Chapitre 10

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Bureau de Hal, Complexe du Refuge, Exotis, 25 mars 2010, 10h00

Hal était assis dans son bureau, face à un écran mural et visionnait les vidéos des premières expériences réalisées par sa fille. La première expérience était un exercice assez simple, pour elle. Il consistait à déplacer un objet par la pensée. Seulement le déplacer. Cynthia était alors assise sur une chaise et sur la table devant elle était posé une simple figurine en bois représentant un ours. Ce jour-là, Hal savait qu'il fallait sa fille fasse preuve d'une très grande concentration pour réussir à déplacer l'objet. Elle y arriva au bout de quelques minutes à peine. Elle fit glisser la figurine de quelques centimètres vers elle, sans montrer le moindre signe de fatigue. Aujourd'hui, elle y arrivait en une fraction de seconde.

—Elle en a fait du chemin depuis cette figurine déplacée, dit une voix féminine que Hal reconnut.

—Oui docteur, ça c'est sûr.

Le Dragon fit pivoter sa chaise pour être face au docteur Rathburn, toujours aussi classe dans son tailleurs blanc, une tenue conçue sur mesure selon les standards de celles de l'armée de l'air des Etats-Fédérés, là où elle avait travaillé durant près de dix ans avant de démissionner et d'être recrutée par Rising Drake pour s'occuper du projet Cynthia.

—Pendant votre absence, votre fille a encore fait un cauchemar, dit cette dernière.

—Toujours le même ? Celui où elle voit des monstres ?

—Cette fois-ci, d'après ce qu'elle m'a dit, c'était elle le monstre.

—Intéressant et... terrifiant à la fois, dit le père de la fillette. Elle était le monstre, vous dites ?

—Elle dit que dans ce cauchemar, elle a tué un petit garçon et saccagé un parc.

Hal hocha la tête comme pour dire qu'il comprenait ce que sa collaboratrice venait de lui dire. Il prenait les cauchemars de sa fille très au sérieux.

—J'irai lui parler tout à l'heure. Pour le moment, j'ai rendez-vous avec monsieur Hirsch. Il a trouvé de nouveaux candidats pour l'armure X.

—J'espère que vous trouverez le bon candidat, ajouta Kathleen qui savait que le projet X était d'une très grande importance pour son employeur.

—J'ai déjà trouvé une personne qui pourrait correspondre. Sauf qu'il est hors de question qu'il la porte.

—De qui s'agit-il ? Si je peux me permettre.

—De mon fils, répondit simplement Hal.

—Tobias ?

—Mise à part la discipline, il a toutes les qualités que je recherche. Il est bon, loyal, l'esprit héroïque, il veut toujours défendre les plus faibles, mais c'est mon fils. Je ne veux pas qu'il endosse cette responsabilité.

—Je comprend.

Kathleen réfléchit un instant. Pour elle, si Tobias Damon avait tout ce qu'il fallait, alors il était probablement le meilleur candidat possible pour revêtir l'armure. Mais elle comprenait également la position du père. Sa fille était déjà au cœur d'un projet militaire top secret. Elle comprenait qu'il ne souhaitait pas voir son fils plongé à son tour dans l'un des projets de son père.

—J'espère que Hirsch aura d'autres personnes adéquates, termina-t-elle avant de quitter la pièce.

***

Quelques minutes plus tard, la sécurité avertit Hal que Harlan Hirsch était arrivé dans l'enceinte du complexe, à bord d'un SUV noir avec vitres teintées. Le véhicule fut guidé jusqu'au parking, après quoi la sécurité escorta l'ex-militaire jusqu'au bureau de Damon.

—Bonjour, dit ce dernier en se levant de son fauteuil pour accueillir l'homme. Vous allez bien ?

Hirsch était vêtu d'un long manteau noir qui l'avait protégé de la pluie entre sa voiture et le complexe et d'un chapeau de la même couleur. Il tenait de la main droite, une valise qui comprenait les dossiers qu'attendait Hal avec impatience.

—Oui, ça va et vous ?

—Très bien je vous remercie. Vous voulez boire quelque chose ?

Hal avait en effet l'habitude de proposer différents vins ou du café à ses invités.

—Non merci, monsieur. Je suis... attendu.

Hal regarda l'homme dans les yeux. Il se demandait où est-ce que Harlan pouvait bien être attendu. Il s'agissait d'un ancien militaire à qui l'armée continuait de faire appel notamment en tant que consultant. Il s'agissait sûrement de ça, pensa le Dragon.

—Pas de problème. Vous avez de nouveaux profils à me proposer, il me semble.

—C'est exact.

Harlan posa sa valise sur une table située à côté du bureau de Damon, l'ouvrit et en sortit les fiches des candidats avant de les tendre à son employeur.

Le Dragon les prit et commença à les survoler. Cette fois-ci il n'y avait pas seulement des militaires. Il y avait aussi des policiers, des pompiers, des sauveteurs et même des étudiants membres d'une équipe sportive de leur université, des sportifs de haut niveau.

Mais il réalisa que ce qu'il avait demandé à Hirsch, revenait à lui avoir demandé de chercher une aiguille dans une botte de foin et qu'il était sûrement presque impossible de trouver une personne qui disposait de toutes les qualités qu'il attendait. La seule personne qui avait tout ce que qu'il recherchait pour endosser l'armure n'était autre que son propre fils. Il posa tous les dossiers sur son bureau avant de relever la tête vers l'ancien militaire.

—Je vous remercie monsieur Hirsch. Je lirai ces dossiers avec la plus grande attention.

—Bien monsieur. Informez moi des profils que vous aurez retenus ou s'il faut que j'en recherche d'autres.

—Vous en serez le premier informé.

Hirsh salua le patron de Rising Drake avant de prendre congé. Hal se retrouva alors seul dans son bureau. Il avait du mal à accepter le fait que son fils, Tobias, soit tout ce qu'il recherchait pour le porteur de l'armure. Et sans doute l'un des seuls, si ce n'est le seul, à pouvoir l'endosser. Il espérait que dans la pile de dossier que venait de lui transmettre son collaborateur, il y en aurait un qui puisse correspondre à ses exigences.

Mais pour le moment, il souhaitait aller rendre visite à sa fille, pour voir comment elle allait et discuter avec elle à propos d'un certain cauchemar.

***

Quelques minutes plus tard, lorsque Hal entra dans la chambre de sa fille, celle-ci était au coin lecture, assise sur une petite couverture rouge étendue sur le sol, avec un livre en main.

—Bonjour papa, dit la petite fille, se détachant de son livre pour rejoindre son père.

—Bonjour ma chérie, tu vas bien ?

—Oui.

—Le docteur Rathburn m'a dit que tu avais encore fait un cauchemar.

Cynthia resta sans rien dire. Elle se doutait bien que Kathleen en avait parlé à son père.

—Si tu ne veux pas en parler, je comprend, ne t'en fait pas.

—Est-ce que tu penses que je suis un monstre ? demanda soudainement la petite fille.

La question étonna le père qui dévia les yeux sur la couverture du livre que lisait sa fille avant qu'il n'arrive. Il s'agissait de Angoisse Nocturne, un récit qu'on lisait aux enfants de huit à dix ans et qui racontait l'histoire d'un petit garçon qui croyait voir des monstres dans sa chambre la nuit. À côté de ce livre, il y en avait un autre, Le monstre du marais, dans lequel un village faisait tout pour se défendre face à un monstre qui venait les piller. Cynthia avait toujours aimé les histoires de monstre. Elle était intriguée par ces récits. Mais le cauchemar qu'elle avait fait, avait sûrement développé encore un peu plus l'intérêt qu'elle leur portait.

—Un monstre ?

—Comme ceux des histoires ? Ceux qui détruisent tout, qui font peur aux gens et qui leur font du mal...

—Non... Bien sûr que non, répondit son père en s'asseyant sur son lit, avec elle. Pourquoi tu me demande ça ?

—Dans le cauchemar que j'ai fait, j'en étais un.

—C'était un cauchemar Cynthia... Juste un cauchemar, la rassura Hal.

—C'est ce que Kathleen m'a dit. Mais je pense que ce que j'ai fait dans ce cauchemar, je suis capable de le faire en vrai. Tu ne crois pas ?

—Non Cynthia. Dans les rêves... Et aussi les cauchemars, on ne contrôle pas ce que l'on fait. Dans ce cauchemar, tu as fait du mal à des personnes. Mais dans la réalité, tu aurais su que c'était très mal de faire ça. Et tu ne l'aurais pas fait.

—Mais l'autre jour, j'ai raté le test parce que j'étais en colère...

—C'était un accident chérie, répondit Hal en passant la main dans les cheveux de sa fille. On t'apprendra à contrôler tes dons en utilisant autre chose que la colère.

La petite fille adressa un léger sourire à son père comme pour lui dire qu'il venait de la rassurer. Mais il n'en était rien. Ce qu'elle ne lui avait en effet pas dit, c'est que dans ce cauchemar, elle avait été lucide. Le fait qu'on la traite de monstre l'avait mise en colère. C'est elle qui avait choisi de faire du mal. Et c'est précisément ce qui l'effrayait. Mais son père avait peut-être raison, peut-être que si ça avait été réel, elle se serait retenue. C'est ce dont elle essaya de se convaincre.

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