Chapitre 34

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Chapitre 34


  Le visage de Louis se ferme soudainement et son regard s'assombrit, comme si cette photo renfermait un lourd secret. Sans tarder, il me répond d'une voix monotone :


– C'est moi. Mais c'était il y a quatre ans. J'avais 14 ans à l'époque.


  Il m'est difficile de reconnaître Louis sur cette photo. L'expression de son sourire m'est familière, cependant il n'a plus grand-chose de ce jeune adolescent en fort surpoids.


– C'est une période que j'ai pas très bien vécue, puis j'ai eu un… déclic et pouf, au bout d'un an j'avais ce corps d'athlète, ironise Louis en pointant fièrement son torse.


  Je souris à ce trait d'humour mais je n'ose pas en demander davantage. Cette période est visiblement douloureuse pour Louis, alors il n'est pas nécessaire de la lui rappeler. S'il veut m'en parler un jour, je l'écouterai volontiers.


– Au fait Nate, ma mère a laissé ça pour toi.


  Louis s'approche et me tend une enveloppe blanche avec mon prénom écrit dessus à l'encre bleue. Je la prends sans réfléchir puis j'en devine instantanément le contenu.


– Euh Lou, je ne peux pas accepter.

– Ma mère a insisté pour que tu la prennes. Je savais que tu refuserais alors je lui ai dit que je te persuaderai d'accepter.

– Je ne peux vraim…

– Tu ne voudrais pas que je m'attire les foudres de ma mère, si ?

– Non pas du tout ! Mais je me dis que…

– Bon alors accepte, c'est pas grand-chose et franchement c'est normal vu ce que tu fais pour moi.

– Euh…


  Je me sens coupable d'accepter cet argent, étant donné que je prends plaisir à partager ces moments avec Louis. Jamais je n'ai eu l'impression de devoir fournir un effort justifiant une quelconque rémunération. Il m'est cependant impossible de trouver une parade à l'argumentation de Louis, et… il m'est tout simplement difficile de lui résister. Je me résous à accepter cette enveloppe.


– Merci beaucoup Lou… ça me touche.


  Il ne dit rien et se contente de sourire. La nuit ne va pas tarder à tomber, et il est temps que je rentre. Sur le seuil de la porte, Louis me tend les gâteaux qu'il avait achetés pour Jonas, avant de me demander :


– Je peux te raccompagner si tu veux ? Ou sinon je peux te prêter un vélo ?

– Ça ira Lou, merci, je vais rentrer tranquillement à pied. En plus il ne pleut pas.

– Comme tu veux Nate, bon alors on se voit demain.


  Nous nous serrons la main et Louis m'offre un dernier sourire qui me fait fondre. Ses yeux me transpercent et je sens mon cœur battre plus fort. J'aimerais poser mes lèvres sur les siennes. J’ignore ce que cela procure, et pourtant j'en ai très envie. J'avance mon visage de quelques centimètres pour me rapprocher du sien, mais je me dégonfle au dernier instant, puis je bredouille un « merci » pour que mon geste paraisse moins suspect. Louis me répond par un sourire comme si de rien n'était. Qu'est-ce qu'il m'a pris de vouloir faire ça, sérieusement ?


  Sur le chemin, je décide d'envoyer un SMS à Elvira, d'une part pour prendre de ses nouvelles et lui souhaiter un prompt rétablissement, et d'autre part pour essayer d'oublier ce moment gênant que je viens de m'infliger. Elle me répond au bout de quelques minutes me disant qu'elle revient en cours jeudi ou vendredi, et qu'elle regrette de ne pas pouvoir venir demain avec nous au centre commercial. Je pense immédiatement à Hugo et à la déception qu'il aura de ne pas la voir parmi nous à Nancy.

  Je ne suis plus qu'à quelques mètres de la maison et la nuit commence à tomber. Les lampadaires éclairent les rues où peu de voitures circulent. Le seuil à peine franchi, Jonas m'accueille en fanfare et me pose des questions aussi nombreuses qu'indiscrètes. Après son interrogatoire, je lui dis :


– Louis m'a chargé de te donner quelque chose qu'il a acheté pour toi.

– Ah oui ? C'est quoi ? C'est quoi ?

– Ça se trouve dans mon sac, attends un instant.


  Je sors l'assortiment de gâteaux que je tends immédiatement à Jonas, dont le regard s'illumine. Ses yeux revêtent une certaine intensité qui m'est familière, c'est la même qui anime Elvira lorsqu'elle regarde Hugo, et certainement celle qui m’anime quand je pose mon regard sur Louis. La relation qu'entretient Jonas avec la nourriture relève parfois de la déification. Tu t'entendrais très bien avec Léonor, c'est sûr !

  Jonas me charge de remercier Louis qui est « super génial », et il s'empresse de prendre les gâteaux pour les mettre dans un placard, en me disant qu'il conserverait l'emballage en souvenir. Pourquoi pas…


  Avant d'aller préparer le dîner, je décide d'ouvrir l'enveloppe remise plus tôt par Louis. Je distingue deux billets orange et, pendant un bref moment, je me sens coupable de les avoir acceptés. J’envisage de donner cet argent à Mum, puis je me dis que jamais elle ne l'accepterait. Je réfléchis à différentes façons d'utiliser cette somme à bon escient, puis je parviens à la conclusion suivante : j’achèterai ma chemise blanche pour le bal et je ferai un cadeau à Mum.


  Je me couche relativement tard ce soir. Confortablement installé sous la couette, je repense à mon irrépressible envie d'embrasser Louis survenue plus tôt ce jour. Cette espèce de désir soudain, de pulsion incontrôlée, ça ne m'était jamais arrivé avant. Pas de manière aussi intense en tout cas. Je me surprends à craindre ces envies auxquelles je voudrais tant succomber.

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