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 Tout était flou désormais. Une masse noire et rouge se profilait au-dessus d'elle. La capsule s'ouvrit et elle entendit la voix du Capitaine :

  — Milla, réveille-toi ! Il se passe quelque chose d'étrange ici !

  Encore malade et faiblarde à cause de la cryogénisation, elle se redressa, non sans difficulté. Elle posa un premier pied à l'extérieur de la capsule, mais il lui était impossible de savoir s'il s'agissait du droit ou du gauche. Normalement, les réveils artificiels ne causaient pas autant de soucis... Une fois levée, la tête lui tourna et elle ne comprenait pas comment ses trois camarades pouvaient s'agiter autant et si rapidement. Les jambes lourdes, elle tituba pour rejoindre sa boîte.

 — Milla, dépêche-toi ! Viens ! lui criait quelqu'un aux oreilles, lui provoquant un mal de tête effroyable.

 Elle s'abaissa pour ouvrir son coffre. Mais... Il n'était plus là.

 — Milla, mets-toi debout ! Pourquoi tu t'accroupis ? Il faut qu'on se casse d'ici, et vite !

  À ces mots, elle murmura entre ses dents qu'elle voulait qu'on la laisse tranquille, qu'on lui laisse le temps. Elle ne comprenait pas la gravité de la situation.

 — Tiens, enfile ça ! lui ordonna son capitaine en lui tendant une combinaison qu'elle n'avait jamais vue de sa vie.

— Mais pourquoi ? Je veux mes vêtements à moi ! 

 La soldate perturbée fut elle-même surprise de sa réaction enfantine. Mais rien n'y faisait, elle continuait.

 — Milla, ne commence pas à faire tes caprices. Tu m'énerves déjà.

 — Ah ouais ? dit-elle, toujours d'une voix brisée et lente. Eh ben tu sais quoi ? Toi aussi tu m'énerves déjà ! Bah ouais !

 — Écoute Milla, je ne sais pas ce qu'il t'arrive, mais on est en situation d'urgence là ! C'est pas le moment pour des gamineries. Regarde autour de toi !

 Ce qu'elle fit, dans un grognement fatigué, tout en attrapant arrogamment la combinaison qu'on lui offrait.

 Elle observa. Il lui fallut vingt secondes pour comprendre que ses coéquipiers s'excitaient dans un environnement inconnu. Ils s'armaient. Mais Milla n'avait jamais vu de telles armes dans leur vaisseau. Malgré la confusion, elle reconnut un fusil plasmique. Une arme illégale, puisqu'elle faisait fondre les tissus corporels des victimes dans une souffrance atroce. Et parfois même, elle explosait sans prévenir dans les bras de son propriétaire.

 — Vous êtes tarés de prendre ça... Si on vous chope, on va se faire déglinguer comme j'sais pas quoi...

 Mais personne ne l'écoutait. Elle pensait parler normalement, mais sa voix était cassée et il était difficile de l'entendre.

  Elle commença à enfiler sa tenue qui lui collait à la peau. En la mettant, elle s'arracha un bout d'épiderme provenant de son avant-bras. Elle grimaça de douleur mais ne sentait pas son sang se vider. Elle trima pour enfiler le bas, puis, épuisée par de moindres efforts, s'assit sur sa capsule refermée. Elle regarda autour d'elle. Son ami, Myrmid, désormais armé jusqu'aux dents, ouvrit rapidement la porte de droite et pointa directement son arme, comme par réflexe, en direction du couloir qui s'allongeait devant lui.

 Une minute... La porte de droite ? Depuis quand il y a une porte ici ? Normalement il n'y a qu'une seule porte qui mène à la chambre de réveil... Une lueur de lucidité traversa l'esprit de Milla qui se leva fougueusement et faillit perdre l'équilibre. Elle tourna sur elle-même, observant la salle avec plus d'anxiété encore qu'avant de se coucher. Les murs n’étaient plus gris, mais en grande partie blanc. D'un blanc hypnotisant, évanouissant. A la fois paniquée et haletante, elle rugit dans un ton paradoxalement alangui :

 — Putain les gars mais on est où là ?

 Elle pensa crier, mais elle ne faisait qu'émettre des sons aigus incompréhensibles.

 — Répondez-moi ! Hey ! Bande de fumiers vous m'ignorez pas, c'est compris ?!

  Ils étaient trop occupés pour lui répondre. Et quand bien même, ils étaient trop loin, trop bruyants et trop agités pour remarquer ces tintements inaudibles. Énervée, tremblante, elle se releva, possédée par une énergie nouvelle. Ses membres incoordonnés, elle atteignit Myrmid en boitant. Elle s'appuya sur lui pour compenser son élan et en profita pour lui frapper l'épaule. Surpris, il sursauta et se retourna très rapidement vers elle, pointant son fusil en sa direction pendant deux secondes avant de se rétracter avec un soupir de soulagement :

 — Tu m'as fait peur ! Milla ne me fais plus ça !

 — Bordel, vous allez me dire ce qu'il se passe ou quoi ?

 — Qu'est ce qu'il t'arrive ? Ta voix est différente...

 — Ne détourne pas le sujet, merde !

 — T'énerve pas, t'énerve pas... Bon, tu as remarqué tout comme nous que le vaisseau a changé d'apparence. On a de fortes raisons de croire que des trafiquants d'organes nous ont attaqués, mais qu'on s'est réveillés trop tôt de notre stase.

 — Oh ça ne sent pas bon ! … On est en quelle année ?

 — Quarante ans plus tard, comme prévu, sinon on ne serait pas sortis de notre stase. Ils ont dû penser qu'on devait rester encore endormis pendant longtemps, au moins le temps du voyage. Ils ont mal calculé. Bon allez, va prendre une arme dans l'armoire là-bas.

 — D'accord... Une minute... Ils n'ont pas vérifiés à quelle date on se réveillerait et ont été assez stupides pour nous stocker dans leur armurerie ?

 — Il faut croire. C'est une chance ! Les pirates ne sont pas les plus malins.

 — Moi je dis que c'est un piège.

 — Récupère une arme, c'est tout...

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