Les parfums du passé

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Flavia prit le chemin de son appartement en écrivant un message à Anna pour lui annoncer qu’elle pouvait renvoyer sa candidature à la Bibliothèque Nationale, ne sachant si elle était davantage heureuse d’avoir pu rendre service à la jeune fille, ou d’avoir obtenu un argument peut-être décisif pour calmer les velléités de Vesari. Elle connaissait pour la première fois la joie pure de rendre un service véritablement utile à quelqu’un et c’était extraordinairement grisant pour elle de se décentrer de ses propres préoccupations.

Pour modérer son ivresse, elle revint à pied chez elle car elle avait tout l’après-midi devant elle.

Cependant, elle s’arrêta en cours de route pour trouver de quoi se sustenter. Un petit restaurant qui ne payait pas de mine proposait de la cibo de strada sur le minuscule écriteau de sa devanture, la dénomination italienne de la street food. Alléchée par les antipasti proposés, Flavia opta finalement pour des suppli, sortes de petites boulettes frites à base de riz, de tomate et de mozzarella, faciles à manger avec les doigts en marchant. S’il s’agissait bien d’une spécialité romaine, elle apprécia de retrouver le goût et l’onctuosité familiers du fromage de sa région d’origine. Elle se complut dans cette sensation agréable en flânant sous les pins parasols du jardin historique de Sant’Alessio, qui ombragèrent ses pas jusqu’au jardin des orangers.

Elle huma avec délectation l’odeur que dégageaient les géants épineux, lui rappelant l’emblème de la baie de Naples, le célèbre pin de Posilippo. Le parc paysager était aménagé sur une éminence, proposant un panorama unique sur la ville tout en longeant le Tibre. En effet, la longue promenade offrait une large perspective sur le dôme monumental du Vatican, à l’horizon, et le Circus Maximus à droite. Flavia s’attarda longuement sur la vision céleste de la Ville éternelle. Ce tableau enchanteur était encore rehaussé par le cadre de feuillages des orangers qui formaient des petites touches verdoyantes sur les hauts nuages d’aiguilles d’une nuance plus sombre des pins.

La ville s’étalait là, à ses pieds, avec la majesté digne de la capitale du monde qu’elle avait été, océan de toitures aux formes heurtées couronné d’une forêt de clochers adressant au ciel autant de prières silencieuses. Cette contemplation fournit à l’esprit agité de Flavia une source d’apaisement bienvenue. Aussi forma-t-elle la résolution d’y revenir méditer si elle était à nouveau submergée par les émotions qui l’assailliraient inéluctablement dans l’avenir.

Puis elle profita de son temps libre pour errer sur les berges du Tibre, dont les murailles recouvertes de graffitis et de tags lui rappelèrent les rues de Naples, jusqu’au pont Mazzini, où d’immenses fresques éphémères retraçaient l’histoire de Rome. Son œil connaisseur caressa longuement les cavaliers antiques et les grandes figures de l’Antiquité à nos jours.

En remontant jusqu’au pont Sant’Angelo, elle respira d’aise, profondément, elle avait eu cruellement besoin de ce répit qui lui permettait enfin se recentrer sur elle-même. De loin, les anges de pierre semblaient veiller sur elle avec leurs poses gracieuses, mais en s’approchant, elle se rendit compte qu’ils représentaient en réalité les différentes étapes du calvaire du Christ. Le plus beau d’entre tous arborait un doux visage aux traits réguliers, qu’aucune émotion ne venait troubler. Il portait dans ses bras un étrange objet dont elle ne discerna pas la fonction dans un premier temps. En s’approchant, elle distingua une inscription sur le socle « in flagella paratus sum », signifiant « je suis prêt au châtiment ». Il présentait entre ses mains un faisceau de courtes lanières toutes prêtes à flageller le corps divin.

Ce funeste présage fit courir à travers tout son être une vague glacée qui la figea, au milieu du flot de touristes qui venait admirer ces chefs-d’œuvre. Elle sentit l’ombre d’une menace planer sur elle. Pour chasser cette impression, elle se remit en route pour rentrer chez elle.

En se hâtant, elle franchit les derniers mètres qui la séparaient de son immeuble afin de se blottir dans la pénombre de son hall d’entrée. En partant, elle avait heureusement fermé les persiennes et l’intérieur avait gardé sa fraîcheur nocturne, ce qu’elle goûta particulièrement après cette longue journée passée dans l’étouffante chaleur de septembre.

Après avoir avalé un verre d’eau tempérée, ce qui la fit grimacer, elle s’affala sur son lit et aperçut sur le chevet le téléphone que lui avait remis Fabio. Toute à sa stratégie contre Vesari, elle avait oublié de prendre sur elle ce moyen de communication essentiel avec ses complices.

Prise d’une soudaine appréhension, elle l’alluma, craignant d’avoir manqué un appel important. Et en effet, l’écran indiqua trois appels en absence. Sans attendre, elle composa le numéro de Fabio et fut immédiatement confrontée au tourbillon de son agitation.

Bonnì, Flavia ! Nous avons essayé de te joindre, qu’est-ce qui t’est arrivé ? l’interrogea anxieusement le jeune mafieux.

— Je suis vraiment désolée, je suis allée me promener dans la ville et j’ai oublié de prendre le téléphone avec moi, s’excusa-t-elle, surtout désolée de lui avoir causé des inquiétudes injustifiées.

—Très bien, alors ! Ce n’est pas trop tard pour ce que je voulais te dire de toute façon…

Derrière lui, elle entendit comme à l’accoutumée la voix de Marco l’apostropher.

— Il faut garder en permanence ce téléphone avec toi, sauf quand tu pars chez le Boss ! s’agaçait-il. Tu te rends compte que tu as failli nous faire manquer une occasion, surtout pour bayer aux corneilles.

Cette invective n’étonna pas Flavia, habituée qu’elle était d’être considérée comme corvéable à merci par le caporegime.

— Tu vas aller à sa rencontre ce soir, Maddalena sera à l’Enoteca Da Eliseo dans le Trastevere, avec des amies à elle. Il faudra l’approcher, la faire parler. Comme elle t’a déjà vue, cela devrait te faciliter les choses.

Tu vas me rejoindre à Sant’Agnese, au même endroit que la dernière fois, je vais te remettre quelque chose. Tout de suite.

Après que Marco eut achevé si abruptement ses directives, Fabio reprit l’appareil.

— Pardonne-lui à ce chiattillo, tu sais, il vaut mieux que ce qu’il laisse paraître. Allez, va le rejoindre… Tu sais où se situe le bar à vin ?

— Je ferai une recherche, j’ai noté le nom, assura Flavia. Stàtte buòno !

Ce verimmo ! rétorqua Fabio en lui envoyant un baiser sonore.

Ce bref échange dans sa langue natale procura un plaisir intense à Flavia, mais elle n’avait pas le temps de savourer cette délicieuse nostalgie. Il fallait obtempérer sans attendre aux ordres de Marco, mais cette fois, la mission lui paraissait plaisante, elle l’espérait même avec impatience. Elle se précipita donc à l’extérieur et vola à la rencontre de l’assassin.

Elle pénétra dans la pénombre de la petite chapelle souterraine et distingua comme la première fois la large silhouette de Marco.

Sans préliminaire, il l’attira d’une main vers lui pour simuler une étreinte qui préserverait le secret sur la nature de leur échange. Le bras musculeux s’enroula autour de sa taille et les lèvres épaisses de Marco se portèrent à son oreille, l’emplissant de son timbre de basse chantante.

— Écoute, nennella, je vais te poser un micro enregistreur à commande vocale. Ça signifie qu’il est équipé d’un capteur sonore pour déclencher l’enregistrement. Tu n’as rien à faire que me le ramener, demain matin à dix heures, ici.

Marco se détacha d’elle et sortit de sa poche un petit objet noir de forme carrée.

— Ne bouge pas, je vais te le placer. Le contact sera froid au début, annonça-t-il d’un ton autoritaire.

Ses doigts recherchèrent le soutien-gorge de la jeune fille en plongeant sans ambages dans l’échancrure du t-shirt. À ce contact brutal, elle esquissa un mouvement de recul, mais Marco la maintint contre lui.

— Ne bouge pas, je t’ai dit, répéta-t-il d’une voix agacée.

Flavia retint sa respiration, grimaçant de sentir la main s’immiscer dans le bonnet, irritant la peau délicate du téton en plaçant contre elle le mouchard. Le fin duvet qui recouvrait sa poitrine se hérissa, révulsé par la froidure du plastique et la rudesse de la main qui le maniait.

A ce moment, un bruit de pas s’approcha, lentement mais inexorablement, résonant tout au long du couloir de l’ancien stade de Domitien. Marco plaqua la jeune fille contre la paroi glacée, et sa main se reporta sous un genou qu’elle releva d’un coup sec. Ce faisant, il lova ses lèvres dans la courbure de la nuque de Flavia, qu’il effleura de son souffle fiévreux. Comprenant la manœuvre, Flavia renversa la tête en arrière, comme pour s’offrir aux avances de l’homme, mais un frisson la prit, déclenchant une vague de chaleur à travers son corps. Une tête passa l’encadrement de la porte mais se retira aussitôt, discernant les deux corps enlacés contre le mur.

Bien que la présence importune se soit évanouie depuis un moment, ils restaient là, dans la semi-obscurité, immobiles l’un contre l’autre, semblant guetter les ondes du silence, face au profil de marbre de la sainte martyre.

Comme la fois précédente, Flavia était happée par la douceur qui émanait de la suave toison bouclée de Marco, de même que la rugosité de sa joue nimbée d’effluves boisés et marins. Le parfum lui rappela le vent iodé de la mer Tyrrhénienne s’enroulant dans les branches des pins de l’arrière-pays, soulevant leur fragrance de sève âcre. La tiédeur irradiant du torse puissant qui l’écrasait par intermittence en se soulevant évoquait l’énergie rayonnante de leur terre natale, sous laquelle bouillonnait la lave du volcan. Toute à cette émotion, elle ne sentait pas même la pierre lisse et gelée dans son dos, ni l’humidité de cave qui régnait là.

Pour quelle raison était-elle ainsi troublée ? Elle ne savait pas pourquoi il émanait un tel charme de ce soldat cruel qui la menait au supplice. Il n’avait pourtant rien de la magnificence sublime de Malaspina, ni de la sévère beauté de Leandro. Mais il représentait l’archétype du napolitain, avec sa peau tannée par le soleil, ses yeux à la paupière tombante à l’iris d’un noir profond qui abîmait toute lueur, son nez busqué légèrement épaté, et sa mâchoire ovale. Cette somme d’irrégularités lui conférait néanmoins une forme de séduction brutale et virile.

Un singulier plaisir issu du passé l’envahissait, sans qu’elle sache d’où exactement il provenait. Elle fermait les yeux de toutes ses forces, essayant d’interrompre la marche du temps pour que la sensation qu’elle éprouvait en ce moment précis se perpétue indéfiniment.

Peut-être leurs âmes napolitaines vibraient-elles de concert, se reconnaissant l’une dans l’autre, unies par leurs contradictions et les paradoxes si chers à leur ville natale…

Au fond de leur crypte, ils étaient tels les anime pezzentelle, les âmes perdues du Purgatoire auxquelles leur peuple rendait un culte fervent depuis la nuit des temps.

Mais Marco fit un pas en arrière et sa main abandonna le corps toujours fébrile de Flavia. Une douloureuse impression de vide la tira de son agréable torpeur.

— Bon, ça va aller comme ça, trancha-t-il. Je te le rappelle, tu n’as rien à faire, l’enregistreur se mettra en marche automatiquement dès qu’il percevra une voix. Nous nous retrouverons ici demain et tu me le rendras.

— Mais pourquoi m’équiper d’un enregistreur maintenant et pas avant ? demanda Flavia, perplexe.

— Déjà ce serait dangereux de t’envoyer dans l’antre du Boss avec ce genre d’équipement, alors que là, tu ne risques rien, tu seras en public. D’autre part, et je suis désolé de te le dire, je ne te fais pas confiance. Même si tu ne le fais pas exprès, il y a sûrement des éléments qui t’ont échappé dans tout ce à quoi tu as assisté.

Flavia demeura saisie par le reproche qui acheva de rompre sa rêverie, même si celui-ci n’était qu’une énième expression du mépris qu’il lui avait manifesté depuis le début. Si cela ne constituait pas une première pour elle, en revanche cela l’attristait toujours autant, pour une raison inconnue. Pourtant, cette vexation aurait dû être le cadet de ses soucis, au milieu du tourbillon de tourments qui menaçait perpétuellement de l’engloutir.

— Enfin… Viéne ccà, près de la lumière, lui ordonna-t-il. Je veux juste vérifier qu’il n’est pas visible de l’extérieur.

Et il se pencha pour examiner l’aspect que présentait la poitrine de Flavia, dont les joues s’empourprèrent d’un flot de sang. En effet, la partie de son corps qu’elle détestait le plus était ses seins menus, pas plus gros que deux mandarines, avec leurs petites aréoles rose pâle. Elle aurait tant aimé posséder une poitrine opulente si prompte à allumer le désir masculin, c’était pour elle la condition essentielle de la féminité. Pendant ses années en scuola media, les garçons de sa classe l’avaient persécutée sous divers quolibets pour se moquer de sa plate silhouette. Ils n’avaient cessé que parce qu’ils croyaient que l’insulte n’avait pas de prise sur elle car elle se contentait de les ignorer et de les éviter, mais en réalité, cela l’avait plus affectée qu’elle ne l’avait laissée paraître.

Depuis ce temps-là, elle avait contracté un complexe secret sur son apparence, et elle s’était résignée en se drapant dans des vêtements informes qui dissimulaient ses minces courbes. Ce sentiment de honte se réveillait maintenant sous les yeux attentifs de Marco.

Cià, guagliona ! finit par lui lancer l’homme, en la plantant là.

Flavia ne comprenait pas pourquoi il la traitait en permanence en fillette incapable. Les qualificatifs qu’il employait pour s’adresser à elle portaient immanquablement cette empreinte. Après tout, il ne devait pas avoir plus d’une dizaine d’années de plus qu’elle, pas de quoi lui donner le droit de la considérer comme une gamine.

C’était véritablement dommage, car cela gâchait le plaisir indicible qu’elle éprouvait à l’entendre s’exprimer dans sa langue natale avec ses accents d’une expressivité véhémente, car, à ces moments, elle avait l’impression qu’ils partageaient quelque chose d’unique et de précieux.

L’esprit désorienté par ces réflexions, elle se dirigea vers la surface afin d’aller choisir chez elle une tenue appropriée pour la rencontre avec Maddalena. Il s’agissait maintenant de se montrer pragmatique et d’évacuer ces pensées parasites qui la perturbaient inutilement.

En premier lieu, il fallait veiller à porter le collier que lui avait remis le Boss, car elle avait été témoin de la scène pendant laquelle il lui avait été imposé. Cependant, pouvait-elle le dissimuler un peu, ne serait-ce qu’un peu ? Sa présence était si dégradante… Il évoquerait peut-être, espérait-elle, les ras-de-cous dont les amatrices de musique gothique se paraient pour se donner un genre rebelle, paradoxalement.

Pour elle, ce n’était rien d’autre qu’un instrument de soumission, rendant son avilissement visible aux yeux de tous. Elle détacha donc la fine chaîne qui supportait ses pendentifs bien-aimés et la remplaça par le répugnant ornement. Elle en adoucit simplement l’aspect en y ajoutant un petit collier de perles qui constituait toute sa bijouterie. Pour se donner une idée du genre de clientèle qui fréquentait l’Enoteca, elle consulta le site qui exposait plusieurs photos où de beaux jeunes gens à la mode semblaient beaucoup s’amuser, un verre à la main. Or, si elle pensait posséder quelques vêtements un tant soit peu raffinés, rien n’était vraiment au goût du jour. Il y avait bien les quelques habits que son amie Chiara lui avait offerts, cependant, ils étaient légèrement marqués par l’extravagance napolitaine, et ne coïncidaient pas du tout avec la vogue romaine. Quoi qu’il arrive, elle déparerait parmi les élégants convives. Pour ce soir, elle opta donc pour une robe babydoll de popeline blanche très courte, qui, si elle dénudait franchement ses jambes, dissimulait sa silhouette par sa forme qui s’évasait progressivement en s’écartant de sa poitrine. Elle contrebalança ce style presque puéril en appuyant son maquillage, alliant ricil et larges traits d’eyeliner. Elle paracheva sa tenue en y ajoutant les seules chaussures à talon qu’elle possédait. Enfin, elle tressa à la manière française ses longs cheveux en une natte très serrée qui partait du sommet du crâne.

Une fois ces préparatifs terminés, elle s’observa quelques minutes devant sa psyché pour juger de l’effet rendu, mais elle ne s’y attarda pas car elle n’avait pas l’œil assez exercé pour détecter d’éventuelles fautes de goût. Elle haussa les épaules. Elle n’avait personne à séduire cette fois-ci, ce n’était donc pas si important.

Le fait était que l’ensemble n’était pas très bien assorti mais cela lui conférait un charme maladroit qui seyait joliment à son apparence juvénile.

Après avoir vérifié l’itinéraire qu’elle devrait suivre pour rejoindre à la cave à vin, elle se précipita autant que ses talons le lui permettaient pour s’y rendre.

L’Enoteca était un établissement discret, signalé uniquement par une enseigne en fer forgé où apparaissait sybillinement son nom, ciselé en arabesques arachnéennes. Une porte étroite de verre opaque y donnait accès, sur la sobre façade néo-classique du bâtiment bourgeois dans lequel il se cachait.

Le videur aux proportions colossales scruta assez longuement Flavia, ce qui la mit mal à l’aise, incertaine qu’elle était de s’être apprêtée correctement pour ce genre d’endroit. Peut-être se demandait-il si elle avait l’âge requis pour entrer dans un tel lieu? Cependant, il s’effaça au bout d’un moment pour la laisser passer. Elle pénétra dans un long couloir à la décoration épurée qui débouchait sur un vaste espace fréquenté par une clientèle éparse mais choisie. Dans ce cadre qui mêlait design et matériaux traditionnels, tels que la pierre et le bois, des hommes vêtus de manière décontractée, en bras de chemise et pantalons cintrés, accompagnaient des femmes aux robes de prix, à la fois chics et sexy. L’ensemble était si parfaitement harmonieux qu’on aurait pensé à une mise en scène de film hollywoodien, songea Flavia.

Au milieu de tout cela, elle se sentait évidemment déplacée, elle se pressa donc de s’asseoir sur l’un des hauts tabourets du bar, sans même avoir observé en détail les convives.

Le barman, en grande tenue, s’approcha d’elle pour lui présenter la carte des alcools. Après l’avoir parcourue en diagonale, elle choisit sans hésiter un vin issu des fameux cépages Aglianico, signatures de la région campanienne, le Taurasi de l’Irpinia. Elle fit jouer dans la coupe le liquide aux intenses nuances de rubis, en accord parfait avec ses tonalités de mûres, de réglisse et d’herbes grillées relevées de notes balsamiques. Il la transportait délicieusement vers le passé, portant le poids de sa propre histoire aux vignes centenaires, prenant le temps nécessaire au vieillissement adéquat.

Ce vin à la saveur à la fois sèche et pleine l’enhardit assez pour qu’elle se retourne afin de s’enquérir de la présence de la splendide rousse. Et en effet, celle-ci était assise sur un canapé bas, à l’opposé de l’endroit où elle avait pris place, entourée d’une jeune femme blonde et d’un gorille qui remplissait régulièrement son verre de breuvage aux reflets dorés.

Comment allait-elle l’aborder ? Quelle raison donnerait-elle pour sa présence ici ? Telles étaient les questions qui commençaient à se faire jour dans son esprit. Et surtout comment n’y avait-elle pas pensé avant ? Elle se gourmanda d’avoir été aussi inconséquente, en n’ayant pas réfléchi auparavant à un alibi valable. Marco avait raison, elle n’était rien de plus qu’une gamine écervelée, dénuée de sens commun.

Mais une main se posa bientôt sur son épaule, l’arrachant brutalement à ses réflexions, la faisant tressaillir, et elle fit volte-face pour se confronter à l’intrus.

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