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Quelques minutes auparavant.

[ — Moi je dis que c'est un piège.

 — Récupère une arme, c'est tout...

 Myrmid regardait Milla se déplacer jusqu'au tiroir. Il était inquiet pour son amie, celle qui était toujours la plus énergique du groupe, elle qui n'avait peur de rien sauf d'une chose : s'endormir. Il était inquiet car elle avait beaucoup trop maigri. Son teint était blanchâtre, plus pâle encore que les parois de la pièce. Il distinguait les os de son visage, de ses côtes, de ses bras, de sa colonne à travers la combinaison moulante. Elle avait pourtant pour habitude d'avoir de l’embonpoint et des joues rondes. Il n'en était plus rien, et sa démarche squelettique ne présageait rien de bon. Serait-elle en mesure de tenir une arme dans ses mains ?

 Milla ouvrit un compartiment. Mais ce n'était pas le bon, alors elle ouvrit le suivant. Elle prit un lance-flamme qu'elle attacha autour de son corps en lanière, puis s'arma d'un couteau avec d'étranges motifs dessus. Elle ne savait pas viser avec de l'armement traditionnel, ses compétences se situant surtout en combat rapproché. Elle se sentait désormais faible, et comprenait qu'il ne servait à rien de dénier son état de santé. Elle savait que quelque chose clochait, mais pas quoi. Ses jambes la conduisirent vers Myrmid qui était déjà dans le couloir et en atteignit le fond. Il savait qu'il devait continuer. Avec appréhension, il ouvrit la porte. D'abord lentement, puis d'un coup sec. Il se préparait à abattre les ennemis qui se présenteraient à lui. Il ne tira pas dans les sacs de nourriture et les conteneurs de boisson, uniques présences de la salle. Une étrange odeur ennivrante lui titilla les narines. Myrmid rangea son fusil, fouilla l'entrepôt et arracha un sac d'où il en sortit un pain, qu'il mangea telle une bête affamée.

 Il sentit soudain une présence derrière lui, et ne savait s'il devait avoir peur pour sa vie ou pour les vivres qu'il voulait garder pour lui seul. La chose ne bougeait plus, elle restait fixe, à le regarder, la tête penchée sur le côté. Une rage inexplicable dans les yeux, il fit une rotation de 180 degré, dégaina, et tira à l'aveuglette vers la forme, comme s'il n'avait pas le temps de la voir avant. Un faisceau rouge traversa la pièce instantanément avant de se cogner dans le mur juste à côté de Milla qui bondit bien après, le temps pour elle de réaliser. D'une voix toujours disloquée et sourde, elle prononça ces mots :

 — Qu... Qu'est-ce qu'il t’a pris ?

 — Oh euh... Excuse-moi ; je... J'ai cru voir quelque chose...

 — Bah oui tu as bien vu, c'était moi !

 Quand elle s'énervait, Milla donnait l'impression de crier à l'intérieur d'elle-même, et les fins de ses phrases ressemblaient à sa voix originelle, avec un écho plus aigu.

 — J... Je ne sais pas ce que j'ai fait, bredouilla Myrmid.

 — C'est pas pro tout ça. T'es trop à cran, déstresse-toi ! Et file-moi un pain aussi. ]




 Des cordes retenaient les sacs de graines fermés. Jean et Harlow s'en saisirent et ligotèrent Milla avec. En récupérant son lance-flamme, Harlow s'assura qu'aucune fissure ne le parcourait.

 — Une aubaine qu'il n'ait pas explosé après la collision !

 Jean récupéra le contenu restant dans l'armurerie, à savoir un simple pistolet à balles ainsi qu'un harpon. Les deux rejoignirent ensuite la salle dans laquelle ils étaient 'apparus'. En passant par l'infirmerie, ils constatèrent avec dégoût qu'Ellen s'occupait en priorité de Niels malgré l'état critique de Matthew. Harlow était pris parfois d'élans téméraires, et il voulu poursuivre la découverte de cet endroit. Jean l'en découragea.

 — Il serait préférable d'attendre les autres. Si jamais nous devions croiser des ennemis, nous ne pourrions pas nous défendre.

 Ils inspectèrent alors la salle, et remarquèrent avec soulagement qu'elle n'était munie d'aucune caméra ni d'aucun dispositif de surveillance. Puisque personne ne les avait à priori remarqués une lueur d'espoir subsistait concernant leur évasion.


 Lors de son opération, Niels ne grogna pas. Il maîtrisait sa douleur. Les traces de griffures, même les plus profondes, ne subsistèrent nullement. Matthew, quant à lui, possédait désormais une épaule intacte, et était toujours assoupi. L'infirmière fut rassurée d'entendre son cœur battre encore. Trop concentrée sur son buste, elle ne remarqua que bien après l'opération une marque rouge sur son flanc. Sa peau percée, sa combinaison transpercée. Cependant aucune goutte ne suintait de la lésion. Un début de mal de tête la prit et elle s'accorda une pause avant de réparer entièrement le corps de Matthew.


 Myrmid dormait profondèment aux côtés de Herma qui souffrait toujours. Elle et la douleur ne faisant progressivement plus qu'un, elle s'habituait à celle-ci.


 Milla découvrit avec stupéfaction que les entités de goudron l'avaient téléportée et attachée dans une salle qui lui était inconnue et où le désordre régnait. Depuis longtemps, estima-t-elle, à en juger par son physique faible et maigre ainsi que ses cheveux sales. Puis vint un moment où elle se rémémora son réveil dans ce vaisseau inconnu. Elle se sentait malade, le bruit et l'agitation autour d'elle l'avaient dérangés, on parlait de trafiquants d'organes. Ses souvenirs confus ne collaient pas ensemble. Elle n'osa prononcer aucun mot, par peur de représailles, et feignit d'être toujours évanouie.


 Ce fut dans ces situations qu'un vacarme assourdissant retentit. Chacun l'avait entendu, tous sursautèrent malgré eux. S'en suivit un bourdonnement aigu qui dura quelques minutes. Myrmid fut réveillé en sursaut, Herma oublia sa douleur au cou pendant quelques temps, Milla ouvrit les yeux sans le savoir, Niels faillit avoir une crise cardiaque, Matthew en fut réanimé, Ellen sentit son mal de tête s'accentuer, Jean et Harlow furent surpris et cherchèrent la source du bruit.

 Tous, sauf Milla bien sûr, se rejoignirent dans l'infirmerie. La panique prit le dessus. Impossible de savoir qui criait quoi.

 — C'était quoi ça ?

 — Bordel, c'est quoi encore cette merde ?

 — On aurait dit du tonnerre.

 — Non, un hurlement.

 — Ça ressemblait à un tremblement de terre.

 — On aurait cru à un effondrement d’immeubles !

 — Mais qu’est ce qu’il se passe dans cet endroit ?

 — On va tous crever !!

 — ...Le pire bruit que j’ai entendu de toute ma vie.


 Le chaos résonnait. Milla, terrorisée, entendait ces milliers de voix inconnues hurler au loin. Son imagination crut d'abord à une explosion, à un éclair, puis à une expérience diabolique ratée... Ou pire, réussie.

 Plus qu'inquiète, elle se demandait quelle genre de supplice ils lui feraient subir. Quel était leur but ? Le vacarme qu'ils créaient s'intensifiait, le volume ne dépassant toutefois pas le fracas tumultueux qui avait précédé. Puis leurs voix baissèrent de ton au fur et à mesure. Ils ne laissèrent bientôt plus que le silence. Et alors, elle entendit de lourds bruits de pas qui se dirigeaient vers elle.

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