de Défense Exotienne". La petite fille se demanda alors de quoi il pouvait bien s'agir. En tout cas, cette chose semblait être très importante pour lui. Mais le nom lui semblait très étrange. Pour une enfant de dix ans, une ceinture était cette chose qui servait à ajuster un vêtement à la taille. Alors elle s'imagina toutes sortes de choses à propos de cette fameuse "ceinture de défense". Elle l'imaginait comme étant une ceinture autour d'un pantalon avec tout un tas d'attirails servant à se défendre. Elle était très loin de s'imaginer qu'il s'agissait en réalité de tout autre chose. Quelque chose qui ne se trouvait même pas à la surface de cette planète. Cynthia n'était d'ailleurs pas très familière avec "l'Espace". Elle en avait déjà entendu parler, elle connaissait le nom de la plupart des planètes du système, même si on avait prit soin de lui cacher le fait que sur la planète la plus proche d'Exotis, à savoir Utopia, il y avait tout comme sur son monde, non seulement de la vie, mais aussi de la vie intelligente. Mais mis à part cela, elle ne s'y était jamais intéressé.

—Papa a un problème ? finit-elle par demander.

La voix de la petite fille surprit le docteur Rathburn.

—Cynthia ? Mais qu'est-ce que tu fais ici ? Tu n'es pas censée pouvoir venir ici. Les portes sont censées être verrouillées.

—Il a un problème ? redemanda Cynthia, ignorant la question du docteur.

—Non, bien sûr que non, tenta de la rassurer Rathburn. Ne t'inquiète pas. C'est juste qu'il a... beaucoup de travail. Maintenant, tu veux bien me dire comment tu es entrée ici ? Comment as-tu ouvert les portes.

—Elles étaient déjà ouvertes, répondit simplement la petite paranormale en s'imaginant que même si les portes auraient été bloquées, ça ne l'aurait pas empêcher de passer s'il elle en avait eu envie.

"Elles étaient déjà ouvertes", ces mots retinrent particulièrement l'attention de Kathleen qui comprit alors qu'il y avait une faille dans la sécurité. D'ailleurs l'alarme ne mit pas longtemps avant de se déclencher.

—Vous, dit le docteur en s'adressant à deux gardes. Raccompagnez Cynthia dans sa chambre et surveillez-en l'entrée. Hirsch, avec moi au PC Sécurité.

Kathleen courut vers la salle de commandement de la sécurité accompagnée de Harlan Hirsch et de trois membres de la sécurité. Une fois à l'intérieur, elle vit plusieurs agents et techniciens en train de rechercher la cause du problème.

—Que se passe-t-il ? leur demanda le docteur Rathburn.

—On n'en sait rien... Toutes les portes se sont ouvertes et on a perdu le visuel de nos caméras de surveillances. Bizarrement on a toujours le courant.

—"Bizarrement"? Il ne s'agit pas d'une panne, s'énerva Kathleen. C'est une attaque informatique. On a été piraté.

—Quoi ? demanda l'informaticien étonné. Mais qui ?

—Je n'en sais rien.

La femme en blouse blanche se tourna vers le chef de la sécurité, Ross afin de lui demander de déployer tous les agents disponibles dans le complexe afin de vérifier l'éventuelle présence d'un intrus.

***

Pendant ce temps, Cynthia était enfermée dans sa chambre. Pour sa protection lui avait-on dit. En cas d'éventuels échanges de coup de feu, elle y était à l'abri. Les murs étaient blindés, tout comme la porte et les vitres. En cas de besoin, une commande que seul son père et le personnel connaissaient, permettait de faire tomber la vitre afin de pouvoir évacuer la petite fille.

La fillette était préoccupée par le retentissement des alarmes. Ça n'était pas la première fois qu'elle les entendaient. Lors d'exercices de sécurité, elles avaient été déclenchées. Mais là, au vu de la réaction qu'avait eu le Docteur Rathburn, elle savait qu'il ne s'agissait pas d'un exercice, mais de quelque chose de bien réel. Mais quoi ? Malgré la présence de deux gardes devant sa porte, elle était angoissée de ne pas savoir ce qu'il se passait dans le complexe, à l'extérieur de sa chambre.

Pour tenter de se rassurer, elle posa les mains sur ses oreilles pour atténuer le bruit des alarmes déjà allégé par les murs de sa chambre, puis elle se mit à chanter des chansons.

Soudain, elle entendit des coups de feu, ce qui la fit sursauter et arrêter ses comptines. Elle se leva se son lit et vit au travers de la vitre, celle qui n'était pas teintée, les deux hommes qui étaient censés la protéger en train de trembler sur place avant de s'écrouler au sol. Puis, elle vit arriver devant elle, de l'autre côté de la vitre, un individu de grande taille portant une étrange armure bleutée à la visière argentée. Le casque ressemblait à quelque chose qu'elle avait déjà vu dans certains magazines. Il lui rappelait en effet les casques que portaient les pilotes de motocross. Sauf que la visière était intégrée au casque.

Elle était terrifiée. C'était la première fois qu'elle voyait cette armure. Elle comprit très vite que l'individu qu'elle avait en face d'elle, de l'autre côté de la vitre était la raison pour laquelle les alarmes faisaient un tel vacarme qui devait être encore plus insupportable à l'extérieur de sa chambre. L'individu se tourna vers elle et resta figé à la regarder. Il semblait craindre quelque chose.

La paranormale pouvait en effet ressentir sa peur. Non pas qu'il avait peur d'elle. Il devait probablement la voir comme une petite fille ordinaire. Mais il avait peur d'être rattrapé par quelqu'un. Les gardes sans doute. Il ne semblait pourtant pas dangereux, auquel cas il aurait certainement une arme en main, comme les hommes de la sécurité.

Non, pour elle, il n'était pas dangereux et recherchait seulement un moyen de quitter le complexe. Probablement que l'endroit par lequel il était entré était inaccessible à cause de la présence de la sécurité. Ou alors il s'était juste perdu.

Cynthia vit arriver au bout du couloir, derrière cette personne en armure, plusieurs gardes armés qui le braquèrent de leurs armes. Elle usa de ses dons pour refermer la porte qui donnait sur ce couloir avant qu'ils n'ouvrent le feu et pointa son bras droit sur sa droite, afin de faire comprendre à celui qui se trouvait sous ce casque, la direction à prendre. En allant dans cette direction, le voleur de l'armure X arriverait sur un couloir qu'elle avait l'habitude de traverser lorsque le docteur Rathburn l'emmenait suivre les cours de ses précepteurs. L'intrus lui fit un signe de tête pour la remercier avant de s'en aller dans la direction qu'elle venait de lui indiquer.

Lorsqu'il disparut de son champ de vision, Cynthia recula jusqu'à sentir son lit toucher ses jambes. Après quoi, elle s'y assit et repensa à ce qu'elle venait de voir. Elle se demanda alors qui était cet individu, d'où il venait et qu'est-ce qu'il était venu faire ici. Et surtout, si elle avait bien agit en le protégeant et en lui indiquant une voie de repli. En tout cas, c'était la première fois qu'elle voyait quelqu'un avoir peur d'autre chose qu'elle. Et pourtant, elle avait usé de ses dons devant lui. Peut-être n'avait il pas compris que c'était elle qui avait refermé la porte blindée. Ou peut-être n'était-elle pas la première personne dotée de pouvoirs paranormaux qu'il avait rencontré. Ce dont elle était sûre en revanche, c'est qu'il n'était pas comme elle. Elle n'avait pas ressentit ce qu'elle ressentait lorsque son père était présent. Qui que ce soit, il ne s'agissait pas d'un paranormal.

***

Quelques minutes plus tard, le système de sécurité revint à la normal, sans que personne ne comprit comment.

—C'est bon, fit un technicien de la sécurité. Tout est revenu dans l'ordre. On a récupéré les visuels des caméras et le contrôle des portes. Je ne sais pas comment c'est possible, mais tout est en ordre.

—Fouillez le complexe et toutes nos données, ordonna Kathleen qui était la cheffe de l'enceinte en l'absence de Hal. Si on s'est fait pirater, il y a bien une raison. L'auteur ou les auteurs recherchaient bien quelque chose... Alors tâchons de trouver quoi.

—À vos ordres madame, répondit un autre technicien. Mais tout semble en ordre.

—Mais, il n'est pas entré ici pour repartir les mains vides... C'est illogique.

—Effectivement, compléta un agent de sécurité en pointant un écran de surveillance, celle qui affichait ce que filmait l'une des caméras de la salle où était entreposée l'armure X. L'armure a disparu.

—Quoi ! hurla Hirsch. Elle n'est plus là ?!

—Mais... Comment ? C'est impossible, dit Rathburn tétanisée par ce que pourrait lui dire son patron lorsqu'il apprendra la nouvelle.

Elle fixa l'écran et vit que la vitrine où était autrefois gardée l'armure X était bel et bien vide.

—Comment on va expliquer ça à monsieur Damon ? demanda Ross, le chef de la sécurité.

—En lui disant la vérité, lui répondit le docteur Rathburn d'un ton solennel. La stricte vérité.

—Madame, dit un technicien. Le... hacker nous a juste empêché de voir ce qu'il se passait. Mais les caméras ont continué à fonctionner normalement.

—Vous voulez dire qu'on peut voir qui a volé l'armure ?

—Oui madame, enfin sauf s'il a prit soin de dissimuler son visage. Je remonte la bande.

Le technicien remonta la séquence vidéo enregistrée par les caméras de la salle de l'armure X, jusqu'à un moment où on pu y voir un jeune garçon y entrer à visage découvert.

—Là ! dit Rathburn. Stoppez.

L'homme mit la vidéo sur pause.

—Agrandissez sur son visage.

Le visage du garçon s'afficha alors en gros plan sur l'écran principal de la salle de sécurité. Mais personne ne semblait le connaître. Il s'agissait d'un individu mesurant entre un mètre quatre-vingt et un mètre quatre-vingt dix, âgé de quinze ou seize ans, les cheveux châtains foncés, une corpulence assez maigre.

—Un gamin... C'est un gamin qui a volé l'armure X ? Un gamin qui a volé l'un des plus gros chefs d'œuvres de Hal Damon ? questionna Harlan Hirsch. Vous ne savez pas qui c'est je présume ?

Kathleen lui répondit d'un "non" de la tête avant de s'adresser au technicien qui avait affiché le visage du garçon sur l'écran principal.

—Faites une capture et enregistrez l'image. Nous la montrerons à monsieur Damon. Peut-être qu'il le reconnaîtra.

—Vous croyez que Hal Damon puisse connaître cette... ordure de gamin ?! demanda Harlan en hurlant, tout en pointant du doigt le visage du garçon. Sincèrement ?

—Peut-être. Il a énormément de ressources.

—Bien sûr. En tout cas le garçon n'a pas pu agir seul. Il y avait forcement quelqu'un qui le guidait pendant qu'il était ici. Il n'aurait jamais pu atteindre l'armure X, l'enfiler et ressortir du complexe, le tout en faisant passer nos hommes pour une bande de brutes sans cervelle, sans avoir été aider depuis l'extérieur.

—Et il y a autre chose, l'interrompit Ross en montrant du doigt l'un des écrans montrant cette fois-ci ce qu'il s'était passé près de la chambre de Cynthia. Il a été en contact avec la fille.

—Quoi ?!

Ross demanda au technicien de revenir en arrière sur la vidéo. Kathleen observa alors l'écran. La séquence montrait l'armure X s'approcher des deux gardes qui protégeaient la chambre de Cynthia, avant de les neutraliser avec ce qui semblait être une grenade de choc, une arme électrisante. Puis on y vit très clairement la petite fille lui faire face de l'autre côté de la vitre qui l'en séparait. La situation était encore pire que ce qu'elle pensait.

—Dans ce cas, nous avons un deuxième problème, reprit Rathburn. Si elle l'a vu... Alors elle doit se poser encore plus de questions qu'avant.

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