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Le silence régnant enfin autour de lui, il rentra dans la salle dont les parois étaient couvertes de verre et dont le sol était... tâché de sang ?

 — Herma qu'est ce que t'as encore fait ? l'interrogea Niels dans un soupir de désespoir, plus pour s'insurger que pour connaître la réponse.

 Les otages étaient tous entièrement nus, dos à Herma, face au mur, et l'homme qui se situait le plus à droite avait une peau étrange. À la fois mate et blanche par endroits, les contrastes formaient de larges cercles de couleur sur son corps. Il ressemblait à une aile de papillon. Ses cheveux bleus et la taillade rouge sur son flanc gauche ajoutaient à l'illusion. Herma arborait un large sourire, posé sur elle comme du papier peint. La petite baillonette de son pistolet n'était plus comme avant. Sur sa pointe, du sang perlait. Comme si ce n'était rien, elle s'amusa à dire :

 — Il fallait bien que je le fasse pour imposer le respect ! J'ai bien vu que ce petit vermisseau appréciait la situation !

 — Pas du tout ! Je n'ai jamais...

 — Toi, s'énerva Herma, tu ne parles pas sans mon autorisation ! Tu veux une nouvelle entaille, c'est ça ?

 — Ne fais pas ça, ordonna son chef. Il ne mérite pas autant de violence !

 — Aidez-nous, je vous en prie ! supplia la femme qui se retourna de trois-quarts pour voir le visage noir de son potentiel sauveur.

  À la vue de son visage, un écho dans le crâne de Niels :

  « On est quatre. L'autre est parti de l'autre côté en repérage. »

 Ce souvenir le choqua d'autant plus que ces mots ne l'avaient d'abord pas fait réagir.

 « en repérage... de l'autre côté... du vaisseau ? » se demanda-t-il.... « Alors, ces types ne connaissent pas non plus les lieux ? »

  Son esprit embrumé reprit contact avec la réalité quand il pencha son regard sur les yeux de cette femme, à la fois désespérée et aspirant à un déblocage des circonstances. Elle était noire, elle aussi. Mais tous deux était d'autant plus noircis par leur état d'esprit et ce qu'ils venaient de vivre.

 — Hey la pute, tu te retournes pas ! gueula Herma.

 — Bon écoute Herma, tu vas trop loin là.

 — Mais qui t'es, toi ?

 — Je suis ton supérieur, informa Niels d'un ton magistral et autoritaire. Et tu dois m'obéir.

 — Ah ouais ? T'es mon supérieur ? Et je peux voir la preuve ? Où est ta casquette ?

 — Ne joue pas à ça, tu deviens ridicule. Tu sais très bien qu'elle est restée dans la boîte.

 — Très bien, dit-elle en désignant un de ses otages. Toi, le petit. Si vous avez également volé nos affaires, va chercher la casquette.

 — On a rien volé ! s'exclama-t-il, les mains appuyées sur le verre glacial. Je comprends rien à ce que vous nous voulez.

 — Oh, ben dis donc, tu vois, Niels, il n'a jamais entendu parler d'une quelconque casquette.

 — Au moins tu te souviens de mon prénom. Je t'en prie Herma, au nom de tout ce que nous avons vécu ensemble, et pour ton bien-être personnel, pour ta conscience, arrête là et écoute moi.

 Niels ne s'attendait pas à un tel succès. Herma se tut, baissa le pistolet que tenait son bras tendu en l'air, et regarda Niels d'un air attendri, prête à l'écouter. Les souvenirs lui fusèrent à travers l'esprit. Elle était devenue tellement calme en si peu de temps que les trois otages se demandèrent si elle n'était pas endormie. Au contraire, elle esquissait un léger remord.

 — Bien, reprit Niels. Ces gens-là ne nous ont pas kidnappés, et j'ai de fortes raisons de croire qu'ils sont, tout comme nous, des victimes. Je ne sais pas qui manigance tout ça, mais nous devons nous unir. Je n'ai pas envie d'avoir plus confiance en eux qu'en toi, alors ne fais rien de plus qui pourrait empirer la situation.

 Une paix olympienne s'abattit, à telle point que les seuls bruits que l'on pouvaient entendre furent les respirations et les battements de cœurs de chacun des individus. Herma regardait ses pieds puisqu'elle n'osait plus regarder Niels. Le sang arrêta de couler du bout de la baillonette.

 — Reprenez vos habits... Allez, faites-le !

  Herma ne s'énervait plus contre eux, mais contre ce qu'elle venait de faire. Elle réalisa, bien trop brusquement, l'erreur qu'elle avait commise, et la méchanceté inutile dont elle avait fait preuve. Elle marcha à reculons tandis que les trois ex-otages se revêtaient.

 — Désolée, je ne sais pas ce qu'il m'a pris... Je ne comprends pas pourquoi j'ai voulu faire ça... Ce n'était pas nécessaire je...

 — Arrête d'y penser, ce n'est plus important.

 Niels pensait tout le contraire, mais sa diplomatie l'encouragea à plutôt la rassurer.

 — Ce vaisseau nous rend tous un peu fou, avoua-t-il, moi y compris.

  Herma ne répondit pas, la tête toujours penchée vers le sol. Elle continuait à reculer vers l'autre coin de la salle. Elle laissa tomber son pistolet, qui rebondit sur la lame de la baillonette, produisant un écho qui s'amplifia avec les murs de verre. Niels ne savait plus quoi lui dire.

 — Herma, il faut que... Que tu arrêtes de te lamenter. Accepte tes erreurs et passons outre ensuite. Il faut qu'on dégage d'ici, on n’a pas le temps pour ça. Tu auras tout le temps de regretter après, ce n'est pas ça qui fera la...

 Il stoppa net son discours quand des bras sortirent de la porte derrière la soldate, qui s'approchait d'eux sans le savoir. Ils l'agrippèrent violemment par le cou et le torse. Ils obligèrent Herma à revenir de nouveau au centre de la salle, l'étranglant. Celui à qui ils appartenaient grogna, avec une voix incertaine :

 — Alors c'est toi qui nous a mis ici ? Je... je dois te tuer, désolé. Ne te débats pas s'il te plaît, laisse-toi suffoquer. Il... Il faut que tu meures. Il n'y a pas d'autres solutions.

 — Et ça recommence, s'agaça Niels...

 — Matthew, arrête ça, demanda l'homme que Herma avait blessé. Elle n'est pas notre ennemie.

 Herma s'étonna de sa requête, mais Matthew ne desserrait pas son étreinte et son visage tournait au violet.

 — Écoutez-moi, ignora Matthew, je ne sais pas ce que ces deux-là vous ont dit, mais ils vous manipulent ! De l'autre côté, j'ai vu quelque chose qui...

 — Libère-la tout de suite, mon cher Matthew, le sollicita Niels. Il faut que tu la laisses, nous sommes dans le même camp.

 — Vous me prenez pour qui ? Je... J'ai bien vu la tache de sang au sol ! C'est elle qui a fait ça, pas vrai ?


 Matthew appuya encore plus fort sur le cou de Herma, bloquant totalement son arrivée d'air. Il semblait pourtant être celui qui avait le plus peur. Et cette peur l'empêchait sûrement de se rendre compte de son acte. Paniqué, son instinct de survie lui ordonnait de tuer. Herma tournait de l’œil.

 — Matthew, arrêtez ça ! rugit Niels. Il s'agit d'un énorme quiproquo !

 — Ouais bien sûr ! Je l'ai vu moi, votre monstre ! s'affola Matthew. Il a voulu me transpercer le corps !

 — Un monstre ? De quoi parlez-vous ? Il n'y a pas de m...

 — Menteur ! Je l'ai bien vu, moi ! C'est lui qui m'a griffé le ventre !

 — Je ne vois rien du tout, affirma Niels en sortant son fusil. Bon ça suffit maintenant ! Si vous ne la laissez pas respirer dans les cinq prochaines secondes, je vous éclate la cervelle !

 — Oh vraiment ? Essayez donc, mes trois camarades vous en empêcheront !

 Niels se retourna vers eux, et comprit qu'ils n'étaient pas encore dans le même camp. Herma suffoquait et aller mourir dans quelques minutes s'il ne réagissait pas. Il s'adressa à la femme :

 — À votre tour de m'aider maintenant. Il a confiance en vous, il doit vous croire.

 — Ne tirez pas, je vous en prie, conjura-t-elle. Il a dû avoir une autre de ces hallucinations et il panique, mais une fois raisonné il sera...

 — Je n'ai pas halluciné ! Il était là, devant moi, avec ses dix pattes tranchantes comme des rasoirs, son visage baveux et rocailleux, sa queue épineuse, ses écailles vertes et noires couvertes de sang !

 — Tais-toi ! Et laisse partir la dame. Tu es un très bon compagnon, n'oblige pas ce monsieur à te tuer !

 — Qu'il essaye ! On ne s’en sortira pas de toute façon ! Cet endroit est maudit !


 Niels ne songea que trop tard à braquer les collègues de Matthew pour le forcer à libérer la sienne.

 Herma s'était écroulée. Inconsciente, elle ne tenait encore debout que grâce aux contractions des bras de son ravisseur dément, voulant mettre fin à ses jours pour une quelconque raison. Ce détail n'échappa pas à Niels, soudain prit de panique. Fusil en main, il tira sur Matthew, qui hurla de douleur, puis s'effondra sur le sol dans une autre mare de sang. Herma était couchée sur lui, immobile. Derrière les tumultes surpris et angoissés des trois autres humains, Niels s'approcha de Herma, puis se mit à genou pour prendre son pouls, sans même faire attention à la seconde personne au sol. Miraculeusement, elle vivait encore mais ne bougeait plus. Alors il la récupéra dans ses bras, fit signe aux ex-otages de s'occuper de Matthew, puis partit en direction de l'armurerie.

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