Chapitre 6

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Complexe du "Refuge", 19 mars 2010, 11h00 environ

Cynthia était en salle d'interrogatoire, assise sur une chaise face au bureau qu'occupait habituellement le docteur Rathburn. C'était d'ailleurs cette dernière qu'elle attendait en ce moment. La petite fille se doutait qu'on allait lui reparler de son échec. Un échec dont elle ne voulait pas discuter mais pour lequel on allait sûrement lui demander des choses là-dessus. Plus particulièrement sur ces fameux éclairs qu'elle avait réussi à produire. Ou sur la raison de la colère avec laquelle elle a utilisé ce nouveau don.

Kathleen entra dans la pièce. Aussitôt entrée, elle referma la porte derrière elle et la verrouilla via sa carte magnétique. Après quoi elle fit glisser ladite carte dans l'une des poches de sa longue blouse blanche.

— Bonjour Cynthia, dit-elle avant de se diriger vers le bureau.

La petite fille ne répondit rien. Elle était perdue dans ses pensées. Des pensées qui furent toutefois dérangées par le bruit que produisaient les chaussures à talon du docteur.

— Bien, dit cette dernière en s'asseyant. On va reparler de ce qu'il s'est passé hier tu veux bien ?

La petite fille resta silencieuse, le regard perdu vers le sol. Elle ne voulait pas en parler alors elle concentrait son attention ailleurs. Elle ressentait toujours cette présence paranormale sans être certaine d'où elle émanait. Ou plutôt de qui. Car elle savait que cela venait de l'intérieur du Refuge. Elle soupçonnait de plus en plus que son père soit comme elle.

— Hier, reprit le docteur, tu as échoué au test que l'on t'avait préparé. C'est pas grave rassure-toi. En fait, ça n'était qu'un entraînement. Toutefois, tu as réussi à développer un nouveau don. Tu as réussi à générer de la foudre. Est-ce que tu peux me dire... Comment tu as fais ça ? Ou du moins comment tu as compris que tu pouvais le faire ?

Kathleen n'obtint aucune réponse de la part de la fillette. Celle-ci restait immobile sur sa chaise le regard perdu.

— Qu'est-ce que tu as ressenti à ce moment-là ? insista Rathburn. Le docteur qui se trouvait dans la pièce avec toi a dit que tu tremblais. C'était le cas ?

Cynthia resta muette. Kathleen avait l'impression de converser avec une statue.

— Tu ne veux pas en parler ? Très bien. Si on parlait de la façon dont tu les as utilisé... Si je ne me trompe pas, tu les as bien utilisé par un accès de colère, non ?

La paranormale commença à balancer les jambes, comme pour montrer qu'elle n'en avait strictement rien à faire de ce que lui disait le docteur Rathburn. Elle ne voulait pas être ici à parler de ce qu'il s'était passé la veille. Elle aurait bien voulu parler de n'importe quoi d'autre, mais pas ça.

— Tu sais que la colère n'est pas le seul moyen d'utiliser tes dons ? reprit Kathleen. Lors des précédents tests, tu n'avais jamais agis sous la colère.

— C'était un test de combat, dit la petite fille sortant enfin de son silence. Les guerres... elles se font toujours sous la colère. C'est normal que j'étais en colère, non ?

Rathburn tourna la tête vers la vitre teintée derrière laquelle elle savait la présence de son employeur. Puis elle revint vers la petite fille.

— Mais toi tu vaut mieux que ça Cynthia. Ton père a toujours pensé qu'en sachant faire la paix à l'intérieur de toi, tu pourrais réaliser de grandes choses.

— Et comment veut-il que je réalise de "grandes choses" tout en restant enfermée ici ?

La question heurta le docteur comme un coup de batte en plein ventre. Une nouvelle fois, elle comprit que derrière la vitre teintée se trouvaient des personnes qui attendaient d'elle qu'elle apporte une explication plausible à la petite fille. Plus Cynthia grandissait plus elle se posait des questions sur ce qu'elle faisait au "Refuge" et sur ce qu'il y avait réellement à l'extérieur.

— Cynthia. Le monde est dangereux. On te l'a déjà raconté des tas de fois. Ton père veux être certain que tu sois prête avant de t'emmener à l'extérieur. Et c'est pourquoi, il veut qu'on travaille ta façon d'utiliser tes dons. Tu dois être capable de te contrôler et de ne pas te laisser emporter par ta colère. Bien sûr que tu as le droit de l'être. Mais en situation réelle tu devras être capable de la maîtriser pour donner le meilleur de toi-même. Ta colère peut te rendre vulnérable.

— Et toi ? Tu penses que je suis capable de réaliser de "grandes choses" ?

Kathleen attendit quelques secondes avant de répondre. À vrai dire, elle était persuadée du grand potentiel de la petite fille. Mais elle en était également effrayée. Son employeur était tout comme elle, conscient du danger que pourrait représenter Cynthia si elle échappait à leur contrôle ou si elle choisissait d'utiliser ses dons pour faire le mal. Mais il avait tendance à minimiser ces risques parce qu'il s'agissait de sa propre fille. Ce qui n'était pas le cas pour elle. Même si elle s'y était attachée, Kathleen estimait qu'elle était la mieux placée pour réaliser le danger que Cynthia pourrait représenter.

— J'en suis persuadée, finit-elle par répondre.

Un sourire se dessina sur les lèvres de la petite fille. Elle appréciait de savoir qu'on la voyait devenir quelqu'un de très puissant. Elle aimait se sentir importante. Même si elle était très loin d'imaginer ce que son père attendait d'elle.

***

Quelques heures plus tard, Hal raccompagna sa fille dans sa chambre. Comme d'habitude, Cynthia était suivie d'hommes armés, toujours présents au cas où la situation dégénérerait et qu'elle deviendrait hors de contrôle. Même si Hal savait que sa fille ne tenterait jamais rien contre lui.

Sur le chemin, le long de ces énormes couloirs blancs, la petite paranormale repensa à ce que lui avait dit le docteur Rathburn quelques heures avant. Plus elle grandissait plus elle se posait des questions sur ce qu'il se passait réellement dans le monde. Pourquoi était-elle enfermée là ? Est-ce que le monde était aussi inhospitalier que ce qu'on lui avait raconté depuis toujours ? Elle commençait à croire que non. Que tout ça n'était que des histoires.

Une fois dans sa chambre, alors que son père s'apprêtait à repartir, Cynthia l'appela pour lui poser une question.

— Papa, dit-elle pour attirer son attention.

— Oui ma chérie, répondit ce dernier en se retournant vers elle.

— Cynthia. Je crois effectivement qu'avec tes dons tu pourras faire des choses exceptionnelles. Mais comme te l'a dit tout à l'heure le docteur Rathburn, tu dois d'abord apprendre à te contrôler.

Hal attendit quelques secondes avant de s'asseoir sur le lit de sa fille et de l'inviter à le rejoindre. Cynthia s'assit à ses côtés et attendait avec impatience la réponse de son père.

Hal de son côté ne savait pas quoi lui répondre. Il savait exactement ce qu'il attendait d'elle, mais comment le lui dire ? Elle n'était tout simplement pas prête à l'entendre. Le lui dire là tout de suite, la bouleverserait. Il ne s'attendait pas à ce que sa fille se pose ces questions. Elle était bien plus mature et perspicace que les autres enfants de son âge.

— Cynthia. Je crois effectivement qu'avec tes dons tu pourras faire des choses exceptionnelles. Mais comme te l'a dit tout à l'heure le docteur Rathburn, tu dois d'abord apprendre à te contrôler.

La petite fille sentit que son père voulait faire référence à son échec de la veille. Lorsqu'elle réalisa le test, elle ne s'attendait pas à ce qu'il soit aussi important pour lui et le docteur Rathburn.

— Mais... hier ça n'était qu'un test de combat... Tu n'attends pas de moi que j'aille combattre, si ?

Lorsqu'il entendit cette phrase, Hal repensa à son fils, Tobias, qui voulait devenir militaire. Il se rendit alors compte qu'il ne souhaitait pas savoir son fils sur un champ de bataille, mais que paradoxalement, il voulait que sa fille soit un pilier de la défense exotienne. Mais la différence entre Cynthia et Tobias, était que la première disposait d'un énorme panel de pouvoirs qui la rendrait bien plus efficace que n'importe quel soldat. Aussi bien entraîné soit-il. Alors que son fils n'était qu'un simple garçon tout ce qu'il y a de plus ordinaire, un être humain sans le moindre pouvoir paranormal.

— Non... Bien sûr que non, répondit-il. Mais disons que ça pourrait te servir. Dehors c'est dangereux et lorsque tu sortiras, tu pourrais avoir à te battre.

— Alors qu'est-ce que tu attends de moi ?

— Tu comprendras plus tard Cynthia. Je veux juste que tu atteigne ton potentiel pour m'aider à rendre le monde meilleur.

Sur ces paroles Hal se releva et quitta la chambre de sa fille, laissant cette dernière dans l'incompréhension. Certes il venait de l'éclairer sur l'une des questions qu'elle se posait. Mais la réponse était encore trop vague, et Cynthia sentait que son père ne voulait pas trop parler des projets qu'il avait pour elle, qu'il faisait exprès de garder sous silence certains détails.

La petite fille s'allongea sur son lit et ferma les yeux. Elle espérait faire de beaux rêves. Lorsqu'elle ne faisait pas de cauchemar, ses rêves étaient l'une des seules manières qu'elle avait de s'évader des murs qui l'enfermait. L'une des seules façons pour elle de quitter le complexe.

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