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Tu avais un bermuda et un pull beige. Je m’en souviens. Forcément. Il était d’une espèce de maille douce et légère, que tu portais sur ta peau nue et mate. Absolument à tomber.

J’avais enfilé un truc rapide, passé un coup d’eau sur mon visage, et je t’avais suivi.

Au milieu du tumulte, on ne fit pas trop attention à nous.

-Vous allez où ?

- Prendre l'air…

- Ah. Ok.

Avec toi, tout paraissait normal. Naturel.

On est monté dans ta voiture, une déjà vieille, même pour nous à l’époque. Je ne pouvais rien dire. Moi, j’avais même pas le permis.

On a passé les grilles entourant la résidence. On a tourné à l’angle, et filé sur la route. Lorsqu’on a été suffisamment loin, tu as passé ton bras sur mon épaule, et tu m’as attiré vers toi.

Encore une fois, j’ai été sous le charme de ton odeur. Cette odeur chaude, où je me sentais bien. J’ai suivi le chemin des yeux, sans trop savoir où on allait.

- Tu m’emmènes loin ?

- Je m’arrête quand on veut.

- Non, vas-y roule. Ça me détend.

- Je sais.

Il continua encore, puis s’arrêta en hauteur. Sur les hautes falaises de calcaire, on surplombait la Seine.

En cette fin d’après midi, le soleil chaud de Juin commençait à descendre sur l’horizon. Autour de nous, soudain, des milliers de coquelicots.

Des chemins de cailloux, des herbes hautes. Et ce tapis rouge, à perte de vue de chaque côté. Ondulant doucement avec le vent d’été. Nous étions hors du monde.

Allongés dans les fleurs, sur le ventre, les pieds en l’air, nous sommes restés longtemps à regarder les péniches en contrebas. A envier la vie de bohème, à nous angoisser devant leurs manœuvres compliquées. Nous étions en paix.

Toi aussi, je pense. Tu avais tombé le masque et je voyais le vrai toi. Celui, rare, des moments où tu t’oubliais. Il n’y avait pas que moi que tu sauvais, dans cette échappée improvisée.

L’air était doux. Le chant des oiseaux léger. Et toi. À mes côtés.

Cet endroit avait des couleurs de Paradis. On a discuté de tout. De rien. Souvent le silence entre nous n’avait pas besoin d’être rempli. On s’est roulé dans l’herbe. On a écrasé des tonnes de coquelicots avec nos âneries. Et ton joli pull clair fut tout rouge. Ça tachait fort. On s’en fichait.

On savait que nos résultats tomberaient bientôt. Que les jours qui viendraient, il nous faudrait préparer nos valises.

Mais à cet instant-là, rien ne comptait. Le temps s’était figé pour quelques heures. Ces heures volées, pour nous. Pour toujours.

* * *

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